Electre
de Jean Giraudoux

critiqué par Nance, le 17 juillet 2011
( - - ans)


La note:  étoiles
Encore un bon Giraudoux
Jean Giraudoux reprend ce mythe classique, tout en verve et en humour, humour que j’ai eu la chance de connaître avec La guerre de Troie n’aura pas lieu. J’ai trouvé Electre beaucoup plus sombre, mais plus forte aussi.

La pièce commence quand Oreste, fils de la reine Clytemnestre et du roi des rois Agamemnon, revient incognito à la demeure familiale, vingt ans après qu’il ait été banni (les raisons ne sont pas connues). Il ignore que son père a été assassiné à son retour de Troie par Clytemnestre et son amant Égisthe. Sa soeur Électre veille à mettre à la lumière la vérité et faire naître en lui un sentiment de justice et de vengeance...

J’avais hâte de voir la tournure qu’allait prendre le mythe. C’est un de mes mythes grecs préférés et mon coeur a toujours appartenu à Clytemnestre, mère d’Iphigénie. Iphigénie sacrifiée aux dieux par son père, le puissant roi Agamemnon, pour des vents favorables le menant à Troie... Et, par extension, j’ai toujours détesté Électre, miss pureté, miss justice, alors que son père était loin d’être un saint à mes yeux... Pour Oreste, je l’ai toujours vu comme étant plus un instrument de sa vengeance que quelqu’un avec une personnalité propre. Donc, j’ai toujours eu un parti pris pour Clytemnestre et jamais Électre, alors j’ai lu la pièce avec ce filtre-là.

Je crois que le dramaturge laisse de la marge peu importe du côté qu’on soit, il détaille les points forts et les points faibles de la défense de chacun des protagonistes et j’ai trouvé ça très bien. C’est une excellente pièce et je la recommande.

« LE MENDIANT. C'est que si l'âme d'une fille, par le plus beau soleil, se sent un point d'angoisse, si elle renifle, dans les fêtes et les siècles les plus splendides une fuite de mauvais gaz, elle doit y aller, la jeune fille est la ménagère de la vérité, elle doit y aller jusqu'à ce que le monde pète et craque dans les fondements des fondements et les générations des générations, dussent mille innocents mourir la mort des innocents pour laisser le coupable arriver à sa vie de coupable! Regardez les deux innocents. C'est ce qui va être le fruit de leurs noces : remettre à la vie pour le monde et les âges un crime déjà périmé et dont le châtiment lui-même sera un pire crime. »
Un mythe relaté avec humour 9 étoiles

Un roi antique, Agamemnon, a sacrifié l'une de ses filles, Iphigénie. Il est lui-même tué par sa femme et l'amant de cette dernière, Clytemnestre et Egisthe. Oreste, fils du roi mort étant banni, seule reste Electre, broyant du noir de sa situation familiale, loin de son frère aimé et auprès d'une mère meurtrière, bien que vengeresse, au point de se marier avec son amant et complice, ce dernier lui demandant de convoler.
Or, sous les atours d'un étrangers aux premiers abords non identifié, Oreste revient, et obtient ainsi des renseignements croisés sur la famille royale. Quand Electre le reconnaît, elle se fond en haine contre sa mère envers qui elle tient des pensées funestes, alors qu'elle manquait elle-même se marier au jardinier au début de la pièce, la justice intervenant étrangement dans ces affaires, en estimant de la morale et de la santé d'esprit des impétrants aux noces.

Ce drame antique est restitué avec verve, humour, à l'instar des qualités découvertes dans La guerre de Troie n'aura pas lieu. Inquiétante autant que drôle, cette pièce instruit, rappelle ses classiques et divertit.

Veneziano - Paris - 46 ans - 25 décembre 2018


Réécriture d'un mythe antique... 8 étoiles

On est là dans la tragédie antique : Agamemnon, le Roi, a sacrifié une de ses filles, Iphigénie, aux dieux. De retour de la guerre de Troie, il est assassiné à son tour, par son épouse, Clytemnestre aidée de son amant, Égisthe.
Oreste, le fils unique banni, il ne reste plus qu’ Électre. Aussi Égisthe veut-il la marier… Bon débarras.

C’est sans compter avec le retour d’Oreste… Dès lors Electre n’est plus que haine et désir de vengeance dans le conflit qui l’oppose à sa mère. Ni l’un ni l’autre ne savent comment leur père est mort. La pièce tourne à l’enquête policière en même temps qu’elle évoque la condition de la femme dans notre monde contemporain ; et c’est la toute la modernité de Giraudoux.

Une pièce qui fut donnée pour la première fois le 13 mai 1937 au Théâtre de l'Athénée dans une mise en scène de Louis Jouvet. Une réécriture d’un mythe antique qui ne manque pas de nous questionner.

Lecassin - Saint Médard en Jalles - 68 ans - 17 février 2013


Inégal 7 étoiles

"Electre" de Jean Giraudoux est une pièce malheureusement inégale. Car le premier des deux actes est exceptionnel. L'auteur y déploie tout son talent, et a peut-être écrit là ses meilleures pages. Aux personnages du mythe, il ajoute celui du mendiant, dont personne ne sait s'il est un homme ou un dieu, et qui accompagne le déroulement de la pièce. C'est à ce personnage que revient en particulier de raconter la mort hors-scène d'Egisthe et de Clytemnestre à la fin de la pièce. Giraudoux offre ainsi au personnage d'Electre un véritable pendant masculin, qui lui aussi pousse le drame à s'accomplir. L'intérêt principal de l'oeuvre est de placer le mythe d'Electre dans un horizon psychanalytique. Cette "Electre" semble autant venir de Grèce que du cabinet du docteur Freud. Le meurtre du père par une mère haïe et reniée crée le complexe non-dépassé du personnage éponyme. Plaçant Electre du côté de la névrose, les personnages traditionnellement "négatifs" (Egisthe, Clytemnestre) gagnent une force nouvelle. Clytemnestre à l'acte deux va même, en avouant sa haine pour Agamemnon, jusqu'à littéralement "démythifier" la figure paternelle du Roi des Rois.
Malheureusement, à la dernière de l'acte premier, Giraudoux offre au Mendiant un monologue où il renoue avec une de ses grandes faiblesses: une écriture plus sophiste que véritablement profonde. Le "Lamento du jardinier" qui sépare les deux actes, puis le second acte ne renoue pas tout à fait avec la réussite d'un premier acte fort percutant. La longue intervention d'Egisthe montre que l'oeuvre s'essouffle, que Giraudoux peine à offrir un prompt dénouement au drame qu'il a noué. Les lieux communs envahissent la scène, et seuls quelques passages comme le monologue de Clytemnestre parviennent à saisir le lecteur. Un second acte qui, dans son ensemble, déçoit et ne tient pas les promesses du premier. Une oeuvre frustrante, inégale, où tous les éléments pour faire un chef d'oeuvre étaient pourtant réunis.

Perlimplim - Paris - 48 ans - 10 août 2011