L'homme du Livre
de Driss Chraïbi

critiqué par Camarata, le 25 juillet 2011
( - 73 ans)


La note:  étoiles
« Mène nous vers le chemin de l’équilibre… »
Un très beau roman de fiction sur la vie du prophète MOHAMMED (ou Mahomet), il se lit dans un souffle, comme dans un songe grâce à une poésie lyrique, fulgurante, cosmique, à des descriptions colorées et sensuelles, à la luxuriance d’un pays aux traditions millénaires.
Mohammed homme doux, rêveur et timide est l’époux de la riche et puissante Khadîja, son aînée.
Quinze ans plus tôt, Kadija veuve et femme de caractère, lui demanda d’être son mari :

« C’était un matin rayonnant .A la tombée du jour je suis allé rendre visite à mon destin. Khadija se tenait immobile devant la niche, là ou était posée la lampe de cristal ; Son dos était droit, sa chevelure opulente cascadant jusqu'à la chute de ses reins. Elle ne s’est pas retournée. D’une voix neutre elle m’a posé la question :
-Es tu consentant ?
J’ai dit :
-oui »


Le roman décrit la période mouvante et incertaine de transformation mystique ou le simple et fragile humain devient prophète au service de Dieu

Mohammed a pour habitude d’aller méditer dans une caverne, il est en proie à des visions du futur qu’il ne comprend pas. Il voit le prophète qu’il deviendra, des lettres et des mots échappés du livre s’imposent à sa conscience, paradoxe inconcevable pour cet ancien berger qui ne sait pas lire.

« Y.S (Y.S
(Ya’Sin, nom donné par dieu à son prophète)
, .Brusquement comme surgies de la roche, deux lettres parcoururent Mohammed, des chevilles à la nuque, se gravèrent dans son cerveau en traits de lumière sonore :
Y.S.Elles avaient un sens aussi concret qu’une pierre,
Ce fut une période transitoire très longue et très brève à la fois, durant laquelle l’image qu’il avait du monde volât en éclats.
Il ferma les yeux et vit, entendit.
Chaudes et rayonnantes, d’une joie femelle, matricielle, les étoiles frémirent d’un seul coup ; Toutes elles se convulsèrent tel des oiseaux de lumière atteints à coup de flèches en plein vol .En pleine jouissance elles rendirent l’âme sans un cri. Tombèrent, non en direction de la terre, mais vers la haut plus haut, au delà de la voie lactée, vertigineusement. »


A l’issue d’un processus douloureux et déconcertant, la révélation s‘impose à lui

-Lis !
La révélation était là, surgie de la roche, simple, très simple à emporter l’écoute et la raison ; Et parce qu’elle était là, Mohammed ramassa instantanément tous ses doutes, anciens et futurs, toutes ses incrédulités comme autant de pierres, les assembla en une muraille d’inertie entre le terrien qu’il était depuis sa naissance et l’homme du livre qu’on lui demandait d’être dans un instant de l’instant.

Et ce fut là que sa voix,…. s’élevât de nouveau :
« Et c’est toi d’on nous sommes à l’écoute.
« Mène nous vers le chemin de l’équilibre… »


Le style narratif lyrique, poétique, imagé, est aussi très moderne. Etant athée j’ai reçu ce roman comme un récit sur la création d’un mythe religieux, dans lequel j’ai retrouvé des accents de littérature fantastique.
J’ai été touchée par cette plongée dans la croyance, par cette métamorphose opérée par la foi, rendue sensible par le talent de l’auteur.
Ne connaissant pas la religion musulmane, à la fin de ma lecture j’ai fait des recherches, et j’ai constaté que le roman suit au plus près le récit officiel du prophète Mohammed (ou Mahomet)

Athées ou croyants, perchés au dessus du vide, nous recherchons encore et toujours le chemin de l’équilibre.