Sans contrefaçon de Pascal Nègre

Sans contrefaçon de Pascal Nègre

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Arts, loisir, vie pratique => Musique

Critiqué par Numanuma, le 2 août 2011 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 5 étoiles
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mais pas sans intérêt

Dans la musique, il n’y a pas que les artistes, célèbres ou inconnus, adulés ou honnis, il n’y a pas que les chanteurs hors pairs, les guitar heroes, les destins maudits et les groupes de légendes, il y a aussi les producteurs. Attention, en France le terme désigne aussi bien la personne qui apporte les fonds nécessaire à la création d’un album et la personne qui est chargée des séances d’enregistrement.
Pascal Nègre, le médiatique patron d’Universal France est de la première catégorie et ce livre est son autobiographie, plutôt bien écrite, parfois pleine de mauvaise foi, le lobbyiste qu’il est n’est jamais bien loin, mais il n’y a pas que ça. Le titre, Sans Contrefaçon, est très malin, soulignant à la fois sa volonté de se raconter franchement, son statut de producteur de Mylène Farmer – il lui a quand même demandé l’autorisation d’utiliser ce titre, pas fou – et son opposition aux échanges peer to peer.
Ce qu’il manque à Nègre, c’est de ne pas avoir la bonne bouille de baba cool éternellement jeune de Richard Branson, le charismatique patron de Virgin. Lui, malgré son air sympathique, ressemble… ben, à rien de spécial. Sûrement un bon gars sympa mais je n’ai pas l’impression qu’il attire spécialement les gens à lui.
Pourtant, de par son poste, c’est lui qui est choisi par les médias pour être le « monsieur musique » côté patron.
Son livre offre un éclairage bienvenu sur son parcours assez singulier de plus jeune patron d’un grand groupe. Pascal Nègre a débuté sa carrière comme animateur d'une radio libre. Il intègre les maisons de disques BMG, Colombia, Polygram et enfin Universal dont il devient président en 1998 : « je suis nommé président de PolyGram Disc à l’âge de trente-trois ans. C’était il y a seize ans et j’en suis toujours président ».
Sans se la jouer maître du monde, Pascal Nègre n’est pas toujours d’une grande modestie. Certes, sa réussite est spectaculaire mais on le sent fier de lui et heureux de faire savoir sa bonne fortune. Il faut le dire, il sait reconnaître ce qui va marcher, c’est sa plus grande force. En même temps, il refuse de faire des choix esthétiques. Pour lui, il n’y pas de différence entre Mylène Farmer et la Danse des canards : les deux ont du potentiel commercial, les deux auront un public, les deux peuvent être des tubes. Il ne raisonne pas en termes de bonne ou mauvaise musique mais en termes de vendeur ou pas vendeur.
C’est d’ailleurs toute la description de son métier qui forme la partie la plus intéressante du livre. Bien sûr, il faudrait pouvoir comparer avec le ressenti d’un artiste ou d’un petit producteur pour avoir une vision plus objective de la fonction de producteur, de son statut d’interlocuteur privilégié avec les gros vendeurs et les pousses prometteuses. La grande fierté de Pascal Nègre, il faut le comprendre entre les lignes, ce sont ses prouesses marketing au service de la philosophie de carrière à long terme développée et défendue par Universal.
De ce point de vue, le livre est enrichissant et les nombreuses pages consacrées à Johnny Hallyday sont très surprenantes : ça flingue à tout va à OK Universal !
Evidemment, il lui est impossible de passer à côté des dossiers qui fâchent : la Star Ac’ et les réseaux d’échanges de fichiers musicaux.
Pour la Star Ac’, il faut faire le tri. A l’en croire, Universal a eu beaucoup de mal à imposer ses vues sur le contenu de l’émission, à défendre les candidats qui plaisaient à Pascal Nègre, lui-même jury. A la limite, il faudrait le plaindre ! Je crois que, question potentiel de vente, les guignols du vendredi soir étaient bien dotés et Universal s’est bien gavé !
C’est plus compliqué pour le piratage. C’est clair, l’âge d’or du disque est passé mais Internet n’en est pas le seul responsable. Il montre clairement l’effondrement des médias de masse et le rôle précurseur d’Universal dans l’utilisation d’Internet pour agréger des communautés de fan autour d’un artiste qui n’aurait pas pu avoir une exposition médiatique classique. Or, dans son métier de producteur, la promotion est le premier secteur de dépense. De fait, certains artistes, vendeurs, payent pour ceux qui vendent moins mais qui ont un potentiel.
Dans un tel système, on peut comprendre que certains choisissent de se débrouiller avec un ordinateur mais le producteur reste un maillon indispensable. Pour combien de temps ? Le marché de la musique enregistrée tel que nous le connaissons est en train de disparaître, peut-être définitivement. On peut considérer, dans ce cas, que la lutte contre le « piratage » est un combat d’arrière-garde. Pour lui, les pirates sont là pour "s'emparer de notre production sans la payer". A titre personnel, je suis malheureusement d’accord. Pour moi, l’artiste a le droit de tirer un profit légitime de son travail et de contrôler l’utilisation qui en est faite. Je ne crois pas à une libération de la musique comme vecteur de progrès culturel. On peut dire qu’il est enrichissant d’avoir accès gratuitement à la culture mais je ne vois pas en quoi cela serait un bien pour les artistes, au sens large, pas uniquement les musiciens. De quoi vivront-ils ?
Cependant, je pense que Pascal Nègre a bien vu que le business model qui domine le marché de la musique est en train de s’écrouler doucement, pirates ou pas, mais il n’ose pas l’affirmer, préférant finir par une juste colère : l’écoute généralisée de la musique sur du matériel de mauvaise qualité comme les enceintes d’ordinateur. C’est un peu court mais tellement vrai.

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Les éditions

  • Sans contrefaçon [Texte imprimé], document Pascal Nègre avec la collaboration de Bertrand Dicale
    de Nègre, Pascal Dicale, Bertrand (Collaborateur)
    Fayard
    ISBN : 9782213644219 ; 22,00 € ; 03/11/2010 ; 308 p. ; Broché
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