Vénus et Junon (Journal 1965-1969)
de Gabriel Matzneff

critiqué par Dirlandaise, le 5 août 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
La mariage, le monastère ou la mort
Ce journal couvre les années mille neuf cent soixante-cinq à mille neuf cent soixante-neuf inclusivement. Gabriel Matzneff fait la rencontre de Tatiana, rencontre décisive dans sa vie car elle deviendra son épouse. Avant de prendre la décision de se marier, l’écrivain fut longtemps torturé à l’idée d’unir sa vie à celle d’une jeune fille dont il craint de faire le malheur. Lui le libertin, le tombeur qui ne peut résister à un joli minois, à une peau douce et à un corps d’adolescente, sera-t-il capable de réfréner ses désirs insatiables afin de rester fidèle à la femme de sa vie ? Il cherche une réponse auprès de ses amis et demande conseil car il est incapable de prendre une décision éclairée. Certains lui déclarent que le mariage n’est pas fait pour lui alors que d’autres lui assurent qu’il y trouvera le bonheur. Mais le mariage implique un tas de responsabilités que l’auteur de « L’archimandrite » n’est pas certain de pouvoir assumer. Il devra renoncer à sa chère liberté et gagner plus d’argent, lui qui vit en bohème et adore son style de vie insouciant et empreint d’irresponsabilité. Laquelle des deux l’emportera ? Vénus, la déesse de l’amour, de la séduction et de la beauté ou bien Junon symbolisant le sacrement du mariage ?

Quel beau livre vraiment ! L’écrivain écrit dans son journal régulièrement pour raconter sa vie mondaine, les dîners chez les uns et les autres, ses amours, ses conquêtes et ses voyages. Car Gabriel Matzneff à la bougeotte. Il ne reste jamais très longtemps à Paris, il a le goût de partir encore et tout le temps. Il nous entraîne en Russie où il joue les James Bond en passant des livres interdits à la douane au risque de se faire arrêter, en Suisse, en Grèce où il rend visite à l’écrivain Michel Déon, au Maroc. Chacun de ses voyages est un enchantement, un bonheur. Mais la rentrée à Paris est difficile et de retour du Maroc, il tombe dans une mélancolie et une déprime dont il aura du mal à se relever. Le goût du suicide revient le hanter plus que jamais. Son salut réside dans l’Église, l’écriture et Tatiana.

Un livre très riche, empreint de spiritualité et de théologie. L’auteur a su garder un bel équilibre entre ses expériences de vie, ses réflexions sur l’actualité, des citations de ses lectures favorites et surtout ses propres citations toujours belles et émouvantes. Jamais il ne tombe dans l’amertume, la rancœur et la haine. Toujours il demeure d’une étonnante noblesse de cœur et d’une spiritualité rayonnante malgré ses doutes quant à l’existence de Dieu et les drames qui viennent assombrir sa vie. Les scènes au lit sont très discrètes et jamais osées. Elles sont d’une grande douceur et d’une belle tendresse. Je ne déplore que quelques réflexions pendant son voyage au Maroc qui sont à la limite de la vulgarité et qui m’étonnent de la part d’un homme aussi raffiné et d’une aussi grande culture.

J’accorde donc une note parfaite pour ce journal d’une sincérité désarmante et d’une richesse humaine et spirituelle qui m’ont encore une fois totalement conquise. Un livre à lire tout doucement, afin de bien s’imprégner de cet univers matznévien unique et apaisant.

« Je ne suis pas fait pour la société, parce que rares sont ceux qui ne m’agacent ni ne me déçoivent ; et parce que rares sont ceux que je n’agace ni ne déçois. »

« Reste avec nous, Seigneur. C’est ton visage qui donne un sens aux êtres et aux choses. C’est le mystère de la divino-humanité, exprimé par ton incarnation, qui nous permet de croire en Dieu et en l’homme. C’est ta tendresse qui nous empêche de mourir de froid. »