Week-end de chasse à la mère
de Geneviève Brisac

critiqué par Isaluna, le 17 juin 2002
(Bruxelles - 68 ans)


La note:  étoiles
Une histoire d'amour comme toutes les autres...
"Ce n'est pas bon d'être mon enfant, je sais, mais le mal est fait". Ces mots, c'est Nouk qui les prononce, pendant ces vacances de Noël qu'elle passe avec son fils, Eugénio, un enfant d'une dizaine d'années.
Nouk est, comme le sont souvent les mères, une coupable en puissance, s'accusant toujours de quelque chose, de trop aimer son fils, ou de l'aimer mal. S'ajoutent à cela les regards des autres, de tous ceux qui vous veulent du bien et s'ingénient à vous en faire, de gré ou de force... Geneviève Brisac brosse ici une histoire d'amour, pleine de malentendus comme toutes les histoires. Une histoire faite de ces mille riens qui ,dans la vie autour de nous, nous touchent, nous attendrissent ou nous font sourire. Une histoire en petites touches sensibles, qui laissent leur trace dans le coeur, le livre refermé. P.S. : Et comment, je vous le demande, ne pas aimer une héroïne qui traite avec tant de justesse les glaïeuls de "fleurs imbéciles et prétentieuses?"
Non, ma fille.. 8 étoiles

Nouk est le personnage du premier roman de Geneviève Brisac, Petite, qui parlait de l'anorexie. On la retrouve ici, mère d'un jeune garçon, Eugenio, l'espace d'un week-end de Noël.
Le titre, beau et éloquent, sous-tend toute l'histoire.. Week end de chasse à la mère! La meute se forme, et à la fin, ce sera l'hallali.

Extrait:

"Eugenio ne pleure plus, il parle en baissant la voix,en baissant les yeux. « Tu te trompes toujours, maman. C’est-ce que papa a dit au téléphone, que tu ne savais pas vivre avec moi normalement. Il a dit que tu étais devenue un peu folle, d’après les bruits qu’il avait recueillis qu’on était toujours tous seuls tous les deux, que c’était très dangereux tout ça, tous les spécialistes de l’enfant et de la famille le disent, il m’a dit: : « Qu’est-ce que tu en penses, tu ne crois pas, mon chéri? » c’est-ce qu’il m’a dit, est-ce que c’est vrai, maman? Je les ai entendus en parler au téléphone avec Martha, ils disaient que tu étais tellement fragile, trop dangereuse, pour toi-même et sans doute pour un enfant, avec ce psychisme, cette hérédité, ce psychisme d’hérédité, ils ont dit « un gène d’irréalité » et tous les mots sont entrés dans ma tête, on ne peut pas les effacer."


Même si le film de Christophe Honoré, dont Geneviève Brisac est coscénariste, est très, très librement adapté, c'est une évidence que le personnage féminin interprété par Chiara Mastroianni tient beaucoup de Nouk. Nouk qui veut tout simplement avec son fils transformer la réalité et l'embellir à tous moments. Mais cela, cela s'appelle de la folie pour le commun des mortels..

Tendre, drôle et déchirant, très joli roman.

Paofaia - Moorea - - ans - 14 mai 2010


Follement drôle, c'est vrai ! 8 étoiles

C'est drôle, effectivement, mais pas dans le sens premier qu'on l'entend : l'humour de Geneviève Brisac est davantage cynique et gribouillé. "Week-end de chasse à la mère" est la suite de "Voir les jardins de Babylone", mais il a été publié d'abord, peut-être c'est une suite sans en être une concrètement. Dans ce roman, en fait, on retrouve avec bonheur les personnages principaux : Nouk, une maman paumée, décalée et limite un peu folle, son fils Eugenio, petit garçon exigent, ogre, lucide, intelligent et vorace. Tous deux vivent trop à deux, alimentent une relation étouffante que l'entourage juge anormal et mauvais pour la mère et l'enfant.
Nouk, elle, écoute les exigences de son fils qui, la veille de Noël, ordonne à sa mère de leur organiser une fête "différente", non plus un tête-à-tête mère/fils qui le gonfle. Alors, à deux, ils vont organiser quelques jours de délire complet : l'achat d'un vrai sapin de Noël, un réveillon au Bon Marché, la rencontre d'un type qui a de Tchekov le prénom d'Anton, l'enterrement saugrenu du canari Eve, des vacances en bord de mer en Bretagne, etc... Mais Eugenio n'est pas satisfait. Même les blagues potaches sur la reine Elisabeth le laissent de marbre, alors Nouk se pose des questions. Et si son amie Martha avait raison ?.. si l'eau était finalement trop grise et impossible à peindre ?.. Et qui disait cela : je marche des cailloux dans les poches ?..

Là, Geneviève Brisac prend véritablement plaisir à broder autour du sujet de la relation maternelle, la relation filiale, l'amour vautour, l'enfant roi, etc. C'est parfaitement jubilatoire, pour l'écrivain de l'avoir écrit, d'avoir explosé son délire, et donc pour le lecteur, de ricaner, de déchanter, etc. Un roman comme j'aime !

Clarabel - - 48 ans - 6 mai 2005