Amkoullel, l'enfant Peul
de Amadou Hampâté Bâ

critiqué par Hamilcar, le 16 août 2011
(PARIS - 69 ans)


La note:  étoiles
Transmission
Amadou Hampaté Bâ était un disant. Un de ceux dont la transmission culturelle doit avant tout être orale, la transcription relevant simplement du devoir de conserver les mots, non de les communiquer. Car Amadou a ressenti ce déficit de transmission de la mémoire lorsqu’il a été intégré dans les écoles françaises, où il a certes appris, mais regretté que se dilue chez les uns ou les autres de ses amis notamment, l’héritage culturel des anciens au profit d’une éducation et d’un enseignement sans ancrage avec le passé.
Une des nocivités de la colonisation est ainsi formulée, mais sans animosité ou quelque rancœur que ce soit. Le passage d’une culture à une autre n’a pas empêché Amadou de transmettre aux générations futures ce qu’il a vécu, senti et entendu comme sagesses venues d’un autre temps, d’un autre monde.
Le livre est ainsi truffé d’anecdotes et de souvenirs que ne négligerait pas un bon auteur de fictions. Au Mali, en cette période, il y avait des Peuls (dont Amadou), des Toucouleurs, des Bambaras, des Dogons, des Blancs-blancs et des Blancs-noirs. Ces communautés vivaient en symbiose, même si les Blancs-blancs (Français) prédominaient, même si les hiérarchisations tribales avaient droit d’existence et étaient même souvent encouragées par les Français.
Amadou était instruit en école coranique et aux veillées familiales dans lesquelles les griots racontaient pour transmettre. Le cours de son existence l’emmènera là où il ne se destinait pas mais sans abandonner ses racines qu’il nous décrit en première partie du livre, racines faites de conflits, certes, mais aussi de culture.
L’omniprésence de la mère (sublime Khadidja), la détermination du père (qui en fait ne l’est pas), les amitiés structurées en waldés (associations), les «Valentines » mariées platoniquement aux garçons chevaleresques défendant leurs belles, mais aussi les fêtes ethniques ou religieuses dont la cérémonie de la circoncision, les périodes dramatiques de sécheresse et de famine, tout cela, Amadou nous le raconte dans le plus grand respect des traditions mais aussi dans le souci de vulgariser à qui n’est pas de ce monde les rudiments de cultures africaines qui tendent à être oubliées.
On ne s’ennuie pas dans la lecture de ce livre, même s’il est parfois difficile de ne pas se perdre dans certaines homonymies ou filiations qui dépassent notre conception occidentale.
Même si j’ai une préférence pour l’excellent « Etrange destin de Wangrin » du même auteur, cette autobiographie a souvent une note picaresque, un charme indéniable qui font de l’œuvre un très bon livre à savourer sans modération. Où l’on découvre d’ailleurs l’existence de Wangrin comme n’étant pas inventée.