La guerre de la fin du monde
de Mario Vargas Llosa

critiqué par Poignant, le 17 août 2011
(Poitiers - 58 ans)


La note:  étoiles
L’Iliade au Brésil
Années 1890. Le Brésil vient de connaitre brusquement de nombreuses mutations politiques et sociales : abolition de l’esclavage, chute de l’Empire, proclamation de la République, séparation de l’église et de l’état.
Dans le Nordeste, état de Bahia, un prédicateur messianique au charisme crépusculaire, surnommé le Conseiller, arpente les campagnes misérables, dévastées par la sécheresse et les famines. En 1893, avec une foule de disciples, il fonde dans le village de Canudos une communauté égalitaire basée sur le retour aux valeurs primitives du christianisme. En s’appropriant quelques terres de grands propriétaires, il brise l’ordre social établi. Son fondamentalisme religieux heurte de plein fouet une certaine idéologie laïque et républicaine. Tous les miséreux de la région accourent vers Canudos, parcelle de lumière dans un univers de ténèbres…
Un escouade de soldats est envoyée pour rétablir l’ordre et est vaincue, disloquée. Un bataillon, puis un régiment entier subissent le même sort. Une multitude de paysans arriérés, faméliques et fanatisés tient tête au pouvoir fédéral, à la société moderne. Canudos, assemblage invraisemblable de cathares, de communards, de chouans et de talibans fait vaciller la jeune république brésilienne. Face au danger que représente cette utopie obscurantiste, c’est alors une armée qui est envoyée…
Publié en 1981, «La guerre de la fin du monde» est fortement inspiré de «Hautes terres», récit d’Euclides da Cunha, journaliste brésilien membre de la dernière expédition de 1897.
D’une structure impressionniste faite de récits superposés, ce roman est époustouflant et d’une force rare. Un nombre considérable de personnages aux caractères riches et complexes, disciples religieux du Conseiller (le ravi, le lion de Natuba, Maria Quadrado…), bandits de grand chemin repentis (Pajeu, Joao Abade…), aristocrates, hommes politiques, militaires, aventuriers anarchistes, journalistes, paysannes violées, nains difformes se croisent et se recroisent.
Cet ouragan littéraire mélange avec maestria l’Iliade, Fort Alamo, Le Guépard de Lampedusa, l’Espoir de Malraux, le Cœur des ténèbres de Conrad, Cent ans de solitude de Garcia Marquez…
Vargas Llosa est un immense écrivain, justement couronné par le prix Nobel 2010. J’avais énormément apprécié «La fête au bouc », découvert précédemment, mais « La guerre de la fin du monde » est encore plus puissant, et tout autant facile à lire. C’est un véritable chef d’œuvre, pour moi un des dix meilleurs livres jamais lus.
A lire impérativement et à faire lire.