Pantaleón et les visiteuses
de Mario Vargas Llosa

critiqué par Pucksimberg, le 24 août 2011
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Pantaleon Pantoja, le militaire proxénète
Pantaleon Pantoja est un capitaine péruvien fort respectueux qui se voit confier une sacrée mission : calmer les ardeurs des militaires ! Pour ce faire, il doit recruter des prostituées ! Vargas Llosa peint ces épisodes avec humour et n'hésite pas à basculer dans le burlesque en confrontant cet homme sérieux et honnête à ces femmes de petite vertu. Très rigoureux et soucieux de remplir sa mission comme il se doit, le héros du roman crée le SVGPFA, entendez le Service des Visiteuses pour Garnisons, Postes Frontières et Assimilés.

Les Visiteuses sont triées sur le volet, Pantaleon leur fait passer des auditions, sorte de casting plutôt amusant étant donné les compétences requises, parle de rendements ( parle-t-on toujours de rapports charnels ?), minute l'acte sexuel et ne cesse d'engager de nouvelles recrues pour satisfaire l'armée nichée au fin fond de l'Amazonie péruvienne.

Pantaleon devient rapidement l'élément dissonant de l'armée, le lupanar géant orchestré par l'armée est immoral, El Sinchi, journaliste radiophonique ne cesse de critiquer avec virulence le capitaine proxénète malgré lui. Frère Francisco, fanatique qui se veut l'emblème d'un système de valeurs périmées, condamne fermement les agissements de Pantaleon préférant crucifier animaux et hommes afin de défendre ses idées ! Même l'armée retourne sa veste, n'osant assumer la mission confiée à Pantaelon, sorte de bouc-émissaire des temps modernes.

C'est un roman où l'on ne s'ennuie pas une seconde, comme dans tous les romans de Mario Vargas Llosa, l'auteur multiplie les formes d'écriture : insertion de lettres, de dialogues révolutionnaires, de rapports militaires, de retranscriptions radiophoniques ... tout ceci pour le bonheur du lecteur dont la curiosité est sans cesse comblée. De plus, l'écriture de l'auteur est novatrice : les fameux "dit-il", "répondit-elle" sont remplacés par des actions et donnent une dynamique au dialogue :
"- Tu te trompes, tu m'en as fait une très bonne, très bonne - range ses crayons, ses dossiers, ouvre et ferme les tiroirs du bureau, tousse Pantaleon Pantoja. Je t'aurais engagée avant, mais le budget ne le permettait pas." Ce procédé rend les scènes plus visuelles et rappellent les didascalies théâtrales.

Le roman, léger en apparence par son sujet original, n'en est pas moins une critique du fanatisme religieux avec le Frère Francisco et une critique acerbe de l'armée. En effet, sans les Visiteuses, le quotidien des soldats est bien triste, et les décisionnaires de l'armée se montrent lâches lorsque l'entreprise de Pantaleon fait du bruit et que Pantiland est considéré comme le lieu de la luxure.

La décalage entre le monde de l'armée et celui des prostituées rend cette oeuvre divertissante tout en soulevant des problèmes de fond.