La désobéissance de Alberto Moravia
(La disubbidienza)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Eros et Thanatos, pulsion de vie, pulsion de mort.
Luca Mansi, quinze ans, est dans un tel rejet du monde qu’il veut mourir.
Il n’a aucune inclinaison pour le suicide et n’échafaude aucun plan pour disparaître, mais son refus de se calquer sur le réel et le détachement dont il fait preuve à l’égard de sa propre vie le plongent petit à petit dans un état dangereusement mortifère.
D’abord, il y a la révolte, et les violents accès de colère « Luca avait le sentiment que le monde lui était hostile et que lui-même était hostile au monde », auxquels succèdent la torpeur, l’inertie, puis la maladie et le délire.
C’est une infirmière, de par les soins qu’elle va lui prodiguer mais surtout grâce à une initiation sexuelle réussie dont elle sera l’initiatrice, qui le sauvera.
Avant d’en arriver là, Luca va connaître toutes les affres du mal de vivre et un profond dégoût de la vie.
« Ainsi, ne pouvait-il s’empêcher de penser, c’était cela vivre, cela continuer à vivre : faire avec passion et ténacité des choses absurdes et insensées, pour lesquelles il était impossible de fournir la moindre justification et qui mettaient continuellement ceux qui les faisaient dans un état de servitude, de remords et d’hypocrisie. »
A ses yeux, le monde n’a aucun sens et ne lui inspire que de la répugnance. Il prend alors le contre pied de toutes ces choses qu’on attend de lui et qui le révoltent, tant elles sont régies par l’absurdité : aimer ses parents, étudier à l’école, avoir le sens de la propriété, bien manger, prendre soin de son corps…
Du sens, il n’en trouve que dans la désobéissance et la provocation, parce qu’en ces instants de rébellion seulement il se sent acteur dans son existence et non plus relégué au statut de pantin.
Ainsi lorsqu’il enterre tout son argent dans un parc :
« (…) il pensa qu’il était beau d’agir, même si c’est pour détruire sa propre vie ; et qu’agir, c’était justement cela : accomplir des actes d’après des idées et non point par nécessité. »
On retrouve ici tout l’univers moravien, celui qui ne croit pas à la possibilité d’un rapport au monde harmonieux – sinon à travers la communion sexuelle – et qui considère la solitude comme la peine et le destin de l’homme.
Luca c’est un peu Moravia, lui aussi alité durant de nombreuses années durant lesquelles s’est forgé son grand sentiment d’isolement face au monde et qui ont fortement déterminé ses penchants littéraires (il dit, dans une interview « Quand j'étais adolescent, je me suis identifié à Dostoïevski à tel point que je pensais - il a tout dit et je n'ai plus rien à dire- »).
L’univers de Moravia c’est aussi un style fouillé, dense, éloquent, anti-équivoque, ce besoin de porter la lumière complète sur un sujet choisi, cette minutieuse et intelligente introspection qui tourmente mais éclaire.
« La désobéissance », c’est le refus radical du monde qui se transforme en acceptation, une réconciliation avec le réel, la conquête de la paix.
Un des rares romans de Moravia qui se termine sur une note optimiste, même si elle reste un peu désabusée.
Magistral.
Les éditions
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La Désobéissance
de Moravia, Alberto
Gallimard
ISBN : 9782070365081 ; 6,90 € ; 19/12/1973 ; 181 p. ; Poche
Les livres liés
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Le(s) sens de la vie
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 22 mai 2015
Œuvre dense, parfois étouffante, La désobéissance décrit de façon très précise, presque clinique, le cheminement psychologique de Luca, cet adolescent replié sur lui-même, sa prise de conscience, sa colère, son détachement, sa chute dans l'isolement, ce sentiment d'être étranger au monde.
J'ai trouvé dans la première partie de ce livre une analyse à la fois fine et très juste du désir de mort. La colère, le ressentiment, le renoncement sont criants de justesse, tout comme la rébellion contre le couple parental et la société bourgeoise. En revanche, j'ai été moins convaincue par la seconde partie qui s'intéresse au "remède", à la sensualité comme denier rempart contre le désir de mort. Le désir (et pas que sensuel) me semble un bien meilleur moteur de vie que son apaisement... (forcément, depuis le temps que j'ingurgite les livres de Tonton Sigmund !), mais ce n'est que mon avis.
L'écriture d'A. Moravia est fluide, belle, sensuelle, dense, et les idées qu'il développe, les sujets qu'il évoque, sont toujours d'actualité.
Une œuvre forte, un auteur à découvrir.
Cette tentation de se suicider ne l'effrayait pas, non plus qu'elle ne lui paraissait absurde ; elle était, ainsi qu'il le comprit, l'aboutissement naturel du furieux sentiment d'impuissance qui le bouleversait.
Le mot désobéir lui plut parce qu'il lui était familier : durant toute sa première enfance et pendant une bonne partie de son enfance proprement dite, il avait entendu sa mère répéter qu'il devait obéir, qu'il était désobéissant, que, s'il n'obéissait pas, elle le punirait et autres phrases similaires.
Oui, conclut-il, la vie, ce devait vraiment être cela : non pas le ciel, la terre, la mer, les hommes et leurs installations, mais une obscure et moite caverne de chair maternelle et amoureuse où il pénétrait confiant, sûr d'y être protégé comme il l'avait été par sa mère tant que celle-ci l'avait porté dans son sein.
Une crise d'adolescence métaphysique
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 47 ans) - 31 juillet 2013
Le sujet est grave, sombre. A chaque instant, la lectrice et le lecteur craignent le pire. Or, au sein de cette atmosphère pesante, un ensemble de petites touches d'espoir viennent éclaircir ce tableau assez glauque, mais fin également.
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