Poèmes à dire : Une anthologie de poésie contemporaine francophone
de Collectif

critiqué par Thomas Fors, le 2 juillet 2002
(Beloeil - 88 ans)


La note:  étoiles
La couleur charnelle des mots
Voici une anthologie de poésie contemporaine consacrée aux poèmes à dire, c'est-à-dire ceux qui bénéficient d'une sonorité et d'un rythme particuliers.
"Libérez le souffle et chaque mot devient un signal" écrivait Ghérasim Luca.
Le poème est ici l'énergie d'une voix, il chant, il est pouvoir. pouvoir de l'incantation, ou "chants des chevaux" (Navajos).
Cette danse vocale peut être la langue-prière de PEGUY, la langue-transe de LUCA, le vertige d'ARTAUD...
Vous trouverez des textes de CLAUDEL, de CENDRAS, de REVERDY, de COCTEAU, d'ELUARD, du magnifique TZARA, de ARAGON, de MICHAUX, etc.
Tiens la Belge Liliane WOUTERS retient notre attention, sans oublier -bien entendu- son collègue Jean-Pierre VERHEGGEn, toujours aussi savoureux, grand manieur des mots...
En bref, un beau livre consacré à la "polyphonie"... De quoi découvrir ce qu'est la poésie d'aujourd'hui, tout en trouvant son plaisir.
UNE ANTHOLOGIE DE LA POÉSIE FRANCOPHONE DU XXe S.! 5 étoiles

Cette anthologie rassemblée par le poète Zéno BIANU (*1950) nous présente un poème pour chacun des auteurs retenus, sélectionné parmi leur œuvre. Toutefois, une fois de plus je constate que l’anthologie en elle-même à un titre trompeur, pour celui qui voudrait découvrir un « panorama » de la poésie contemporaine. Car si on entend par poètes d’aujourd’hui, ceux notre époque, vivants au moment où j’écris ces lignes, c’est… Raté !!

En effet, si on veut présenter des auteurs «contemporains», que viennent faire alors dans cette anthologie, des poètes comme p. ex. : Paul CLAUDEL (1868-1955) ; Charles PÉGUY (1873 – 1914) ; Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918), ou bien encore Armand ROBIN (1912 - 1961)… Non pas que j’ai «une dent» contre eux, bien au contraire, mais franchement je pense pour ma part que leur place n’est pas dans cette anthologie !

Il aurait fallu dès lors présenter cette anthologie comme non pas comme «Une anthologie de poésie contemporaine francophone», mais plutôt comme «Une anthologie de la poésie francophone du XXe S.»!...

Sinon, qui retrouve-t-on dans cette anthologie? Et bien outre les noms déjà cités plus haut, on trouvera des auteurs dont la réputation n’est plus à faire : Michel BUTOR (1926 - 2016) ; Jacques ROUBAUD (*1932) ; Abdellatif LAÂBI (*1942) ; Mohammed Khaïr EDDINE (1941 – 1995)…

Des auteurs déjà connus mais dont on parle trop peu : Franck VENAILLE (1936 – 2018) ; Serge PEY (*1950) ; André VELTER (*1945) ; Bernard NOËL (*1930) ; …

Et bien sûr, la partie la plus intéressante, ceux dont on ne parle jamais, mais que je suis heureux de retrouver : Georges PERROS (1923 – 1978), Armand GATTI (1924 – 2017) ; Jean-Pierre VERHEGGEN (*1942) ; Valère NOVARINA (*1947)…

Alors, comme toujours dans ce genre de sélection, non exhaustive, certains noms brillent par leur absence. Mais où sont donc passés ? : Jean-Michel MAULPOIX (*1952) ; François CHENG (*1929) ; Jude STÉFAN (*1930) ; Christian BOBIN (*1951)…

Ensuite, pourquoi si peu de poétesses présentées? A peine 4 (oui, oui vous avez bien lu, 4!), sur les 88 poètes repris! Alors, qu’il aurait pourtant été facile d’en sélectionner bien plus! Où sont donc Mesdames: Claude BER (*1948) ; Valérie ROUZEAU (*1937) ; Vénus KHOURY-GHATA (*1937) ; Lydie DATTAS (*1949) ; Anise KOLTZ (*1928)…

Mais le pire est dans la présentation de cette anthologie. Un fourre-tout ! L’auteur s’étant contenté de piocher dans le catalogue de son éditeur, et de mettre les poèmes dans ce livre. Il n’y a aucun ordre, ni alphabétique, ni chronologique, les poèmes se suivent dans un fouillis total, jusqu’à trois poèmes de trois poètes différents sur la même page (un peu comme si l’éditeur avait essayé d’en mettre le maximum sur le minimum de place…), et comme ils sont juste séparés par une petite étoile et que le nom de l’auteur est à la fin du poème, on ne se sait même pas si l’on est en train de lire deux poèmes du même auteur…
Une auberge espagnole! Il n’y a pas de biographie des auteur présentés, même pas leur date de naissance, et il faut chercher en fin de volume pour avoir les sources et savoir de quel volume le poème est extrait… Un capharnaüm! Vraiment indigne d’une collection aussi prestigieuse que Poésie Gallimard.

Je termine donc la lecture de cette anthologie plutôt déçu, Très honnêtement je dois dire que m’attendais quand même à beaucoup mieux (et beaucoup plus de respect) de la part d’un poète comme Zéno BIANU (*1950), envers ses contemporains!

Je dois, bien sûr, avouer qu'il m'est difficile de choisir une seule poésie pour illustrer les 88 poètes repris ici. Mais, puisque un choix il faut faire : voici «Doucement avec l’ange», une poésie du français Ludovic JANVIER (1934 - 2016) qui m’a particulièrement touché…

Pense à tes grimaces de fou entre tes murs
à ta passion d’enfant puni pour le rien faire
à la honte de ton nom la honte de parler
à tes hurlements de rage en direction du monde
à tes longs pets les soirs de contrariété
au désespoir de jamais réussir à être toi
à tous ces ratés queue en main bel étonné
aux hommes évalués d’un sale œil tout rancune
à ton envie quelquefois de mordre en pleine chair
à tes sursauts de peur au moindre bruit dans le silence
à tes adieux de lâche aux femmes abandonnées
à tes injures en secret vers les contradicteurs
aux bestioles massacrées à tes coups de pied au chien
à tes stations devant la glace en murmurant pauvre con
alors doucement avec l’ange hein doucement

Septularisen - - - ans - 17 septembre 2019