Tout, tout de suite
de Morgan Sportes

critiqué par Eyewead , le 1 octobre 2011
(Paris - 37 ans)


La note:  étoiles
Un roman reportage
C'est un livre qui a le devoir d'être lu.
Il est présenté comme un roman, mais j'aurais plutôt tendance à dire que c'est un reportage sur notre société actuelle, notamment sur la vie dans les cités et comment le manque d'argent peut pousser à commettre des actes aux conséquences dramatiques.
La montée de l'antisémitisme (si toutefois il a un jour disparu), et le pouvoir des préjugés sont aussi largement abordés.
Morgan Sportes aborde avec finesse et sans moralisme pompeux ces thèmes à travers le crime atroce commis par le gang des barbares en 2006.
J'ai également beaucoup aimé sa façon de critiquer tout en finesse et subtilité l'amateurisme des criminels, ainsi que l'inefficacité de la police dans cette affaire. Sans oublier la petite pointe d'humour noir jubilatoire décelable dans certains passage.
Un dernier mot sur le style d'écriture qui, pour moi, est parfait.

Tout tout de suite 8 étoiles

Le titre résume très bien tout le livre.

L'écriture est fluide et facile à lire comme un long article de journal. Il s'agit d'un reportage en immersion au sein de la bande de "bras cassé" ayant commis le crime contre Hilan Halimi.

Ce livre permet de réaliser à quel point les protagonistes et leur entourage (tout le monde est au courant) minimise ou sous-estime la gravité du délit par rapport aux risques de représailles potentiels qui les empêchent de parler.

Les accidents de la vie sont une histoire de circonstances et le livre montre combien Hilan a pâti de circonstances défavorables à tous points de vue.

Tetef - Tarare - 52 ans - 12 mars 2017


comme son titre l'indique... 9 étoiles

Inspiré d'un fait divers bien connu, ce livre montre comment des jeunes qui veulent "tout tout de suite" en arrivent à commettre des actes d'une barbarie inimaginable.
Ce qui est glaçant et terrifiant, c'est que les protagonistes de cette horreur sont d'une banalité ordinaire dans leur diversité. Il y a certes des types peu recommandables mais toute la chaîne de personnes ayant participé à cet enlèvement qui a si mal fini est composée de gens que l'on croise tous les jours, qui pourraient être nos enfants, nos frères et sœurs , nos voisins. Le mal se tapit tout près de nous et peut être même en nous sans qu'on le sache ou même qu'on le veuille réellement et le livre nous interroge sur les valeurs que, collectivement, nous véhiculons plus ou moins consciemment.
C'est cela qui est d'autant plus terrifiant.
L'acte est terrifiant, hors du commun, nous le voyons tous, mais ce que ce livre montre, c'est que cet acte terrifiant est généré par l'ordinaire de notre société. Il ne dédouane pas les auteurs, bien au contraire mais au delà , il interroge toute la société sur sa responsabilité.

Teacher1 - - 58 ans - 4 juin 2014


Conte de faits 6 étoiles

L’auteur nous fait un récit chronologique de l’affaire qui a été appelée le gang des barbares, des prémices jusqu’aux arrestations. Il caractérise les protagonistes, membres des cités ou de pavillons de banlieue, déscolarisés ou que les parents ont mis en pension pour échapper à la racaille. Tous ces jeunes, français, une majorité de parents d’origine étrangère, de moins de 25 ans se retrouvent dans cette cité de Bagneux dans le besoin de reconnaissance, la soif d’argent pour la frime ou la drogue. Quelques-uns ont même un petit boulot qui ne les satisfait pas, d’autres vivent de petits trafics et ont fait un peu de prison. Ces derniers, pour la plupart employés, s’ils les mettent en garde contre leurs fréquentations, ne se doutent de rien.

L’écriture est froide et impersonnelle. On ne rentre pas dans l’intérieur des personnages qui n’ont pas de motivation profondes mais effleurent juste la surface de la vie. Ils réagissent aux circonstances sans s’intéresser aux conséquences de ce qu’ils font. Des mots de verlan (traduits la 1e fois) émaillent les pages.

Cela ressemble à un travail journalistique sans parti pris mais pour un roman, cela manque de chair, de sens. Comme l’auteur le dit lui même, il nous donne des faits bruts, sans interprétation sociologique ou psychologiques puisque ce n’est pas son domaine.

IF-0412-3868

Isad - - - ans - 8 avril 2012


Essentiel... 7 étoiles

Ce roman est vraiment structuré comme un gros article de presse. Morgan Sportes nous délivre les évènements tels qu'ils se sont vraisemblablement déroulés, grâce aux témoignages de chacun des protagonistes. Le style d'écriture est simple, un peu répétitif mais assez plaisant.
Pour nous narrer les faits, l'auteur reste quasiment neutre: Pas besoin d'en rajouter sur la forme, car en terme d'émotion, l'histoire réelle se suffit à elle-même. Cette objectivité nous permet d'appréhender comment on peut en arriver là. Avant la lecture, on imagine que l'antisémitisme, la rebellion ou l'animosité sont à l'origine d'un tel drame. A la fermeture de ce livre, on se rend compte finalement que le simple manque d'instruction voire le vide intellectuel, dans un environnement défavorisé, peuvent conduire à des évènements à la limite de l'inhumanité. Une belle remise au point...

Killing79 - Chamalieres - 45 ans - 15 janvier 2012


Glaçant mais nécessaire 9 étoiles

J'aime ce qu'écrit Morgan Sportes (exemple, son chef d'oeuvre : Tonkinoise), mais je ne se serais pas allée spontanément vers ce livre, qu'on m'a offert, par crainte d'exhibitionnisme de la part de l'auteur ou de voyeurisme de ma part.
A tort : ce livre est très parlant !
On a tous le souvenir du gang des barbares, avec le frisson qui va avec : ce livre décode la démultiplication des responsabilités qui mène au cauchemar (ça ne vous rappelle rien ?).
Même le Boss, organisateur est avant tout un être immature, émotionnellement déconstruit mais bien inscrit dans une société ou l'argent est moteur !
Antisémirisme ? Même pas !
Rôle de la police ? Pas très clair !
Capacité de réflexion de ces jeunes ? Quasi au niveau zéro !
Capacité d"émotion ? Larvaire ou ciblée !
C'est triste, mais c'est une réalité.
Hilan HALIMI, dit Elie, est toujours présent, mais le plus souvent appelé "l'autre ", l'identifier serait trop dur, seuls 2 jeunes ont une approche compassionnelle mais restreinte.... Tant de souffrances, parce que le pognon est plus fort que l'humanité ....
Pas de jugement dans ce livre : des faits bruts avec une touche de noirceur qui souligne les incohérences faits/discours des mômes comme des flics ...
Du gâchis qu'il faut savoir regarder en face pour tenter d'y remédier ....

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 5 janvier 2012


Tout, tout de suite... pour qui ? 8 étoiles

La vérité, c'est aussi et surtout dans les faits divers que vous la trouverez.



Vous vous demandez dans quel monde vous vivez, dans quel pays, dans quelle ville, dans quel quartier ? Intéressez-vous donc aux faits divers et ne relâchez pas votre attention ! Car tous ces faits divers sont aussi et surtout, des faits emblématiques de notre société qui demeure - quoi qu'on en dise - indomptable malgré tous ses garde-fous.



Miroir déformant ou pas, le fait divers - pour peu qu'un traitement responsable lui soit réservé - viendra nous rappeler des logiques de comportement que l'on croyait révolues, une géographie urbaine ou rurale insoupçonnable, des conditions de vie scandaleuses mais aussi : mille transgressions, mille intolérances, mille traumatismes, mille injustices...



Si la rubrique des faits divers est souvent celle des pauvres, rubrique-tombeau que personne n'ira fleurir, elle est aussi celle des fous.



Et le dernier ouvrage de Sportès « Tout, tout de suite » arrive à point nommé.



Médecin légiste, l’auteur traite d’un fait… fait-divers par excellence… répondant au nom de « Gang des barbares, ou bien encore « Affaire Fofana »… et parfois aussi… « Affaire Halimi » du nom d’une des victimes de ce gang… la dernière.



***



Seuls les auteurs et les artistes savent comme personne faire tinter et résonner la cloche des faits de société ; alarme destinée à nous rappeler au bon souvenir de tout ce dont nous sommes aussi capables... collectivement et individuellement.



Et en ce qui concerne ce fait-divers en particulier, reconnaissons en toute bonne foi que la sortie de l’ouvrage de Sportès nous offre l’opportunité de dénoncer l’action de tous ceux qui, entre 2006 et 2009, ont cherché à instruire, sur le cadavre calciné d’Ilian Halimi, le procès, non pas d’une bande de criminels adolescents ou pré-adultes, mais celui de nos banlieues et d'une religion : l'Islam ; tout en prenant soin d'instrumentaliser un antisémitisme pourtant bien incapable d’expliquer quoi que ce soit de la motivation de ce gang dits « des barbares », pour ne rien dire de tout ce qui, au fil des ans, a bien pu les amener à commettre de tels actes.



A ce sujet, saluons l’ouvrage de Sportès et une autopsie qui remet à l’heure les pendules d’une recherche de compréhension in situ, de la bouche même de l’auteur : « mondialisation, quart-monde et régression religieuse » ; Sportès prenant soin de préciser que les marchés financiers et leurs suppôts ont bien été les premiers à pratiquer un « tout, tout de suite » dévastateur tant sur un plan social que moral, et ce bien avant ce gang dits « des barbares ».



Car enfin... au cours du procès de ce gang, n’a-t-on pas retrouvé tous ceux qui depuis 20 ans, et aujourd’hui encore, cherchent à diviser notre pays ?



Pseudo-intellectuels communautarisés, ligues, associations, conseils, chroniqueurs aux ordres, groupuscules... tous ont tenté de prendre à témoin - d’aucuns parleront de prise d’otage -, la société française dans son ensemble pour mieux stigmatiser, en particulier, des populations en souffrance, et ne jamais questionner des politiques qui plongent des pans entiers des sociétés occidentales dans l’abandon et la déshérence ; populations pour lesquelles le passé est plus un boulet qu’un tremplin, le présent un échec couronné par une absence d’avenir vécue sur le fil du rasoir de l’indifférence et de la haine, l’amour étant hors jeu, et la compassion aussi.



On ne peut rendre que ce qu’on a reçu. Quant à donner ce qu’on n'a pas…



D’autant plus que… la résignation et la patience ont déserté les pauvres, et l’urgence de posséder « tout, tout de suite » a occupé la place comme partout ailleurs mais… à ceci près : chez les indigents criminels et déments, le cutter et la torture ont remplacé la carte de crédit.



***




Cinq ans après les faits, plus de deux ans après le procès, force est de constater que ces stratégies de division-diversion sont toujours à l’oeuvre. Nul doute… la sortie de l'ouvrage de Sportès permettra à nombre de ses acteurs de se faire à nouveau entendre ; d'où l'utilité de continuer, sans relâche, de dénoncer leur action...


Et si le travail d'un auteur tel que Sportès peut nous y aider... so much the better.

Serge ULESKI - Paris - 56 ans - 3 octobre 2011