Dans la jungle du placement
de Stephen A. Jarislowsky

critiqué par Dirlandaise, le 7 septembre 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Un grand administrateur doublé d'un philanthrope
Ayant regardé dernièrement en entrevue ce charmant monsieur fort séduisant encore malgré son âge vénérable, j’ai voulu prolonger le charme en lisant son livre. Mais qui est donc Stephen Jarislowsky ? En plus d’être à la tête d’une des plus grosses fortunes au Canada estimée à quelques milliards de dollars, il exerce le métier de conseiller financier et a fondé Jarislowsky Fraser, une société de gestion privée. C’est aussi un philanthrope car la fondation Jarislowsky a créé pas moins de douze chaires universitaires à travers le pays. Il est reconnu comme l’un des plus grands administrateurs que le Canada ait connus.

Le parcours de monsieur Jarislowsky n’est pas banal. Né à Berlin en 1925 d’une mère avocate et d’un père génie de la finance, il obtient d’excellents résultats scolaires bien qu’il n’aime pas tellement l’école. Son père meurt à trente ans et il est élevé par sa tante et son oncle. En 1941, il quitte la France à destination de New York et il s’inscrit en génie mécanique à l’université Cornell. Il s’engage ensuite dans l’armée américaine et il découvre la culture est-asiatique. Au Japon, il s’occupe de contre-espionnage car il excelle à accumuler des renseignements de toutes sortes, talent qui lui servira dans sa future carrière. Enfin je ne raconterai pas tout mais il arrive au Canada ayant été engagé par l’aluminerie Alcan et détenant une maîtrise en administration des affaires.

Bien sûr, ce livre traite avant tout d’investissements mais tout le monde aurait avantage à le lire car c’est une vie hors du commun qui y est présentée. J’ai d’ailleurs particulièrement aimé le début constitué par la biographie du grand homme. Ensuite, il parle un peu de la politique internationale et dispense une série de conseils sur la façon de repérer les compagnies bien gérées et offrant un avenir prometteur pour les investisseurs. Il explique très peu les ficelles de la Bourse et son discours reste très général. Cependant, il a l’avantage d’être clair et surtout accessible au commun des mortels qui ne connaissent rien à ce monde compliqué de l’investissement. Je connaissais déjà assez bien tous les termes employés ayant côtoyé ce milieu pendant une dizaine d’années alors je me suis retrouvée assez facilement dans ce labyrinthe que constitue les différentes catégories d’actions et d’options.

L’auteur insiste beaucoup sur l’importance pour un conseil d’administration de voir à l’intérêt des actionnaires avant tout le reste. Il dénonce sans relâche les magouilles et les comportements malhonnêtes de certains grands dirigeants d’entreprise à l’ego surdimensionné qui ne pense qu’à se remplir les poches au détriment des petits investisseurs.

Il me fait penser un peu à Warren Buffet car il n’est pas un grand dépensier. Il a même conservé la même automobile pendant dix-huit années.

Même si vous ne prévoyez pas investir, ce livre vous apportera certainement quelque chose de positif car les conseils de vie de monsieur Jarislowsky valent leur pesant d’or.

« J’ai horreur de l’extrémisme et du fanatisme, qu’il soit religieux ou idéologique. Je doute des compétences de nos dirigeants politiques et je considère que peu de nos élus sont dignes d’admiration. On ne me trompe pas facilement avec de fausses promesses et des prédictions idylliques. Je n’ai que mépris pour l’exagération et tout ce qui permet aux émotions injustifiées de prendre le dessus sur le bon sens et la raison. Je crois à la modération et aux droits individuels, et j’adopte une perspective à long terme dans la plupart de mes projets. »

« Je me vois comme quelqu’un d’honnête qui n’envie personne. Je n’essaie pas de soutirer de l’argent aux clients en leur tendant des pièges, en les escroquant ou en leur demandant des frais exagérés. Je ne crois pas en la vie après la mort ; les années que j’ai passées chez les calvinistes, les jésuites et les épiscopaliens ont littéralement fait de moi un agnostique. J’ai peine à m’imaginer tranquillement assis sur un nuage blanc, dans le silence le plus complet, pendant 100 millions d’années. Ce serait terriblement ennuyeux. C’est de la fiction tout ça. Ce qui ne signifie pas que la conscience morale et le sens des responsabilités n’ont pas leur place dans notre monde. Ma religion, c’est l’éthique d’Aristote. »