Limonov de Emmanuel Carrère
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un héros de roman
Annoncé comme Le Roman de la rentrée littéraire par nombre de magazines (Lire, le Magazine littéraire ou encore le Figaro), j'ai cédé aux sirènes de la tentation en me lançant dans la lecture de ce pavé.
Je n'avais pas encore lu un seul livre d'Emmanuel Carrère, et là j'ai été littéralement subjugué par la forme de ce roman.
Entre reportage, roman et biographie, ce livre ne ressemble à aucun autre.
Il est , à l'image de la Russie ou plutôt des décombres de l'ex URSS, fort, grandiose, violent et complétement décadent.
Car quel roman que la vie d'Edouard Limonov ! vie qui épouse les soubresauts de l'histoire de l'Union Soviétique ! Tout le monde en a parlé: écrivain punk, politique raté, valet d'un milliardaire, proche d'une certaine jet set mais aussi des bas fonds de Moscou ou de Manhattan, engagé volontaire en Bosnie et j'en oublie.
La force de ce livre est de mêler biographie et digressions fort bien amenées d'Emmanuel Carrère sur Limonov, sur l'effondrement de l'URSS, sur sa propre mère voire sur la création littéraire.
Même lorsque nous abordons la guerre de Bosnie où les européens que nous sommes n'arrivent pas à en comprendre la complexité, Emmanuel Carrère , en la réduisant à la guerre de Syldavie de Tintin, nous ouvre les yeux.
La vie de Limonov est dure, cruelle et le langage est souvent cru (le sexe est assez présent dans ce livre).
J'ai particulièrement aimé les démêlés de Limonov avec les hiérarques successifs de la Russie (j'ai dévoré les 200 dernières pages avec avidité), on y croise Gromiko, Eltsine ou encore Poutine, avec des portraits au vitriol.
Outre le politique, c'est le côté écrivain de Limonov qui ressort de ce roman (qui d'ailleurs donne envie de découvrir ses propres oeuvres).
Limonov devient quasiment un héros de roman, un roman de Dostoïevski, évidemment.
Les éditions
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Limonov [Texte imprimé] Emmanuel Carrère
de Carrère, Emmanuel
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070450893 ; 9,20 € ; 05/04/2013 ; 496 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (30)
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Carrère plus que Limonov
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 30 mai 2021
Ce qui m’a d’abord amené à ce livre c’est son auteur. Et c’est finalement Emmanuel Carrère qui m’a maintenu dans le récit avec son écriture limpide, sa signature égotique et ses mises en perspective. Plus que l’homme, c’est le milieu, l’époque, les mécanismes qui m’ont intéressé. Limonov devient plus un prétexte qu’un sujet, plus un agitateur stérile qu’un véritable acteur.
Un roman biographique passionnant
Critique de Evanhirtum (, Inscrit le 22 août 2016, 37 ans) - 22 août 2016
L’auteur retrace la vie, romanesque et romantique, du « dissident » russe Edouard Limonov. Passant chronologiquement de voyou banlieusard ukrainien, poète raté de l’Underground moscovite, SDF prostitué à New York, écrivain « rebelle - branché » à Paris, guerrier en Serbie (massacrant les Croates) et dissident-chef de parti Nationaliste-Bolchevique en Russie (extrême droite et extrême gauche mélangée) : voyant passer progressivement son pays de l’Union Soviétique Stalinienne à une Russie oligarchique-capitaliste.
Même si ce héros peut nous paraitre détestable, à travers ses ambitions, ses mépris et ses nostalgies, l’auteur prend beaucoup de recul : on est loin du pamphlet. J’ai été emporté dans cette histoire de la chute de l’URSS et du début du capitalisme mafieux, tout comme dans celles de la traversée du désert d’un artiste raté et des utopies trépidantes des milieux journalistiques underground.
60 ans de l’histoire russe
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 15 novembre 2015
Mais Emmanuel Carrère qui l’a rencontré reconstruit sa vie, en se basant sur quelques interviews, quelques témoignages, et ce que Limonov a voulu dire de lui dans ses romans autobiographiques (Journal d'un raté, Autoportrait d'un bandit dans son adolescence, etc.).
Son point de départ : fils d’un sous-officier du NKVD, ambitieux endurci par les conditions de vie dans une banlieue stalinienne de province, doté d’une sensibilité et d’un talent artistiques réels. C’est l’interaction étrange entre cette ambition cynique et cette sensibilité créatrice qui vont lui tracer un parcours étrange, de voyou de banlieue à écrivain de l’underground soviétique, opposant politique expulsé, clochard puis valet à New York, écrivain branché à Paris. La chute du régime soviétique qu’il avait fui le ramène vers son pays et l’Europe de l’Est où son fond slavophile le pousse à se mêler de la guerre des Balkans puis à intervenir dans les luttes politiques internes de la Russie. Choisissant par instinct le camp des minoritaires et des perdants, sa carrière ne le mène pas bien loin mais sa vie offre la base à un scénario passionnant que peu d’écrivains auraient pu imaginer.
Au-delà des épisodes parfois très glauques de l’existence d’un aventurier abject malgré quelques gestes de grandeur, ce roman est passionnant car il retrace 60 ans d’histoire soviétique et russe, plus une incursion dans la France mitterrandienne. Il apporte notamment un regard intérieur sur les deux dernières décennies dans ce grand voisin qui continue à nous inquiéter.
On regrettera une écriture un peu simple, typique du journalisme contemporain, un voyeurisme malsain dans des scènes de sexe plus ou moins sordides, une auto-référence comme si E Carrère avait besoin de se donner de l’importance en se comparant à son héros et en rappelant qu’il est le fils de sa mère.
A lire tout de même.
Ame slave s'abstenir...
Critique de Nathafi (SAINT-SOUPLET, Inscrite le 20 avril 2011, 57 ans) - 4 août 2015
J'ai trouvé ce livre corrosif, voire abrasif, autant pour Limonov qu'on peut aimer ou non en tant que personnage, que pour le pays qui se découvre entièrement.
Une photographie instantanée, qui révèle la vérité si longtemps cachée...
Ame slave s'abstenir...
Appréciation mitigée…
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 18 mai 2014
Avant de procéder à l’énumération de ceux-ci, il serait honnête de ma part d’avouer candidement ne pas être “fan” de l’auteur; que je ne me serais jamais procuré cet ouvrage, sauf qu’il se trouvait parmi une pile de livres qu’une grande amie m’a refilés. J’ai profité de cette opportunité pour lire un deuxième ouvrage de cet auteur, malgré ma réticence.
J’ai aussitôt fait de retrouver son irrésistible propension à l’autofiction, que personnellement, j’aborrhe! D’ailleurs, une des dernières pages du livre est pathétiquement consacrée à son apitoiement personnel en regard du peu d’intérêt que lui témoigne son sujet.
Et que dire de plus sur Limonov, ce sujet de si peu d’intérêt, qui résume lui-même ce récit sur sa vie à «une vie de merde»!
Troisième élément négatif et non le moindre, toute cette vulgarité gratuite au nom de l’explicitation sexuelle.
Comme la plupart des lecteurs, j’ai été fascinée par la dissertation érudite, intelligente, édifiante que l’auteur nous offre parallèlement sur l’histoire, la société et la politique de l’URSS de l’après-Staline et je dirais même sur l’Europe en général depuis la fin de la dernière grande guerre.
Dissertation encore plus instructive pour nous, nord-américains, qui vivons une réalité bien différente au quotidien, malgré que nous soyions tenus au fait de tous les évènements grâce à la diffusion instantanée de l’information.
En conclusion, pour une deuxième fois je suis en mesure de reconnaître la qualité d’écriture de l’auteur et toute la pertinence de ce Prix de la langue française qu’il s’est mérité en 2011.
Fascinant
Critique de Anna Rose (, Inscrite le 3 octobre 2006, 52 ans) - 16 septembre 2013
Emmanuel Carrère en profite pour évoquer les soviétiques puis les russes avec beaucoup d'amour et d'indulgence. C'est plus qu'un roman, c'est aussi une histoire de géopolitique racontée merveilleusement. On réapprend l'Histoire avec bonheur et curiosité!
We can be heroes, just for 1 day
Critique de Pytheas (Pontoise - Marseille, Inscrit le 5 avril 2012, 59 ans) - 2 septembre 2013
Pour celles et ceux aui aiment flirter avec le côté obscur de la force ...
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 1 juillet 2013
Édouard Limonov, c'est lui qu'on a pu voir discuter avec Radovan Karadžić devant Sarajevo, c'est lui qui se fait arrêter pour tentative de coup d'État au Kazakhstan, c'est lui qui a fondé le Parti National-Bolchevique et les sulfureuses milices nasbols, c'est lui qui se présente contre Poutine à la présidentielle en 2012, ...
Autant dire qu'on tient là une personnalité propice à la controverse !
Mais Emmanuel Carrère ne se laisse pas aller à la facilité et ne se contente pas de se draper d'une écharpe vaguement orangée ni de surfer sur les modes médiatiques actuelles. Après quelques pages de mise en jambes pour bien ancrer son propos dans la réalité d'aujourd'hui, il nous emmène pour un long et passionnant voyage dans l'espace et le temps : Kharkov dans les années 60, New-York en 1974, Paris en 1982 et retour en Russie en passant la case des Balkans. Chaque étape est passionnante et l'auteur ne se contente ni d'une admiration béate devant le provocateur littéraire que fut par le passé le jeune Édouard Savenko, ni d'une critique facile du provocateur politique qu'est devenu aujourd'hui Édouard Limonov.
On peut citer le pitch du Point :
[...] poète délinquant à Kharkov, dissident branché de l'URSS, clochard à New York, écrivain sans le sou à Paris, putschiste à Moscou, soldat serbe en Bosnie, fondateur du rouge-brun Parti national-bolchevique, puis militant démocrate anti-Poutine.
Il se dégage du bouquin de Carrère (et donc sans doute de la vie même de Limonov) une furieuse (folle ?) envie de vivre le meilleur comme le pire et de dévorer la vie par les deux bouts. Et des multiples facettes éclairées par Emmanuel Carrère on retiendra ce puissant désir de Limonov d'être aimé : par ses femmes au début, par ses électeurs désormais.
Alors oui pour ce livre et ce personnage à double face, ce sera un coup de cœur doublé d'un coup de chapeau.
Coup de cœur pour le récit de la jeunesse tumultueuse d'Édouard Limonov, archétype de l'écrivain maudit, une sorte de Bukowski qui n'aurait pas sombré dans l'alcool ou de Céline qui n'aurait pas tout à fait franchi la ligne jaune. Bon, oui, mais alors juste un peu, monsieur l'agent.
Complexé par sa petite taille mais beau comme un dieu, le poète miséreux et sulfureux séduit les hommes tout autant que les femmes, les voyous illettrés tout autant que les intellos mondains.
C'est dire qu'avec ce bouquin, le lecteur peut croiser du beau monde. Et du moins beau.
Coup de chapeau pour l'engagement et l'implication du journaliste Emmanuel Carrère qui n'hésite pas à se mettre en scène dans son bouquin, analysant son propre regard sur Limonov et sa propre position de fils d'immigré(e) russe.
C'est dire qu'avec ce bouquin, le lecteur peut en prendre plein les neurones.
Coup de cœur pour le panorama de plus de cinquante ans d'Histoire depuis Staline et la guerre mondiale, jusqu'à Poutine en passant par les années Brejnev ou Khrouchtchev. Cinquante ans d'Histoire pas seulement de la Russie mais aussi de notre monde occidental puisque l'on voyage sur les traces de Limonov depuis Kharkov au fin fond de l'Oural jusqu'à Paris en passant par New-York.
C'est dire qu'avec ce bouquin, le lecteur peut s'instruire et voyager à bas prix.
Coup de chapeau pour la plongée dans l'univers russe de la littérature en général et de la poésie en particulier et les intéressantes descriptions du curieux rapport des russes à la poésie et à leurs poètes.
C'est dire qu'avec ce bouquin, le lecteur occidental peut mesurer toute la profondeur de son inculture.
Dans les années récentes et la dernière partie du bouquin, le sire Limonov devient moins intéressant et beaucoup moins sympathique puisque, pour reprendre le doux euphémisme d'E. Carrère : il manque de discernement politique ! C'est le moins que l'on puisse dire !
Mais ce désintérêt relatif pour le personnage est compensé par une vision décapante de l'histoire politique récente de la Russie : l'inefficace Gorbatchev, l'influent Sakharov, les chars russes dans Vilnius début 1991, le putsch de Moscou, la bienveillance mal éclairée de Tonton Mitterrand, la prise de pouvoir de Boris Eltsine, encore un putsch à Moscou, ... tout cela défile en quelques pages et donne un bel aperçu de ce qu'on a peut-être lu, entendu et oublié de manière confuse, c'est passionnant même si parfois l’esprit de synthèse frise le raccourci, on s’en doute mais ça nous va bien.
On trouve désormais tout cela en poche jusque dans les présentoirs de monoprix, sans doute à la faveur des derniers avatars politiques de ce drôle de sire. Mais Emmanuel Carrère nous a compilé une foisonnante et passionnante biographie qui vaut bien plus que cette écume trop récente et plutôt nauséabonde.
Pour finir, on citera Limonov lui-même dans une interview au Point en 2011 :
L'Occident, malheureusement, n'est pas dans un bon état. Le politiquement correct ne génère pas de génies, mais produit les romans de la rentrée littéraire.
QUOI DIRE DE PLUS?
Critique de Septularisen (, Inscrit le 7 août 2004, - ans) - 22 avril 2013
Alors oui, j’ai aimé, l’histoire, le personnage, sa vie, la façon de raconter de l’auteur, son écriture, (bien que comme d'autres critiqueurs j'ai parfois été surpris par l'usage "étrange" que l'auteur fait de ses virgules...), son style, le livre en lui-même que j’ai dévoré et qui m’a véritablement tenu en haleine jusqu’à la fin!…
Tout quoi!
Et si je ne mets pas cinq étoiles, c’est pour le langage un peu trop ordurier, à la limite de l’insultant même... et qui revient tout le long du livre, (l’auteur en a-t-il abusé par simplicité, ou pour faire parler de son livre, ou par habitude?...), pour sa manie de vouloir parler de lui en même temps que de la vie de LIMONOV (comme s’il fallait tout le temps faire la comparaison entre leurs deux vies…), et surtout, surtout, pour la «philosophie de cendrier», un peu trop largement répandue à mon goût vers la fin du livre…
Mais sinon, quel livre !... C’est franchement le Prix Goncourt qu’il aurait mérité !...
Limonov, un destin insaisissable.
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 22 septembre 2012
La forme de ce roman-essai biographique est finalement agréable et on lit ce gros livre de 500 pages d'une traite. Ecriture simple, dépouillée, efficace. Construction là encore très simple... le livre d'Emmanuel Carrère est assez représentatif de la production actuelle... pas très réjouissante...
Si le livre se démarque, c'est sans aucun doute par son sujet, l'écrivain-journaliste-politique Limonov, véritable aventurier des temps moderne, exilé russe en Amérique et en France, compagnon de route de tous les ultras infréquentables, occasionnellement pédé, combattant pro-Serbe, journaliste de l'Idiot international, séducteur de jeunes femmes, alcoolique notoire... il est évident que ce personnage est intéressant, provocateur mais ayant une suite dans les idées: les petits contre les gros, les pauvres contre les riches, les aventuriers contre les planqués.
Un bon moment de lecture au cours de laquelle on suit ce destin exceptionnel. On oublie assez facilement les défauts de l'ouvrage, une langue parfois facile (un vocabulaire parfois ordurier) et cette gangrène de la production littéraire actuelle qu'est l'auto-fiction.
Presque un héros
Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 8 septembre 2012
Emmanuel Carrère utilise une écriture facile d'accès, un développement journalistique romancé, pour nous narrer l'épopée de ce "presque héros", qui a successivement été presque truand, presque poète, presque clochard, presque écrivain, presque soldat, presque politicien, et pour finir presque taulard. Et c'est probablement à cause de son ambition débordante, qui ne lui a d'ailleurs jamais fait défaut, que Limonov résume lui même sa vie comme une "vie de merde".
J'ai dévoré ce livre, qui est peut être légèrement trop long sur la fin. Pour le désépaissir, Emmanuel Carrère aurait dû, à mon goût, s'abstenir d'ajouter des éléments de sa propre vie, ceux de Limonov se suffisant à eux mêmes.
Une autre vie qui le rappelle à la sienne
Critique de Montgomery (Auxerre, Inscrit le 16 novembre 2005, 52 ans) - 24 juin 2012
En cela, sa démarche pourrait se rapprocher de celle d'un Philip Roth pour qui " le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires, mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit."
Inclassable
Critique de Dulcinea (, Inscrite le 20 juin 2011, 41 ans) - 19 juin 2012
Quelque part entre la biographie, le roman et l'investigation journalistique se situe Limonov. Je me suis délectée du début à la fin. Assurez-vous toutefois de posséder les références géopolitiques faute de quoi vous passerez un peu à côté du voyage de la vie d'Edouard Limonov de l'URSS communiste à Paris, en passant par New-York et les Balkans en guerre...
Bonne lecture!
Inclassable
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 14 mai 2012
A cet égard, je rattacherais d’ailleurs plus cette écriture à du journalisme d’investigation –excellent au demeurant – qu’à de la «vraie» littérature.
Par ailleurs, sur le fond, cette biographie qui ne dit pas son nom entrelacée de passages autobiographiques dont on aurait peut-être pu se passer, m’a paru très (trop...) dense et, en définitive, assez confuse ; cette quasi exhaustivité aurait justifié à mon sens un index des noms de personnages importants rencontrés au fil des pages ; cela aurait au moins permis au lecteur non averti de se repérer dans le labyrinthe de l’histoire de l'URSS, la partie de loin la plus intéressante du livre.
Quant aux développements sur la vie privée du personnage, beaucoup plus proches du roman, ils sont empreints d’une vulgarité extrême, assez dérangeante et totalement gratuite. Emmanuel Carrère pousse ici la fidélité du portrait jusqu’à vouloir calquer son vocabulaire sur celui d’Edouard Limonov, ce qui ne contribue guère à nous rendre ce dernier sympathique.
Dans «l’adversaire», au contraire, l’auteur était parvenu à cette gageure d’éveiller de manière très habile chez son lecteur une certaine compassion, voire quasi complicité envers Jean-Claude Romand, cet assassin mythomane tristement célèbre.
Rien de tel ici. Il est vrai, pour reprendre les termes de la 4ème de couverture, qu’Emmanuel Carrère réserve lui-même son jugement à l’égard de Limonov, héros ou salaud. Pas étonnant que, dans ces conditions, une critique puisse être aussi partagée !
D’une grande intelligence
Critique de Yeaker (Blace (69), Inscrit le 10 mars 2010, 51 ans) - 10 avril 2012
Comme dans l’adversaire, ce que j’apprécie le plus chez Carrère c’est sa capacité d’écoute et de comprendre (pas de justifier). La narration est souvent parfaite avec un savant mélange de commentaires et de digressions de l’auteur qui viennent rythmer le récit.
J’ai cru moi aussi percevoir comme certains l’ont dit un Emmanuel Carrere moins en confiance qu’autrefois, cherchant à rivaliser avec son sujet ou hésitant sur le terme de son livre qui n’est d’ailleurs pas particulièrement une réussite. Et puis au risque de me répéter une vulgarité qui même si elle est toujours ici mise dans la bouche de Limonov est néanmoins rébarbative. Je ne serais pas étonné si le mot « enculé » était le mot le plus utilisé dans ce livre.
Ces critiques sont très secondaires par rapport à l’intérêt du livre, une vraie réussite.
Bonne lecture
Humanité en perte de tout repère, saluons le retour à la sauvagerie absolue sur notre continent européen !
Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 10 avril 2012
La vie agitée de l’écrivain russe Limonov sert de trame pour expliquer les dessous de l’histoire Russe, de Staline à nos jours. Contre toute notion de politically correct: Bravo! De sa belle écriture richement documentée Emmanuel Carrère semble s’adresser personnellement au lecteur, mêlant sa vie à celle de son "héros". Expliquant la progression de son « roman » avec délicatesse, arguant régulièrement que "Tout est plus compliqué que cela». On adhère à la démarche.
On ressent par ailleurs une certaine fascination pour le personnage de Limonov qui n'a RIEN de sympathique. Le personnage est en effet odieusement carnassier depuis la plus jeune enfance. Entièrement tourné vers lui-même. Vivant dans une obscure ville d’Ukraine le jeune Edward Limonov, fasciné par l’héroïsme militaire comme un jeune fasciste des heures glorieuses du nazisme, se prend à dénigrer son père qui n’est pas à la hauteur de ses rêves. Circonstance atténuante ou aggravante ? sa mère ne cesse de le rudoyer et de le fustiger par exaltation communiste anti- familiale. Le décor est planté.
Toute sa vie il voudra devenir ce grand héros militaire mais sa myopie l’empêche d’embrasser la carrière. Il en ressort un être frustré, sans une once de bonté, une grenade de cynisme. Le détestable personnage assoiffé de violence et de pouvoir devient d’abord un jeune truand fasciné par le sexe, l’alcool et le meurtre puis aussi poète rebelle pour se hisser vers le pouvoir, au moins celui des mots. Jugé dangereux il se retrouve exilé aux Etats–Unis sans espoir de retour. Il reçoit une allocation d’insertion de l’état américain mais sombre dans les bas-fonds de la société, jalouse et continue à haïr le genre humain au complet, les dissidents Soljenitsyne et Brodsky en particulier. Il fréquente les sans-abris, découvre l’homosexualité pratique les beuveries jusqu’au coma éthylique. Ses écrits depuis toujours sont empreints de pure provocation et de violence.
Confessant des idées grandiloquentes, il arrive à trouver un emploi chez un millionnaire new-yorkais. Réussit à débarquer à Paris. « The place to be » où il effectue un séjour littérairement fructueux. Il est pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour il se hisse sans cesse vers le pouvoir en soutenant les faibles. Puis il se retrouve en URSS et fonde sous la direction d'Alexandre Douguine, le Parti national-bolchévique. Un parti fasciste et communiste, le bel alliage! Seule chose à son honneur il défend systématiquement le petit contre le puissant… mais prône la mort, la violence, la guerre au risque de devenir lui-même terroriste invétéré. Fasciné par les armes et la puissance, il trempe son son Rêve dans les guerres des Balkans tantôt aux côtés du génocidaire Milosevic tantôt aux côtés des musulmans. Tout pour l’action : dérive de ses lectures d’Alexandre Dumas. Déteste son adversaire électoral : rien moins que le président Poutine lui-même.
A la fin du livre on ne peu que plaindre le peuple russe qui a perdu 20 millions d’âmes du temps de Staline mais aussi toutes ses illusions après la chute du mur. Il vit désormais dans le chaos et l’indigence, hors les financiers véreux qui se sont tout approprié. Le livre est d'une immoralité sans rédemption. Poutine, tout aussi avide de pouvoir que le héros du livre a réussi là où Limonov a raté, mais qui peut prédire l’avenir? Entre réalité et fiction, Limonov n’a sûrement pas fini d’en découdre ! Rien ne change… depuis Catilina ! La vérité n’est pas belle à dire, mais il faut la dire. Orwell avait raison sur toute la ligne et a encore raison maintenant. On est sur ce point d'accord avec Emmanuel Carrère.
Le livre, lucide sans doute, brillant aux dires de certains, fait froid dans le dos, du début jusqu'à la fin, sans rémission.
ben oui mais bon, faut voir
Critique de Ronanvousaime (, Inscrit le 13 mai 2007, 49 ans) - 5 février 2012
"L'adversaire", ou "La moustache", ou "Roman russe", me semblent des chefs d'oeuvre. D'autres livres un peu moins réussis.
Celui ci est assez déconcertant:il est passionnant (le sujet est captivant, même s'il n'est pas très sympathique, mais il est surprenant, ce qui "complique" tout), il y a un vrai suspense, ça donne vraiment envie de lire les textes de ce Limonov. Et la suite du bouquin. Sur la Russie et l'URSS, aussi, c'est très intéressant.
le souci, alors, me direz vous , si je vous donne la parole ? C'est que je ne suis pas sûr du tout que tout ceci fasse oeuvre de littérature. C'est bien écrit, pas de souci, mais c'est presque du journalisme. J'ai regretté que Carrère (même s'il raconte des bouts de sa bio), visiblement troublé par son sujet, n'en fasse pas assez. Ce qui aurait été dramatique quand il a fait "l'adversaire", par exemple. J'avais trouvé que "d'autres vies que la mienne" pêchait un peu par là aussi.
En conclusion, c'est à lire, c'est passionnant, mais ce n'est pas du grand Carrère. Il fera mieux et on le lira dans 2 siècles.
« C’est plus compliqué que ça »
Critique de Gnome (Paris, Inscrit le 4 décembre 2010, 53 ans) - 17 janvier 2012
Edouard Savenko, dit « Limonov », est un russe né pauvre dans une ville minable d'Ukraine au début des années 1940, donc en URSS. Ne pouvant se résoudre au destin insignifiant qui semble tout tracé pour lui, il rêve dès son plus jeune âge de gloire et de reconnaissance. Ses armes de départ : un vrai talent pour la poésie et beaucoup de rage.
Ce livre retrace l’incroyable parcours de vie de ce poète qui deviendra écrivain, clochard, valet, journaliste, soldat, chef de parti, prisonnier et probablement plus encore car Limonov est toujours vivant. Limonov est un irréductible de la race de ceux qui ne conçoivent pas la soumission et la perte de grandeur de leur pays, quelle que soit l'histoire de celui-ci, même récente. Limonov est brutal, sûr de lui à en être agaçant et farouchement nationaliste. Cela permet-il pour autant de dresser le portrait de ce qu'il serait de bon ton de qualifier en France et en 2012 de fasciste ? « C’est plus compliqué que ça » et c’est bien tout l’intérêt de ce livre qui lève également le voile sur un homme pur, généreux (même si sans empathie), avant tout exigeant avec lui-même, fidèle en amour et surtout à ce qu’il n’a cessé d’être : un homme libre qui préfère tout perdre plutôt que de vendre la moindre part de son âme. Limonov est une sorte de punk bolchevik et Emmanuel Carrère, qui visiblement n'est pas très punk, m'a semblé parfois mal à l'aise de devoir nous parler aussi crûment de certains traits de caractère de son héros, et notamment de sa sexualité. J'ai été moi aussi gêné par quelques unes de ces scènes qui m'ont semblé un peu inutiles, même si elles permettent d'affirmer un certain côté "déglingue" de Limonov. Mais c'est bien là le seul reproche que je puisse faire à ce récit.
En règle générale, j’aime quand les biographies s’en tiennent à leur sujet, c'est-à-dire quand l’auteur ne parle pas de lui. Or, dans celle-ci, Emmanuel Carrère entremêle un peu la vie de Limonov avec la sienne et livre parfois des passages plus personnels qui semblent moins en lien direct avec son héros. Pour autant, cela ne m’a absolument pas dérangé. Bien au contraire même, car ce n'est pas tout à fait une biographie au sens classique du terme et puis parce qu'Emmanuel Carrère a une écriture et une histoire qui me parlent. Si j’ai souvent été étonné par l’emploi qu’il fait de la virgule et qui est très éloigné du mien, j’aime sa prose sans effet de style, mais pourtant délicate et qui laisse poindre beaucoup de sensibilité. J’ai également apprécié les manières détournées qu'il emploie pour nous expliquer les raisons du choix de son sujet : sa mère historienne bien-entendu, mais aussi des motifs moins évidents, telle que la mort de son cousin journaliste, assassiné alors qu'il enquêtait sur les mafias des oligarques russes. Et par-dessus tout, j’ai aimé la façon dont il contextualise cette biographie en exposant des points de vue plus russes et soviétiques que français, et baignant plutôt dans « leurs » époques que dans la nôtre. Ceci n'est pas toujours facile, surtout quand il s'agit d'un contexte historique proche.
Le résultat est à mon sens un livre brillant, passionnant et dont les éclairages me permettent d’entrevoir une histoire (forcément) plus complexe et plus nuancée que celle qui nous est communément livrée à propos de l’histoire récente de l'URSS/Russie et des conflits dans les Balkans. Comme le dit cette expression qu’Emmanuel Carrère n’aime pas trop, mais cite pourtant à plusieurs reprises dans ce livre : « C’est plus compliqué que ça. »
En refermant ce livre, je me suis demandé à quoi ressembleront les Limonov des futurs empires déchus ? Auront-ils un espace ? Resteront-ils comme lui campés sur leurs intransigeances, quitte à tout perdre, ou bien seront-ils prêts à faire des concessions afin d’obtenir une part de pouvoir ?
Une fascination
Critique de Pilyen (Le Mans, Inscrit le 8 janvier 2012, 67 ans) - 8 janvier 2012
Sauf si vous habitez au fin fond de la Sibérie ou si la littérature ne vous intéresse pas, vous savez déjà que l'auteur de "La classe de neige" et de "L'adversaire", nous propose cette fois-ci un portrait d'Edouard Limonov, homme pas tout à fait sympathique, à la fois auteur russe underground, homme politique (?) aux idées ambiguës et personnage évidemment romanesque.
Ce livre, très facile d'accès grâce à une écriture légère et précise, n'est pas vraiment un roman, mais pas non plus une biographie au sens habituel du terme. Emmanuel Carrère profite de la vie de Limonov pour nous retracer cinquante ans d'histoire russe de 1942 à aujourd'hui. C'est complètement passionnant, même si cela passe par moment par le prisme de son héros, qui fréquente plus les bas fonds que le pouvoir, assez facilement des généraux infréquentables et des intellectuels aigris. L'auteur nous balade d'une banlieue sordide ukrainienne, au Moscou bohème des années Brejnev, puis l'exil dans les bas-fonds new-yorkais dans lesquels Limonov sera tour à tour clodo, dragueur de grands blacks gays, majordome et j'en passe. Puis ce sera le Paris des années Palace et de l'Idiot international de Jean Edern Hallier pour revenir en Russie après un détour par le conflit serbo-croate. On ne s'ennuie pas un instant et en plus tout cela nous remet en mémoire des noms, des événements que j'avais, pour ma part, un peu oubliés.
Et puis, s'ajoute à cela, Emmanuel Carrère, qui, comme dans ces derniers ouvrages, est très présent dans le livre. Il nous parle de lui, de sa mère, grande spécialiste de la Russie et même son père est évoqué, pour la première fois je crois. Si dans "Roman russe", il apparaissait sous un jour plutôt déplaisant et dans "D'autres vies que la mienne" il éclairait une partie plus solaire de sa personne, ici, dans "Limonov", il semble plus tourmenté (normal me direz-vous pour un livre qui parle de la Russie). J'ai l'impression qu'au milieu de ses projets littéraires ambitieux, il essaie, en creux de nous parler de lui, comme s'il avait des comptes à régler avec les siens, son passé, sa vie. Je me trompe peut être, mais je le sens comme un peintre pointilliste. Son portrait est à peine commencé, nous n'avons droit qu'à quelques points de-ci, de-là, mais ses prochains ouvrages risquent de compléter un peu plus le tableau, jusqu'à délivrer une photo plus nette de sa personne.
Quoiqu'il en soit, on sent qu'Emmanuel Carrère éprouve une fascination trouble pour Limonov et qu'il sait parfaitement nous la faire partager au travers d'un livre hautement recommandable.
Bancal
Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 49 ans) - 5 janvier 2012
Du coup, je n’ai pas senti son personnage vivre, pas senti ses ressorts profonds qui pourtant doivent être puissants pour donner un homme si plein de contradictions. Le livre m’a paru aussi assez plat et décousu sans tension romanesque alors qu’il y avait de quoi faire avec la vie du personnage.
On peut se demander l’utilité d’écrire une biographie de Limonov alors qu’une grande partie de son œuvre est autobiographique. La première partie du livre me semble un simple résumé des écrits de celui-ci.
Les retours d’Emmanuel Carrère sur sa propre vie m’ont paru de peu d’intérêt (et assez nombrilistes), le recours aux avis d’autres journalistes hommes politiques, une forme de paresse pour ne pas avoir à faire ressentir les choses.
Les éclairements sur l’histoire, la société et la politiques de l’URSS sont les points les plus intéressants du livre.
Une historie pas très r(é)ussie
Critique de Rafiki (Paris, Inscrit le 29 novembre 2011, 33 ans) - 5 janvier 2012
Concernant la Russie les faits sont recherchés et interprétés intelligemment de façon à restituer plus en profondeur l'histoire russe comparativement à la plupart des documentaires et autres livres, qui ont eux du mal à rendre ce que certains appellent l'âme slave. Des anecdotes, des vérités parfois cachées, tout est là pour passer un bon moment et ressortir moins idiot de ce bouquin.
Le seul problème, c'est que le livre d'Emmanuel Carrère n'est pas un livre sur la Russie.
Il raconte malheureusement la vie d'Édouard Limonov et là on déchante, pour plusieurs raisons:
J'ai tout d'abord pu avoir l'impression, comme dans certaines autres critiques apparemment, que l'auteur en profitait pour nous raconter sa petite vie. S'il voulait en faire ainsi, il fallait écrire Carrère en belles lettres bleues sur la première page. Bien sur ce livre est sous forme documentaire et il faut expliquer les aboutissements de telle ou telle rencontre, mais le souvenir qui m'est laissé est tenace, et donc dans ma critique.
Ensuite le personnage Limonov, présenté comme l'incarnation du minoritaire rebelle à contrecourant. Le fait est que son parcours, sans être banal, n'est pas aussi exceptionnel que les quelques 500 pages voudraient le laisser croire. En deux mots, sa vie a été une galère et particulièrement en URSS. Oui, et alors? J'ai été surpris par une certaine banalité du "héros" qu'on nous présentait comme atypique, alors que la plupart des opposants au régime auraient pu être pris en exemple. Concernant Limonov lui-même, on brasse du vent dans la plupart des passages du livre où Carrère essaye de deviner ses pensées, ses idées, comprendre la signification de ses actes. Je trouve ainsi paradoxalement les parties sur Limonov ratées.
De plus le style de Carrère est loin de m'enthousiasmer, mais ceci est uniquement personnel.
Je considère ce livre en général comme une occasion gâchée de parler de la Russie d'une manière différente même s'il subsiste de très bon passages, dommage...
Un héros romanesque mais ambigu
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 2 janvier 2012
A travers le portrait de cet étrange personnage, Emmanuel Carrère digresse en même temps sur sa vie, fort attachée à la Russie. Il retrace en parallèle l’histoire de la Russie postcommuniste. Passionnant, même si le personnage peut parfois diviser.
Une biographie romancée racoleuse et vulgaire
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 12 décembre 2011
Monsieur Carrère insiste trop sur la vie privée de Limonov, sur sa vie de couple, ses femmes, sa vie sexuelle. En quoi est-ce intéressant pour les lecteurs de savoir tout cela ? Est-ce que cela nous fait mieux connaître le personnage ? D’accord, c’est bien rédigé, bien construit, l’auteur a du métier, un certain talent mais comme il est racoleur et fat. Il profite de son récit pour inclure des paragraphes de sa propre vie comme si cela pouvait intéresser. Il nous raconte où lui était et ce qu’il faisait en parallèle du récit de la vie de son héros. Franchement…
La partie historique est instructive et sauve le bouquin de la totale nullité. Comme le mentionnait un membre du site, il vaudrait mieux lire les livres de Limonov si on veut vraiment savoir qui est cet homme à condition que cela en vaille la peine ce dont je doute fort…
+ 1
Critique de Botchman (, Inscrit le 23 août 2009, 52 ans) - 4 décembre 2011
Une véritable investigation
Critique de Ravachol (, Inscrit le 24 octobre 2010, 41 ans) - 7 novembre 2011
Conscients des crimes perpétrés par la "Machine Staline", les dirigeants russes semblent avoir une position claire avec l'Histoire de leur pays. Emmanuel Carrère le résume parfaitement bien dans son dernier roman et notamment à la fin, lorsque qu'il synthétise son discours: " Reconnaitre les crimes commis par Staline mais y déceler une grandeur afin de garantir une unité nationale". Car, en effet, comme l'affirme l'écrivain, le peuple Russe est en pleine décadence et vivent dans un pays où règnent corruption et alcoolisme. Seul un chef d'Etat autoritaire ET identitaire peut diriger un état aussi fébrile et instable que la Russie.
Plus qu'un roman, plus qu'un documentaire, "Limonov" est une biographie épique qui mêle histoire politique et histoire personnelle. Il retrace la vie d'un individu en quête de notoriété, mais pas la notoriété des écrans de télé, plutôt la recherche d'une marginalité notoire: celle du seul contre tous mais admiré par tous. Il s'ensuit un parcours atypique, une véritable aventure illogique mais passionnante.
La force de ce roman, c'est aussi l'histoire d'un homme mise en parallèle avec l'histoire du monde, les aventures de Limonov entrecoupées par des réflexions sur un pays, des moments personnels d'un personnage écrivain (Limonov) accolés à des instants de vie d'un écrivain personnage (Carrère).
Bref, on ne s'ennuie pas un instant dans ce roman rythmé, la prose de Carrère est intéressante, pas forcément travaillée mais prenante et l'on découvre deux auteurs pour le prix d'un.
Foisonnant !
Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 6 novembre 2011
Étrange personnage que ce Limonov, à le fois attachant et repoussant, capable de passer de l'un à l'autre extrême à une seule condition : ne pas être du côté des plus forts, ou du moins, de ceux qui sont -à tort ou à raison- les plus politiquement corrects.
Le livre nous permet de mieux comprendre (décoder) le tempérament
slave dans sa complexité et son refus d'avoir vécu l'épopée communiste "pour rien!" Quelle leçon pour nous qui, de l'extérieur avons tendance, dans notre confort quotidien, à simplifier à outrance.
De la même façon, l'approche de la guerre des Balkans est riche d'apprentissage....
Même si parfois, on méprise (avec raison) Limonov, il reste de lui, à la fin de l'ouvrage l'image d'un homme fort, anti conformiste, amoureux des causes perdues et si humainement ambigu, pour les autres mais aussi pour lui même.... Cynique et humain, brute et plein de finesse, légendaire et trivial,sentimental et cruel....embourbé dans ses propres contradictions !
Un être hors du commun et qui se veut hors du commun, un livre qui nous ouvre des horizon insoupçonnés, autant de raisons de lire Limonov et de remercier E Carrère.
“Une vie de merde, oui”
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 5 novembre 2011
Après avoir terminé le roman de Carrère, je ne sais que penser de Limonov et de sa vie, mais je sais que le livre m'a passionné. Car c'est la grande histoire de la Russie qui est racontée, de 1945 à nos jours. Avec un regard inédit, avec des apartés et des digressions que l'auteur fait sur lui-même ou sur la société. La partie la plus réussie, je trouve, est celle qui va de Gorbatchev jusqu'à Poutine en passant par Eltsine. Carrère donne un éclairage intéressant, que ce soit sur la thérapie de choc après la chute du communisme et le chaos total qui suivit. J'avais oublié la tentative de putsch des communistes face à un Eltsine pitoyable marionnette des occidentaux et des oligarques qui ont pillé le pays. Mais ceux-ci feront la grosse erreur d'introniser Poutine à la succession de Elstsine. Il faut mentionner l'épisode de la guerre des Balkans très bien expliqué (Tintin en Syldavie, comme le mentionne justement un autre critiqueur).
J'ai bien aimé voir défiler des personnages connus, dont Soljenitsyne (qui en prend pour son grade), Mazneff, l'auteur de Moscou-sur-Vodka, de savoir leur point de vue sur Gorbatchev et sur le communisme... tout cela donne un roman très plein et intéressant, parfois un peu trop complaisant et cru cependant.
Une très grande Docu-Biographie.
Critique de Anonyme3 (, Inscrit le 6 septembre 2011, - ans) - 1 novembre 2011
Il tente de nous raconter, son histoire(Limonov), sous forme de Docu-Biographie. Il nous narre, en parallèle de sa vie(Limonov), l'histoire de l'Europe de l'est (Russie en particulier) sur fond de Communisme.
Tous au long de la lecture du livre le lecteur se pose une question:
Edouard est-il extravagant, avant-gardiste, extrémiste, politicard ou juste fou.
Très Grand livre ou l'on n'apprend plein de choses sur la Russie, l'Europe de l'est, le politiquement correct dans les année 1980... et surtout Edouard Limonov. Livre très bien écrit, compréhensible par tous (ce qui est agréable), bien documenté, et écrit comme un Roman.
Bravo à Emmanuel Carrère, qui mérite amplement le Prix Renaudot.
Ps: La Biographie m'a donné envie de lire à la fois certain livre de Limonov et d'Emmanuel Carrère.
MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII.
La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit.
Critique de Lobe (Vaud, Inscrite le 28 juin 2011, 30 ans) - 16 octobre 2011
Carrère est parfois espiègle, grinçant. Il observe les parallèles entre son chemin et celui emprunté par Limonov (leur hantise commune de l'anonymat, leur envieuse animosité envers ceux qui réussissent) et surtout, il fait l'aveu de son incapacité à délimiter un personnage si réel, et trouve les justes mots à deux reprises: mais qui sait?
Etonnant portrait d'une personnalité hors du commun et ambigüe: passionnant
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 8 octobre 2011
Personnage haut en couleurs, inclassable, admirable par certains aspects, répugnant par d'autres, d'une sincérité totale qui le conduit à accepter froidement les conséquences de ses actes, amant fougueux et insatiable, Liminov a offert à Carrère une tableau dont il restitue les lumières comme les ombres, sans complaisance et en tentant de trouver des explications à tous les tours et détours de l'individu.
Cela lui a permis, en passant, d'interroger le monde contemporain et, en particulier, le régime soviétique sur la chute duquel il donne des éclairages très intéressants. Les soubresauts de l'après Gorbatchev bénéficient d'un éclairage original qui se révèle hautement instructif. Comme le dit Hervé28, les 200 dernières pages se lisent... comme un roman.
En contrepoint Carrère se met souvent en scène pour souligner comment il est parfois difficile de notre position d'occidental d'interpréter correctement des mouvements qui se déroulent dans un contexte tellement différent. Cela n'est pas un des moindres mérites de ce livre, écrit dans une langue tour à tour tendue, allègre, humoristique, sombre en fonction des évènements rapportés et des réflexions formulées. A l’occasion il se permet certaines facilités racoleuses, à mon sens inutiles.