Je vous écris
de Hisashi Inoue

critiqué par Rosenoire, le 1 octobre 2011
( - 54 ans)


La note:  étoiles
japonisant à souhait
Je vous écris est une suite de 10 histoires, autant de tranches de vie, qui se dessinent au travers de correspondances à la fois diversifiées et très personnelles.
La forme de cette oeuvre est originale car le plus souvent les lettres sont à sens unique, c’est à dire qu’elles se succèdent écrites du même auteur sans qu’il y ait de réponse de la part du ou des correspondant(s) à qui elles sont adressées.

Cette forme est en elle même facteur d’un certain suspense mais surtout d’un attachement spontané à chacun des auteurs qui se confient à travers leurs lettres au lecteur, lequel finit par deviner leur personnalité, leurs attentes, leurs angoisses, voire anticiper ce qu’il va leur arriver.
Car ces 10 petites histoires par la taille (d’une vingtaine de pages chacune) ont en commun la mise en scène de personnages jouant dans un monde désabusé, qui se caractérise globalement par une absence de justice et de sens moral…. et cela au détriment majoritairement des femmes, mais pas seulement.

Deux exemples :
- Celui d’une femme qui reçoit des lettres d’un ancien admirateur et qui de ce fait finit par accepter de divorcer de son mari alors que le mystérieux admirateur n’est en fait qu’un intermédiaire payé par la maîtresse du dit mari qui n’arrivait pas à convaincre sa femme d’accepter le divorce ;
- Celui d’une troupe de théâtre, inconsciente, qui mange sans autorisation les pêches bien mûres et sucrées de l’arbre du maire, qui attendaient d’être examinées par un expert national dans le but de développer cette culture au village, synonyme d’avenir pour l’ensemble des villageois qui vivaient dans la pauvreté.

L’enchainement de ces histoires toutes empreintes de tristesse est-il le reflet de la réalité de la société japonaise, et de la désillusion collective d’un pays qui lui aussi (comme le monde catholique et la pomme mangée par Eve à l’instar de l’histoire des pêches) aurait perdu son Eden ?
Toujours est-il que la onzième histoire qui réunit la majorité des protagonistes des différentes histoires prend le lecteur à revers, sur le plan de la justice…. suspense !

Enfin, et ce n’est pas rien, le livre présente également de l’intérêt dans l’esquisse subtile du mode de vie des japonais qui se dessine page après page : place prédominante accordée au travail et au positionnement social, rôle subordonné de la femme, place à part presque mythique de la ville de Tokyo, construction particulière des maisons qui ne permettent aucune intimité et enfin et toujours référence au passé, aux empereurs, et aux coutumes ; L’histoire dans laquelle une femme trompée par son mari est obligée par sa belle famille d’utiliser un courrier déjà écrit par une autre femme de la famille ayant connu la même situation bien des années avant elle pour écrire à la maîtresse de celui-ci étant une véritable curiosité et un vrai régal.

Vous passerez donc un moment intéressant et particulièrement enrichissant perdu et dépaysé dans ce Japon qui vous fera provisoirement oublier le monde dans lequel nous vivons, mais aussi re-découvrir que l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs.
Correspondance japonaise 8 étoiles

Tout est dit dans la première critique, il s'agit, oui , du moins de prime abord, d'un recueil de nouvelles , toutes sous forme épistolaire ( ou presque) , toutes faisant intervenir des personnages différents, essentiellement féminins, dont on fait la connaissance grâce à des écrits divers: lettre à une amie, à un amant, à des parents, courrier d'un psychiatre au mari de sa cliente, réponses à une petite annonce, actes administratifs, etc. Et toutes racontent une histoire. Certaines de ces histoires sont déroutantes, beaucoup sont assez drôles et sarcastiques.
Il y en a une qui est une merveille, qui raconte l'histoire de Ryôko. Uniquement à travers des actes administratifs , acte de naissance, de changement d'adresse, de décès, rapport d'autopsie, et quelques lettres de justification d'absence scolaire.
Quelques documents, une vie, et c'est bouleversant.

Le problème de ce livre réside dans son épilogue , car il fait se retrouver tous les personnages , or il en manque deux, et d'importance. En effet, la traductrice , Karine Chesneau le dit dans l'introduction, deux chapitres ont été supprimés dans l'édition française, en raison de difficultés de traduction..).

Mais cet épilogue est de toutes façons beaucoup moins intéressant , et même, à mon avis, superflu.

Paofaia - Moorea - - ans - 8 janvier 2014