Le messager d'Alger
de José Carlos Llop

critiqué par Dirlandaise, le 13 octobre 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Quand le passé s'installe dans la mémoire
Un homme dans la quarantaine habite une ville de la Méditerranée. Son travail consiste à animer une émission de radio dans laquelle il s’entretient avec des personnes très âgées afin de leur faire raconter leurs souvenirs. Notre homme est plutôt du genre solitaire et paumé. Obsédé par le passé, il décide de faire un genre d’enquête afin de savoir ce que sont devenus son père et sa mère, un couple de hippies vivant en commune qui l’ont confié à la garde de ses grands-parents maternels lorsqu’il était encore gosse. Du coup, il remonte d’une génération pour découvrir qui était vraiment son grand-père le célèbre et riche docteur Klein. Il tente de se rappeler le plus de faits possible sur son enfance et un mystérieux personnage apparaît en la personne du « messager d’Alger », un inconnu dont les visites régulières à sa grand-mère pour lui apporter chaque fois une mystérieuse enveloppe demeurent pour lui une énigme. D’ailleurs, des recoins obscurs, ce n’est pas ce qui manque dans la vie de sa famille.

Une histoire complexe difficile parfois à suivre tellement les allusions et les explications demeurent évasives et floues pour le lecteur ce qui devient parfois très agaçant car je déteste ne pas comprendre ou comprendre seulement la moitié du propos. Il faut bien suivre le récit pour arriver à débrouiller tout ce fatras, cette accumulation de souvenirs d’un monde révolu qui rêvait de justice sociale, d’amour et de paix, un monde dominé par la drogue et la musique. Car des références musicales, il en pleut dans ce livre ainsi que littéraires. Le père de notre héros se voulait écrivain et poète mais n’a jamais terminé aucune de ses œuvres. Le seul héritage qu’il laissera à son fils sera sa bibliothèque contenue dans quelques boîtes et retrouvée chez un étrange libraire qui semble avoir bien connu sa mère. Quant à sa mère, c’était une artiste à ses heures et Carlos retrouvera justement chez ce libraire une de ses œuvres fabriquée vingt-cinq ans auparavant.

J’ai un peu de mal avec les écrivains espagnols. Je trouve leur style souvent surchargé et confus. C’est un style qui a tendance à me déplaire mais pourtant, le récit est intéressant et il me tardait de découvrir la vérité en compagnie de Carlos, vérité qui se révélera assez difficile à supporter d’ailleurs pour lui. C’est un livre qui a exercé sur moi une sorte d’envoûtement, de fascination. Cette quête du passé ne m’a pas laissée indifférente loin de là. La révélation du passé, aussi dure soit-elle, aide-t-elle à vivre le présent et à mieux le comprendre ? Jusqu’où la redoutable influence du docteur Klein s’est-elle immiscée dans la vie des parents de Carlos ? Une lecture troublante qui plaira aux nostalgiques.

« Je ne dors pas quand je reste très tard à lire ou à écouter de la musique, et pas davantage quand je ne le fais pas. Je ne dors pas quand il fait froid et le froid s’agrippe à mes vieux muscles comme un parasite malin et je n’arrive pas à dormir en été, avec les fenêtres ouvertes et le bruit des sirènes et des hélicoptères remplissant ma maison de leur vacarme. Je ne dors pas quand j’entends dans la rue une phrase qui m’inquiète, parce que je pressens que derrière cette phrase se cache le malheur. Je ne dors pas quand j’essaie de me rappeler quelque chose de mon propre passé qui m’échappe, ni quand le passé s’installe dans ma mémoire comme s’il ne devait jamais me quitter. »