Après avoir lu « Gobseck », je suis passé à « Une double famille » puisque ces deux nouvelles formaient la même édition GF Flammarion de 1984. « Une double famille » a été écrit à peu près à la même époque que « Gobseck ». Les deux histoires sont complètement différentes, mais la qualité de l’écriture (excellente) ne varie pas d’une nouvelle à l’autre, et surtout la force d’évocation déployée dans ces deux nouvelles est semblable. Ce sont les deux meilleures nouvelles lues de Balzac jusqu’ici, avec toutefois un petit plus pour « Gobseck ». « Une double famille » mérite pourtant autant que l’autre d’être lu et découvert, et je vous les conseille tous deux si vous ne les connaissez pas encore.
« Une double famille » porte bien son nom, car c’est l’histoire d’un homme qui a une double famille, avec femmes et enfants, laissées volontairement dans l’ignorance l’une de l’autre. Comment l’homme, un magistrat nommé Roger de Grandville, a-t-il pu se laisser installer dans une telle double vie ? C’est ce que Balzac raconte, et il le fait fort bien ! Balzac s’intéresse à narrer les situations humaines nées des contraintes psychologiques et socio-économiques pas toujours heureuses de sa société qu’il fait subir à ses personnages. C’est une histoire bien ancrée dans la réalité, un roman (une nouvelle de 71 pages plutôt) réaliste. C’est aussi une charge féroce contre la religion instrumentalisée pour l’ambition de certains hommes d’église et la bigoterie crédule et bornée de certaines ouailles, contre les pressions familiales sur les jeunes gens et les mariages imposés qui n’ont d’autres objectifs que l’argent. Tout cela mêlé ne pouvait qu’apporter souffrances et malheurs comme conséquences.
Balzac, l’homme qui scrute les âmes des hommes et des femmes au plus près. C’est passionnant et impressionnant. 5 étoiles aussi pour « Une double famille », allez !
Et pour agrémenter le tout, il faut lire la préface de Philippe Berthier, extrêmement éclairante et superbement écrite, qui met à jour les sens cachés du texte de Balzac, qui démontre qu’il n’est pas écrit au hasard mais est bien le produit d’une composition mûrement réfléchie, aux objectifs bien définis. Une excellente et très intéressante préface qui rend honneur à l’écrivain de génie qu’était Balzac.
Cédelor - Paris - 53 ans - 13 novembre 2020 |