Dorian Gray (BD)
de Oscar Wilde, Enrique Corominas (Scénario et dessin)

critiqué par Chrisland, le 2 novembre 2011
( - 64 ans)


La note:  étoiles
Une oeuvre d'art au service d'un chef-d'oeuvre
Oscar Wilde est tombé depuis un moment dans le domaine public, comme de nombreux grands auteurs de la fin du XIX° et début du XX° siècle. Mais ce n'est qu'aujourd'hui qu'un artiste ose tenter une adaptation en BD, et c'est une formidable réussite.

Sur 90 pages (70 planches + un portfolio "making off" de 20 pages) , l'artiste Enrique Corominas déploie son incroyable talent d'aquarelliste pour tenter -et parvenir !- à restituer l'esprit du "Portait de Dorian Gray".

Je pensais (pour l'avoir personnellement tenté) impossible d'adapter ce chef-d'oeuvre dont l'intrigue n'est en fait que secondaire. Statique et essentiellement constitué de dialogues époustouflants, feu d'artifice de mots d'auteur, ce roman me semblait manquer d'une colonne vertébrale scénaristique pour supporter le passage à la planche à dessin.

Pourtant, Corominas gagne son pari, en portant son effort essentiellement sur la restitution de l'atmosphère et du concept "Dorian Gray". L'histoire n'est que secondaire. Ce qui compte, c'est le destin de Dorian Gray et sa plongée dans les enfers.

L'incroyable virtuosité du trait de Corominas, très préraphaélite, et la splendeur ahurissante de la mise en couleurs (quelles couleurs !) à l'aquarelle plonge le lecteur dans un maelström d'impressions. Le malaise gagne au fil des pages. On suffoque. C'est totalement réussi.

Le portfolio complète admirablement l'oeuvre elle-même, l'auteur expliquant ses intentions et mettant en exergue ses sources d'inspiration. Regardez la double page finale, une vue somptueuse du Londres victorien avec, parmi les passants, en bas à droite, Oscar Wilde himself.
Quel raffinement ! 8 étoiles

Je m'étais pourtant juré de ne plus acheter de bd adaptées de romans ou de nouvelles. Et patatras! débarque Corominas avec cette adaptation du seul roman d'Oscar Wilde, roman que j'ai lu dans ma jeunesse et qu'Albert Lewin avait superbement porté à l'écran en 1945.
Que dire, sinon que les planches sont sublimes, véritablement magnifiques, et la version que nous livre Corominas est d'une intelligence remarquable. Le découpage en 5 actes, débutant, à chaque fois, sur la métamorphose du tableau, est fort bien amené.
L'auteur a réussi le pari fou de restituer deux idées principales du roman, à savoir le monde de l'Angleterre Victorienne et le goût de l'esthétisme porté au paroxysme.

J'ai pour ma part craqué sur l'édition Canalbd, édition d'une très grande qualité qui est complétée de superbes illustrations. Un régal !

Hervé28 - Chartres - 55 ans - 2 janvier 2012


Une belle bande dessinée 8 étoiles

Comme dans le roman de Wilde, Dorian Gray est un beau jeune homme qui souhaite ne jamais vieillir. Basil Halward immortalisera Dorian dans un magnifique tableau qui, lui, ne vieillira pas au grand dam de son modèle. Devant ce portrait, Dorian dit qu'il préférerait que le tableau vieillisse à sa place. Ses paroles ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Le pacte est scellé. Le tableau absorbe les effets du temps et reflète les actes répréhensibles du personnage fortement influencé par la liberté comportementale défendue par Lord Henry.

Corominas a adopté un dessin d'une grande qualité, les tableaux londoniens sont beaux, les couleurs restent fidèles à l'esprit du roman. L'ambiguïté des personnages n'a pas été conservée comme l'artiste le signale à l'extrême fin de sa bande dessinée, c'est un choix réfléchi, mais infidèle.

Le mal qui s'empare de Dorian est bien retranscrit, les visages des personnages sont très expressifs et les principales scènes du roman sont retranscrites. Quelques libertés ont été prises, mais c'est aussi un atout : Corominas n'est pas un simple illustrateur, il revisite le mythe de Dorian Gray à sa manière en l'adaptant à sa démarche. Il opte pour un découpage en 5 actes comme dans une tragédie, Sybil Vane est bien plus sensuelle que dans le roman, mais l'oeuvre reste envoûtante par la beauté de ces vignettes qui sont de véritables aquarelles.

Le dossier qui figure à la fin de la bande dessinée complète l'oeuvre de Corominas. Figurent de très beaux dessins ainsi que les explications de l'artiste quant à ses choix.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 26 décembre 2011