Le silence des rives de Leïla Sebbar
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« Qui me dira les mots de la mère ?»
Dans un récit elliptique comme une rapsodie orientale qui déroulerait son ellipse sur les deux rives de la Méditerranée, Leïla Sebbar évoque le sort de ce peuple déchiré, de ces femmes qui sont restées au bled pour attendre des maris qui ne reviendront sans doute jamais, de ces maris qui ne peuvent plus revenir mais qui ne peuvent pas oublier ces mères qui trépassent seules entourées uniquement des trois Parques, trois vieilles un peu sorcières, qui effraient les populations car elles sont toujours là où est la mort et parfois même avant qu’elle arrive.
A la courbe du fleuve (étrange, ce texte commence par ces mots qui sont aussi le titre d’un roman de VS Naipaul, il y aurait-il un rapport ?), dans le Sud de la France, un homme se promène, il ne pense qu’à sa mort qu’il voudrait choisir prochaine, qu’à la mort de sa mère qui refuse de voir les Parques s’approcher, à la mort de cet enfant décédé accidentellement, à la mort de son frère, à tous ceux qui ont disparu et au rituel immuable qui entoure le trépas.
Ce texte, c’est l’histoire de ces femmes qui sont restées au bled, attendant des maris qu’elles n’ont pas choisis comme la grand-mère qui « a agi suivant les règles, attendant le jour et l’heure de la nuit pour se laisser aimer par l’homme qu’on lui a choisi et qu’elle n’a pas aimé. » Elles voient les Parques tourner autour de leur maison mais elles ne veulent pas les laisser approcher car le mari viendra un jour pour réparer la demeure qui menace de s’effondrer comme la famille a explosé pendant son absence. C’est l’histoire aussi de ces maris qui sont partis chercher la subsistance de leur famille de l’autre côté de la mer, qui ont construit, là-bas, une autre vie et qui malgré la promesse faite à la mère, à l’épouse, ne sont jamais revenus pour consolider la maison et rassembler la famille. Et il marche à la courbe du fleuve remplit de culpabilité et de nostalgie.
Très beau texte écrit dans une langue belle, ciselée, poétique, qui ne nomme jamais mais désigne seulement par le statut social : père, mère, fils, mère de sa mère, frère, sœur, belle-sœur,…, comme pour englober tout un peuple, toute une nation déchirée. Un texte qui évoque une civilisation qui se meurt, un peuple qui part à la dérive, un temps qui ne sera plus, qui disparaitra avec les rites que seules les trois vieilles connaissent encore. La grand-mère « l’a dit qu’elles mourront toutes, écrasées, les mères, les filles, les épouses, les sœurs, les belles-sœurs, les cousines, les tantes, les hommes ne retrouveront que la pierre friable, elles, dessous, pourrissantes. »
Roman de la solitude, de l’attente vaine, de la promesse non tenue, de l’exil, de la déchirure, de la nostalgie, de l’impossible retour et de l’obscurantisme religieux dans lequel se réfugient ces êtres égarés, abandonnés, déracinés. Un texte à méditer au moment où le Maghreb cherche une voie possible pour demain.
Les éditions
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Le silence des rives [Texte imprimé] Leïla Sebbar
de Sebbar, Leïla
Stock
ISBN : 9782234025530 ; 3,48 € ; 30/11/2001 ; 143 p. ; Broché
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