Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle
de Fabien Nury (Scénario), Brüno (Dessin)

critiqué par Hervé28, le 5 novembre 2011
(Chartres - 55 ans)


La note:  étoiles
Atar Gull, un tragique destin
J'ai tout de suite été attiré par cette bd pour deux raisons: Nury, un des nos meilleurs scénaristes, aux commandes et Brüno, dont le travail dans Biotope m'avait époustouflé.
Pourtant, je m'étais juré de ne plus acheter d'adaptation littéraire, l'histoire d'Atar Gull étant à l'origine un roman d'Eugène Sue, célèbre par ses "Mystères de Paris".
Ayant longuement hésité (non sur l'achat) mais sur les versions en présence, j'ai finalement opté sur celle en noir et blanc, proposée par Dargaud.
Au fil des pages, on peut admirer le trait assez épuré de Brüno, mais qui arrive à nous proposer des personnages forts, surtout les plus antipathiques: Brulart, par exemple est parfaitement réussi, Atar Gull, n'étant pas en reste.
L'histoire peut se résumer en deux parties distinctes: la première étant consacrée au commerce triangulaire, qui peut parfois fait songer à Bourgeon avec Les Passagers du vent, et la seconde se focalisant sur le destin d'Atar Gull, destin singulier et rempli d’ambiguïté et dominé par la vengeance.
Même dans la version en noir et blanc, la violence de l'esclavage se fait ressentir (voir page 52 par exemple).
Le récit est violent, dur, parfois insoutenable mais formidablement écrit et dessiné.
Un des albums incontournables de cette rentrée.
Le mythe du bon sauvage mis en pièce 9 étoiles

Publiée deux ans avant Tyler Cross, cette adaptation en BD du roman d’Eugène Sue par Fabien Nury et Brüno est particulièrement réussie. La synergie entre les deux auteurs semble décidément fonctionner à merveille. J’ai éprouvé un plaisir équivalent voire supérieur à cette lecture que pour leur tant acclamé polar-western de l’an dernier, tant l’intrigue est passionnante. Cela étant, il ne suffit pas que le matériau d’origine soit bon pour faire une adaptation de qualité, ça se saurait. Mais c’est sans compter sur le talent narratif de Nury, qui n’écrème que l’essentiel, actualisant de belle manière un roman du 19ème pour en faire un récit rythmé et percutant, superbement servi par le dessin moderne et cinématographique de Brüno, agrémenté lui-même d’à-plats de couleurs flamboyantes et bien choisies.

Quant à l’histoire en elle-même, elle constitue une puissante matière à réflexion à propos de l’éternelle question du bien et du mal, par le biais de personnages très bien campés. D’abord Atar Gull, très éloigné du cliché du bon sauvage en cours à l’époque où fut écrit le roman, dont on peut comprendre la haine légitime qui l’anime, mais qui, tout en jouant « l’esclave modèle », finira par se révéler incroyablement machiavélique. De même son propriétaire, le planteur de coton Will, qui passe pour un « bon » maître alors qu’il n’hésite pas à punir cruellement et sans états d’âme ses esclaves, notamment le père d’Atar Gull, dont la mort va faire du fils sa Nemesis. La vengeance de ce dernier, digne d’un supplice chinois, sera spectaculaire et plongera le lecteur dans l’effroi le plus glacial, questionnant avec acuité le bien-fondé de la loi du Talion.

Ceux qui ont apprécié Tyler Cross auraient tort de passer à côté d’Atar Gull. Pour ma part, J’espère que ces deux auteurs réenfourcheront au plus vite leur tandem prodigieux. Du coup dans certaines situations, j’aime à croire en ce dicton débile : « jamais deux sans trois ».

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 18 août 2014


Puissant. 8 étoiles

Un one-shot assez puissant, sur un sujet grave et qui se lit assez facilement. L'esclavagisme n'est en effet pas un sujet que l'on retrouve très souvent, qui plus est en bande dessinée mais il est ici dépeint de façon assez crue, assez froide. Atar Gull se retrouve capturé et envoyé en Jamaïque mais il va décider de se venger et sa vengeance n'épargnera rien ni personne, pas même le lecteur, choqué devant cette haine qui va parfois trop loin. Les seuls défauts seraient un dessin un peu trop simpliste et une fin peut-être un peu expédiée mais il n'en reste pas moins que cette bande dessinée est très réussie.

Sotelo - Sèvres - 41 ans - 19 avril 2013