Le massacre de Pangbourne / Sauvagerie
de J. G. Ballard

critiqué par AmauryWatremez, le 11 novembre 2011
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
Des enfants si sages
Livre court et formidable.
Il y a quelques temps, une émission de télévision a proposé semble-t-il comme solution au problème de la violence des jeunes de revenir cinquante ans en arrière, c'est de la télé-réalité teintée de fiction, d'autres proposent d'accentuer la répression, certains pays mettent les jeunes et les plus pauvres en prison pour résoudre la question.
Il semble que la société moderne ait peur de ses jeunes, s'inquiète de leurs aspirations et les cadre absolument par la publicité, l'éducation et l'économie.
Dans cette histoire, Ballard parle de jeunes très sages, travailleurs, disciplinés, qui ne se plaignent jamais, obéissent aux normes des parents et acceptent de perdre toute intimité pour respecter les règles imposées. Ils vivent dans un quartier protégé, une communauté fermée, verrouillée, une prison dorée et fliquée.
Un jour, un massacre horrible est commis, il semble bien que ce soit les enfants.
Personne ne semble comprendre leur geste...
Terrifiant! 10 étoiles

C’est étrange la façon dont une couverture peut attirer l’œil. Ici, une couverture cartonnée, souple, sur un fond bleu, est ornée d’une caméra vissée à un mur. Difficile de faire plus impersonnel, plus neutre, plus mort dirais-je, et pourtant.
Pourtant, j’ai été happé par cette couverture si peu aguichante. J.G Ballard. Je dois l’avouer, je ne connais l’auteur que pour avoir croisé son nom lors de lectures de divers magazines littéraires. Le titre, Sauvagerie. Là, par contre, j’ai senti qu’il pouvait y avoir là quelque-chose pour moi. Un meurtre massif non élucidé, une réflexion sur la logique ultra-sécuritaire qui imprègne progressivement nos sociétés, décidément, pour 5,95€, il n’y avait pas à hésiter.
Les éditions Tristam nous proposent une nouvelle traduction de ce court roman, plutôt une nouvelle à mon avis, auparavant éditée en France sous le titre Le massacre de Pangbourne, titre sous lequel il est chroniqué sur le site.
Le livre étant plutôt court et le style de l’auteur ultra-clinique, il est délicat d’aller plus loin dans la description de l’intrigue sans dévoiler le nom du coupable même si, à l’inverse d’un roman policier, le lecteur viendra très vite à la terrifiante conclusion : il sait qui est l’auteur des crimes mais se l’avouer est extrêmement choquant.
Ceci dit, il est important de situer l’action : Pangbourne, un enclos résidentiel à l’ouest de Londres pour gens friqués mais humanistes, pour la plupart parents, vivant en vase clos, ou presque, sous la sécurité d’un circuit de vidéosurveillance interne et de gardes. Tout un système sophistiqué qui n’a rien empêché finalement.
J’ai cru, tout d’abord, que le roman proposait une réflexion sur la culpabilité mais je pense maintenant qu’il s’agit plutôt d’une réflexion sur l’innocence, les raisons des meurtres étant en totale opposition à la psyché humaine.
En confiant l’enquête au psychologue Richard Greville, il semble que la figure du psy soit une constante dans l’œuvre de Ballard, l’auteur peut légitimement utiliser un ton d’une brutale neutralité. Le texte est dépourvu de passion, de chaleur. Tout est description, réflexion, les dialogues sont rares et pauvres, tout est vu par l’œil d’une caméra au sens propre, Greville visionnant les images du massacre de Pangbourne, comme au figuré, l’auteur se faisant ne faisant que dire ce qui se passe sans jamais intervenir, ce qui demande un savoir-faire assez incroyable et, vu le sujet traité, une paire de balloches de béton armé !
De plus, la vie des habitants de Pangbourne se déroule sous les yeux inquisiteurs mais discrets des caméras de surveillances de la zone mais, et c’est plus insidieux, sous les yeux des parents qui peuvent à tout moment surveiller leur progéniture grâce à leurs propres caméras. Terrible mise en abîme qui ne peut que pousser le lecteur à se souvenir que le mieux est l’ennemi du Bien et que l’Enfer est pavé de bonnes intentions.
Dire que ces 85 pages sont dérangeantes, c’est bien peu. Et pourtant, à l’heure des émissions de télé-réalité qui font du spectateur le juge et le complice de concurrents décérébrés, ou parfaitement calibrés pour la célébrité jetable, ce qui revient au même, illustration absurde du quart d’heure de gloire prophétisé par Andy Warhol, le lecteur pourrait arriver à la conclusion terrible : quand ?
Quand la mort programmée, mise en scène, scénarisée, budgétisée et bien calée en prime time va-t-elle débouler sur nos écrans ?
Ce roman date de 1988 ; des villages, bien réels ceux-là, existent désormais aux Etats-Unis, à la différence qu’ils sont pour l’instant des enclaves de retraités riches tenant loin deux enfants et petits-enfants. Pour décrire son travail, Ballard parle de « présent visionnaire » ; on ne saurait mieux dire.

Numanuma - Tours - 51 ans - 30 avril 2013


Si mignons 9 étoiles

Des gosses de riches vivants dans une "prison" dorée, ayants tous les droits, sinon des crédits nécessaires POUR OU AFIN DE, et se rebellants tout à coup à la surprise de tous en un terrible drame oedipien.

Encore une fiction culte et très actuelle, car Ballard en fait - très insidieusement, et très finement - une sorte de docu-fiction clinique ou règne essentiellement l'absence de passion ou, justement, d'idéologie. Ainsi, comme nous le savons tous, la nature a horreur du vide et à l'image des vaguelettes soudaines de cette piscine idéale du club de forme de leur résidence multiluxe, construite à l'intérieur de laquelle ils vivent, l'ambiance assourdissante de vraie incompréhension devient. Et les officiels délégués sur les lieux ne trouvent aucune explication, ni rien ni personne. Enfin Ballard, ce fabuleux auteur, n'explique rien, ne constate rien, il ne fait que décrire.

De plus cette tragédie rappellera certains drames récents !..

Ironique et dérangeant. Pour les psychologues de tout bord.

Antihuman - Paris - 41 ans - 20 novembre 2011