Maigret : L'Ombre chinoise de Georges Simenon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Policiers et thrillers
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De la boue humaine dans le brouillard du Marais
Le mot de l’éditeur
Il était dix heures du soir. Les grilles du square étaient fermées, la place des Vosges, avec les pistes luisantes des voitures tracées sur l'asphalte et le chant continu des fontaines, les arbres sans feuilles et la découpe monotone sur le ciel des toits tous pareils. Sous les arcades, qui font une ceinture prodigieuse à la place, peu de lumière. A peine trois ou quatre boutiques. Le commissaire Maigret vit une famille qui mangeait dans l'une d'elles, encombrée de couronnes mortuaires en perles. Il essayait de lire les numéros au-dessus des portes, mais à peine avait-il dépassé la boutique aux couronnes qu'une petite personne sortit de l'ombre. - C'est à vous que je viens de téléphoner ? Il devait y avoir longtemps qu'elle guettait. Malgré le froid de novembre, elle n'avait pas passé de manteau sur son tablier. Son nez était rouge, ses yeux inquiets.
Critique
Toute la fange du quartier du Marais est ici passée au crible. Un quartier que Simenon connait bien, puisqu’il a lui-même habité place des Vosges. Dans les années cinquante, la place n’était pas le refuge ultra-chic qu’elle est devenue depuis, abritant anciens ministres et nouveaux promoteurs. C’était alors un véritable exemple de mixité sociale, avec ses riches aux étages nobles, ses pauvres sous les toits et ses petits employés coincés entre les deux, et quand j’écris « coincés », le participe passé est à prendre dans toute l’acception du terme… Et puis ses concierges, si importantes dans le petit monde de Maigret. L’immeuble parisien du Marais, c’est l’humanité parigote en réduction.
Vous y trouverez un patron sympa, un qui a réussi dans les affaires mais qu’on assassine dès le début, une jeune demi-pute attendrissante (Simenon aime ces filles courageuses du cul, ça se sent), des bourgeois insensibles à tout ce qui ne les concerne pas directement, un fils d’employé dégouté par ses parents, un lâche de chez lâcheté et une ignoble bonne femme, une de celles qui vous épouvantent, la mocheté que vous vous bénissez de ne pas avoir rencontrée, car elle est à la fois bilieuse, haineuse, dictatoriale, tricheuse, et, malheureusement, intelligente avec tout ça.
L’atmosphère ici se mâche, c’est mon Paris, celui des brumes hivernales, des chiches lumières de rues, des rancœurs recuites mais aussi de l’attendrissement merveilleux éprouvé à la découverte d’un cœur encore pur. Par malheur, il n’y en a qu’un seul.
Un des plus immenses Maigret jamais écrits.
Les éditions
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L'ombre chinoise [Texte imprimé] Georges Simenon
de Simenon, Georges
le Livre de poche / Le Livre de poche.
ISBN : 9782253142515 ; 5,60 € ; 01/04/2004 ; 190 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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C’est la femme qui porte la culotte !
Critique de Pierrot (Villeurbanne, Inscrit le 14 décembre 2011, 73 ans) - 8 juin 2017
Elle restait debout, les mains jointes sur son gros ventre mou et on eût dit qu’elle avait attendu cette heure-là tout sa vie.
Ce n’était pas un sourire qui flottait sur ses lèvres. C’était la béatitude qui la faisait fondre !
-D’abord, ils passent leur vie à se disputer.
Elle avait le temps. Elle distillait ses phrases. Elle se donnait le loisir d’exprimer son mépris pour les gens qui se disputent.
-Pas même comme des chiffonniers ! Cela dure depuis toujours ! Au point que je me demande comment il ne l’a pas encore tuée.
-Ah ! vous vous attendiez à… ?
-Quand on vit dans une maison comme celle-ci, il faut s’attendre à tout…
Elle surveillait ses intonations. Etait-elle plus odieuse que ridicule plus ridicule qu’odieuse ?
La chambre était grande. Il y avait un lit défait avec des draps gris qui n’avaient jamais dû sécher au grand air. Une table, une vieille armoire, un réchaud.
Dans un fauteuil, la folle, qui regardait devant elle avec un léger sourire attendri.
-Pardon ! Vous recevez parfois des visites ? Questionna Maigret.
-Jamais !
-Et votre sœur ne sort pas de cette chambre ?
-Quelquefois, elle se sauve dans l’escalier…
Une grisaille décourageante. Une odeur de pauvreté malpropre, de vieillesse, peut-être une odeur de mort ?
-Remarquez que c’est la femme qui attaque toujours !
Maigret avait à peine la force de l’interroger. Il la regardait vaguement. Il écoutait.
-Pour des questions d’argent, naturellement ! Pas pour des questions de femme… Bien qu’une fois qu’elle a supposé, en faisant les comptes, qu’il était allé dans une maison spéciale, il en ait vu de toutes les couleurs…
-Elle le bat ?
Maigret parlait sans ironie. La supposition n’était pas plus saugrenue qu’une autre. On nageait dans tant d’invraisemblance que rien ne pouvait plus étonner.
-Je ne sais pas si elle le bat, mais en tout cas elle casse des assiettes… Puis elle pleure, en disant qu’elle ne pourra jamais avoir un ménage convenable…
Un vrai régal !
Place des Vosges
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 26 juin 2012
Un bon p’tit Maigret, sans ambition, mais agréable à lire. Un roman assez court et peut-être le seul où le commissaire se fait taper d’un billet par une « gamine ».
Fenêtre sur cour.
Critique de Hexagone (, Inscrit le 22 juillet 2006, 53 ans) - 4 janvier 2012
Un meurtre, des billets qui flottent sur la seine, des ex, des légitimes, des maîtresses, et chacun sa petite boule haine qui n'attend qu'un déclic pour jaillir.
Donc tout va très bien de ce côté, en revanche l'enquête n'est vraiment pas intéressante, mais là n'est pas l'essentiel.
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