Au pays de l’Eternel présent, la ville de Taxandria porte encore les marques du Grand cataclysme provoqué par la folie des hommes et la course à la technologie. Afin de ne pas avoir à supporter le poids de la culpabilité, le nouveau régime en place a ainsi décidé d’interdire les machines et de supprimer toute notion de passé et de futur, punissant sévèrement quiconque serait surpris en train de consulter des livres ou des images… Dans ce monde post-apocalyptique et totalitaire tente de survivre Aimé, jeune garçon chétif au crâne rasé. Le jour où il découvre, au hasard de ses pérégrinations, un ouvrage interdit racontant les origines du cataclysme, rien ne sera plus comme avant. Il se met à soupçonner monsieur Bonze, son instituteur, de lui cacher des choses. Car son plus grand rêve est d’aller à Marinum pour voir la mer, même si monsieur Bonze tente de lui faire oublier cette idée, en le mettant en garde contre les dangers qui infestent le pays. Mais Aimé est têtu et veut des réponses à ses questions, notamment comprendre pourquoi il est le dernier petit garçon et savoir où sont ses parents…
Dans la série des Cités obscures, la genèse de cette histoire est très particulière puisqu’elle est inspirée d’un film du cinéaste belge Raoul Servais sorti en 1994, « Taxandria », dont François Schuiten avait conçu les décors. Celui-ci, avec l’aide de son compère Benoit Peeters, a décidé d’exhumer le film au succès mitigé et d’en réécrire le scénario pour l’inclure dans la plus ambitieuse série de BD jamais réalisée. Bel hommage à cet réalisateur artisan et poète surréaliste dont l’univers évoque incontestablement les tableaux de Magritte, un artiste injustement méconnu qui de toute évidence n’a pas eu les moyens de ses ambitions, son projet ayant été quelque peu contrarié par la vogue des images de synthèses.
Quant à la BD elle-même, elle m’a séduit avec son graphisme soft et ses tons pastel, qui semblent adoucir le monde laid et desséché dans lequel évolue Aimé. On a même un peu l’impression de lire un livre pour enfants. Et pourtant, ce tome est paradoxalement le plus sombre de la série de par le thème traité : la course au progrès cause de la destruction de l’environnement et l’espèce humaine. Mais c’est aussi une ode à la liberté, une invitation, à travers l’histoire de cet enfant, à ouvrir les yeux face à toutes les formes de propagande et à défendre la vérité et la liberté, en un mot : à RESISTER. Une fois de plus, c’est magnifique et on reconnaît évidemment la patte de Schuiten, avec ses architectures fantaisistes et omniprésentes ici imprégnées de l’esprit surréaliste de Raoul Servais. Un tome vraiment à part puisque les villes de Taxandria et Marinum ne figurent pas sur la carte des Mondes obscurs...
Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 25 mai 2012 |