La porte du ciel
de Dominique Fortier

critiqué par Libris québécis, le 18 novembre 2011
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le Patchwork louisianais
La Louisiane est un patchwork de sangs-mêlés. Si la population du Lac Saint-Jean est frappée d’acidose lactique, cette maladie congénitale épargne certes les Louisianais, dont les ancêtres viennent de l’Afrique, de l’Angleterre, voire du Canada à la suite de la déportation des Acadiens en 1855. La métaphore de la courtepointe illustre très bien le phénomène qui caractérise nos voisins du Sud, de la Louisiane à l’Alabama.

Chaque volet du roman est entrecoupé par un modèle de courtepointe que les héroïnes suivent pour confectionner des couvre-lits inusables avec des tissus taillés à même des vêtements usés. Ce travail de patience leur servait d’exutoire pour s’exprimer. Les esclaves louisianaises signalaient leur originalité avec leurs œuvres faites main, auxquelles s’ajoutaient les broderies des riches blanches. Leur liberté passait par l’aiguille et le dé à coudre.

Il s’agit bien de liberté dans ce roman à saveur historique. Sur la toile de la guerre de Sécession, l’auteure pique l’ardent désir d’un affranchissement, qui exige son quota de sang et de morts. Les États-Uniens sont même prêts à diviser le pays au nom d’un esclavage de droit divin, clament les pasteurs bien intentionnés. Dieu aurait créé les noirs pour servir les blancs. En fait, cette guerre est-elle terminée ? Le Ku Klux Klan l’a perpétuée. Et aujourd’hui le Tea Party l’alimente fortement.

Ce contexte social a des répercussions au sein de la population. Quand on est une femme noire, on est condamnée aux champs de coton, tous étant la propriété de blancs. Et c’est sans compter le droit de cuissage qu’accorde la suprématie blanche. En fait, c’est le destin de la femme que l’on suit à travers ce roman : Eleonar, la fille d’un propriétaire terrien et Ève, sa servante noire que le père a achetée tout en l’affranchissant. Mais même affranchie, les recenseurs l’enregistrent comme les trois cinquièmes d’un être humain. Donc, il faut deux noires pour faire une blanche.

C’est ensemble qu’elles affrontent la vie. Même blanche, Eleanor doit survivre à sa belle-famille, qui la confine au rôle de génitrice. Et Ève, qui l’a suivie après le mariage, doit s’effacer, voire même fréquenter l’église destinée à ses congénères. Les femmes sont plutôt des avatars créées par la gent masculine, jalouse des privilèges que leur confèrent la race et la testostérone.

Ce tableau n’a rien de réjouissant. Il révèle une Amérique affaiblie par ses divisions et son aspiration à vouloir représenter la faction qui incarne le plan divin sur la terre. Et l’auteure n’a pas allumée une lumière au bout du tunnel.

C’est un bon roman, riche et puissant. Et le don de conteuse de Dominique Fortier est incontestable. Cependant il y a un mais. Le roman court plusieurs lièvres à la fois. Ça ressemble à un internaute en quête de sites pour cueillir des informations sur un sujet donné. Ce qui est intéressant dans cette œuvre, c’est le sort de deux jeunes femmes, qui veulent ouvrir la porte du ciel. Mais la toile de fond les écrase sous son poids informatif. Dommage !
Mauvaise courte-pointe 5 étoiles

Je n'ai pas aimé. La guerre de sécession ce n'est pas que l’affranchissement des esclaves, c'est économique, c'est le modernisme du Nord face au conservatisme du Sud.

Les pièces du patchwork ne se marient pas, c'est tout et n'importe quoi.

L'écriture est sans saveur.

Accent Grave - Beloeil - 67 ans - 23 octobre 2012