L'arrache-coeur
de Boris Vian

critiqué par Echemane, le 7 août 2002
(Marseille - 45 ans)


La note:  étoiles
Farce amère
Le dernier roman paru de Boris Vian est comme d'habitude: drôle, poétique, ironique, onirique, enfin bref c'est un petit bijou, même si selon moi il n'égale pas tout à fait l'écume des jours, l'herbe rouge ou l'automne à Pékin. Il reste cependant une histoire terrible, la nôtre. Ou plutôt celle d'un village dans lequel arrive un psychiatre, Jacquemort, né l'année précédente (sic), et vide d'émotions qu'il voudrait découvrir. Il arrive lors de l'accouchement de Clémentine, qui habite au bord de la falaise avec Angel. Clémentine mettant au monde des Trumeaux (Noël, Joël et Citroën) et refusant la présence d'Angel, c'est Jacquemort qui s'occupera désormais des tâches courantes: commander un berceau, des fers pour les enfants, etc. Pendant ce temps, Angel construira un bateau, à pattes, pour partir. Où? peu importe, il partira. Après tout, il est le père des enfants mais c'est la mère qui décide ("elle a souffert, ça lui donne des droits"). Pendant ce temps aussi les trumeaux vont grandir, et tenter de s'affranchir des lois des adultes par leur propre univers. C'est l'occasion de pénétrer dans un monde un peu magique où manger des limaces (bleues) peut vous faire voler. Et les enfants voleront, avant que leur mère qui veut les protéger de tout danger ne les enferme dans des cages. Comme toujours chez Vian on découvre un univers parallèle au nôtre et en même temps si proche. Si proche que toute cruauté commise dans celui du livre nous renvoie l'image de nos propres monstruosités: la foire aux vieux, le cheval crucifié, les apprentis tués (au sens propre) au travail, la messe spectacle. Et surtout le ruisseau rouge où un nageur-pêcheur, la Gloïre, récupère le fruit de la honte des villageois qui s'en affranchissent ainsi: "ils me paient pour que j'aie des remords à leur place". Le roman vire donc peu à peu à l'amer (lire: la mère ou la mer, indifféremment) mais ce n'est pas un fatalisme résigné: les enfants ont beau être en cage, un vent de liberté souffle à travers les barreaux.
Dans un petit village pas si différent des autres... 10 étoiles

Jacquemort est un psychiatre né de la veille. Vide, il cherche des gens à analyser, pour se remplir de leurs histoires. Il arrive dans un petit village dans lequel Clémentine est sur le point d'accoucher. En compagnie de Cul Blanc, la bonne, il la délivre de ses "trumeaux", des jumeaux, Noël et Joël, et de Citroën, à part. Il délivre également leur père, Angel, enfermé dans le bureau depuis deux mois par Clémentine qui, souffrant trop, ne voulait plus le voir.
Sur invitation d'Angel et Clémentine, Jacquemort reste un peu dans ce village si spécial, dans lequel se déroule la foire aux vieux, où les apprentis sont maltraités jusqu'à en mourir, et où le prêtre se bat sur un ring avec le Diable, son Sacristain. Et puis il y a la Gloïre, qui parcourt le ruisseau rouge et visqueux, repêchant entre ses dents toute la honte du village.

L'arrache-cœur ! Quel ouvrage fantastique nous livre Boris Vian avec ce livre, l'un de mes préférés de cet auteur ! Tout se déroule dans un village dans lequel la honte est annihilée, dévorée, digérée par la Gloïre. Le temps s'y étire comme nulle part ailleurs ("octembre, déçars"), mâcher des limaces donne des pouvoirs magiques (les bleues permettent de voler), on montre l'amour que l'on porte à ses enfant en leur réservant le meilleur et en se réservant le pire, en anticipant toutes les catastrophes improbables, on vend ses vieux, on tue les enfants, et on casse la figure à tous ceux qui prononcent le terme de honte. Vian explore l'amour maternel de Clémentine, paroxystique, délirant et paranoïaque, les liens enfants-parents, le désir comme idéal de vie. Peut-on être femme et mère ? Jusqu'où aller pour protéger nos chères têtes blondes ? Vian en profite également pour nous livrer une critique acerbe de la psychanalyse, tout comme dans L'herbe rouge, si mes souvenirs sont exacts ; il n'y a qu'à voir le sens que donne Cul Blanc à ce terme ! Il critique de façon assez violente également la religion.
L'arrache-cœur allie un imaginaire extraordinaire à une écriture à la limite du surréalisme. Ou inversement. Un morceau de choix dans l'œuvre de Bison Ravi !

On a tort de dire les yeux fermés, ferranta le maréchal. On n'a pas les yeux fermés parce qu'on met des paupières devant. Ils sont ouverts dessous.

On ne reste pas parce qu'on aime certaines personnes ; on s'en va parce qu'on en déteste d'autres. Il n'y a que le moche qui vous fasse agir. On est des lâches.

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 12 décembre 2016


Très curieux mais fort bien écrit, le tout saupoudré par un humour décapant. 7 étoiles

L'Arrache-cœur nous conte l'histoire de Jacquemort, un psychiatre bien étrange, un homme qui est obligé de se nourrir des envies des autres pour exister "Après tout, le rôle d'un psychiatre, c'est clair, c'est de psychiatrer."
Je vous donne le ton quand par exemple la mère dit alors qu'elle s'apprête à accoucher de triplés, des "trumeaux" comme les appelle Vian " ils vont sortir, dit la mère avec un rire dur. Ils vont sortir et me faire mal et ce sera seulement le commencement."
Dans ce récit déjanté, on croise tour à tour des personnages étranges, une foire aux vieux qui fait vraiment pitié, une messe délirante et épique bref on a un peu l'impression d'être en plein trip hallucinatoire !!!
C’était mon premier livre de Boris Vian, donc j’ai été, je l’avoue, parfois assez déroutée mais j’ai adoré son humour décalé et absurde, dommage que ce soit parfois un peu longuet passée la surprise du début.

Monde imaginaire - Bourg La Reine - 51 ans - 16 avril 2012


Le meilleur roman de Vian 9 étoiles

A mon sens le meilleur roman de Vian, plein d'humour (souvent noir) , de poésie. Tout un univers dans lequel on souhaiterait baigner encore davantage.

Kreuvar - - 41 ans - 16 avril 2012


Vous sentiriez-vous visés?! 10 étoiles

Emerveillé par l’Ecume des jours, j’ai ainsi voulu m’attaquer à l’arrache cœur. Bien différent du premier livre cité, la poésie que parsème Vian n’alimente ni le rêve éveillé ni l’extase mais bel et bien la noirceur, l’ironie du monde. Or cela en fait quelque chose d’étonnant, amenant des réflexions sur la maternité et une remise en question profonde sur la famille.

Queneau écrit dans son avant-propos ; « Boris Vian va devenir Boris Vian » et nous assistons ainsi certainement à l’éclosion d’une maturité nouvelle de l’auteur qui se sent profondément dans ses paysages, ses dialogues et sa narration. Le choix d’un tel personnage, psychanalyste qui puise, vole et imite en ses congénères, leurs sentiments et leur profondeur afin de se créer est totalement justifiée, tant que l’on s’imagine que vous et moi sommes Jacquemort. Surpris et choqués par certains faits, certains actes, nous sommes ; tout comme l’est au début le personnage avec la foire aux vieux, la crucifixion de l’étalon ; mais finalement la lassitude, le ressac et la répétition des faits nous habituent à tout, à l’horreur, au drame et aux crimes contre lesquels on se révoltait antérieurement. Nous devenons acteurs de la barbarie par une passivité, d’autant plus mise en relief que dans ce livre, nous assistons impuissants à la bêtise bien pire qu’inhumaine d’un village en n’étant que « simple » lecteur.

Et le paradoxe est là, dans ce coin reculé, c’est l’éternel affront de l‘impuissance passionnelle contre l’activité dévastatrice du monde. A trop en vouloir, Clémentine devient celle qu’elle a tant détesté, l’homme, son mari, elle s’enferme dans une prison immense, clôt l’univers. Mais pourtant, quelle beauté exposée ! Cette femme profonde bien que pure devient la plus ignoble créature, triste retour à l’animal, c’est peut-être là la réponse à la honte. Il ne faut plus s‘élever, la condition primitive efface la douleur et le supplice mais à quel prix ? Il est dur de le dire.

Comme il aime à le faire, Vian mêle aussi l’humour à la religion laquelle jamais ne méprise, au contraire, pensant pouvoir ainsi sauver l’Homme de sa nature meurtrière et pernicieuse.

Mais ce que j’ai trouvé étonnant et en fait cela ne l’est pas, c’est l’évocation d’une sexualité crue et torride voire bestiale assez présente au début du roman qui s’accorde tout à fait avec cette idée de nature archaïque et immuable. Et cette sexualité s’efface pour laisser place à la réflexion. Ainsi, Jacquemort se délaissera des rendez vous sexuels libérateurs avec Culblanc mais se nourrira peu à peu de la vie de La Gloïre à qui il succèdera. Et c’est ainsi que le roman se construit, par une évolution déconstruite des personnages, confrontés à la mouvance de leur démons intérieurs. Et c’est cela qu’on peut voir dans les trois enfants, cette pureté qu’ils symbolisent n’est autre qu’une formidable arme destinée à torturer leur mère. On discerne nettement en chacun d’eux l’imposante construction de l’Homme oscillant entre peines, chagrins, joies, bonheurs futiles, orgueils, admiration, dégoût mépris etc. Ils reflètent aux yeux de tous, la pantomime qu’à chaque moment tout un chacun se dresse voulant tant bien que mal essuyer ses erreurs. Nous enfermer en cages, nous séparer de la liberté et de nos frères ,aux sens propre et figuré, est-il vraiment la solution ? Vian vous en donne les clés. Un moment d’une réflexion puissante et à la fois agréable dû à la patte très originale de l’auteur. Un livre époustouflant !

Tim - Limas - 30 ans - 6 août 2011


Un village à éviter... 8 étoiles

Si j'ai éprouvé autant de plaisir que dans l'écume des jours à lire la prose imaginative et délirante de Boris Vian, ses agencements de mots, sa poésie mais aussi son regard incisif sur le monde, j'ai toutefois été décontenancée par deux histoires qui auraient peut-être mérité deux romans au lieu d'un seul.
D'un côté la vie de ce village avec son écœurante foire aux vieux, sa rivière sanglante dans laquelle la Gloïre se charge de recueillir toute la honte des habitants du village, le curé et son sacristain qui décident de la coloration particulière à donner à leur religion, les patrons qui embauchent les apprentis et les font mourir à la tâche...
De l'autre côté, la vie de Clémentine, mère des trumeaux, qui va aller jusqu'à enfermer ses enfants pour les protéger du moindre risque à courir.
Entre le village et la maison, Jacquemort "Psychiatre. Vide. A remplir".
Je n'ai pas senti le lien entre la vie des habitants du village et celle des habitants de la maison au bord de la falaise, si ce n'est que les uns et les autres sont dans un monde où aucune place n'est laissée à l'humanité. Jacquemort est le seul qui, bien que consentant à certains des projets néfastes de Clémentine, se positionnera à la fin du roman comme le défenseur du droit de chacun à disposer de lui-même : "Je n'enferme pas les autres".
Heureusement, les enfants disposent de bien des ressources dont les adultes n'ont pas idée : après avoir pu voler en mangeant des limaces bleues, ceux-ci pourront sans doute s'échapper de leur cage maternelle(...) en trouvant des puces à fourrure "Alors, dit Citroën, on pourra devenir aussi petits qu'on voudra".
La dernière page (les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être...) est de toute beauté et je vous laisse le plaisir de la découvrir.

Garance62 - - 62 ans - 27 avril 2009


La Gloïre de Boris 10 étoiles

Mon amour pour Boris Vian remonte à l'adolescence, aussi ai-je bien conscience qu'il manque sans doute d'objectivité.
C'est simple, j'aime tout chez lui, ses livres, ses chansons, sa voix, sa trompette, ses bretelles...

Et de tous ses livres, si je devais n'en choisir qu'un ou n'en recommander qu'un, c'est peut-être bien l'arrache-cœur que je retiendrais... un livre dur, cynique, surréaliste, éprouvant, drôle, tout en folie maîtrisée...

Voici, directement importé de wikipedia, un copier/coller de quelques extraits:

* « Je conteste [...] qu’une chose aussi inutile que la souffrance puisse donner des droits quels qu’ils soient, à qui que ce soit, sur quoi que ce soit. » (deuxième partie, chapitre III)

* « On a tort de dire les yeux fermés, ferranta le maréchal. On n'a pas les yeux fermés parce qu'on met les paupières devant. Ils sont ouverts dessous. Si vous roulez un rocher dans une porte ouverte, elle n'est pas fermée pour cela ; et la fenêtre non plus d'ailleurs, parce que pour voir de loin c'est pas des yeux qu'on se sert, et, donc vous ne comprenez guère les choses. » (deuxième partie, chapitre XIV)

* « Déjà Joël et Noël s'étaient remis à creuser.
– Je suis sûr qu'on va trouver d'autres choses, dit Noël.
Sa pelle, à cet instant, heurta quelque chose de dur.
– Voilà un caillou énorme, dit-il.
– Fais voir ! dit Citroën.
Un beau caillou jaune avec des cassures luisantes qu'il lécha pour voir si c'était bon comme ça en avait l'air. Presque. De la terre crissait sous la dent. Mais dans un creux du caillou, une petite limace, jaune aussi, était collée. Il regarda.
– Ça, dit Citroën, ce n'est pas une bonne. Tu peux la manger quand même, mais ce n'est pas une bonne. C'est les bleues qui font voler.
– Il y en a des bleues ? demanda Noël.
– Oui, dit Citroën.
[...] Joël trouve deux limaces noires et en garde une pour lui...
Cependant, Joël dégustait la sienne.
– Pas fameux, dit-il. On dirait du tapioca.
– Oui, dit Citroën, mais les bleues, c'est bon. C'est comme de l'ananas. » (troisième partie, chapitre X)



Ce livre est un bijou en forme de limace bleue... on y goûte et l'on s'envole ...

Alaouet - - 61 ans - 14 avril 2009


ATTENTION CHEF D'OEUVRE ! 10 étoiles

A ne pas mettre entre toutes les mains !

Sans aucun doute, pour moi, le chef d'oeuvre de Boris Vian, très regretté touche à tout de génie.

Son testament : psychanalyse aboutie d'une poésie fulgurante.

Lu voici bien longtemps, j'appréhendais un peu de ne pas y retrouver la profonde impression ressentie. Bien au contraire ! Comme toutes les grandes oeuvres, on y découvre encore et encore des trésors cachés.

Somptueux, élégiaque, tragique et drôle.

Un régal.

Jobelom - - 62 ans - 19 août 2008


Un beau moment de fantaisie 8 étoiles

Encore un régal des sens, dans la lignée de "L'écume des jours".
C'est subtilement dérangeant, cyniquement poétique, parfaitement onirique...

J'ai une grande admiration pour cet auteur capable de s'affranchir de sa culture et des normes (même là où on n'aurait pas été tenté d'aller chercher).

A conseiller à tout amateur de sensations littéraires.

Le café de... - Perpignan - Bordeaux - 40 ans - 19 août 2008


Sombre 7 étoiles

Noir, glauque, triste, amer,...

Mais bien.

Dalania - Dijon - 38 ans - 6 décembre 2006


Jubilatoire 10 étoiles

Bon comme conseillé, j'ai lu ce que beaucoup considère comme le meilleur de Boris Vian et effectivement je me suis régalé de cette lecture jubilatoire.

Jacquemort, jeune psychanalyste débarque un jour par hasard chez Clémentine et Angel dans un petit village qui longe une falaise française. L'arrivée de Jacquemort est une providence puisqu'il pourra aider ainsi Clémentine à accoucher de 3 garçons qu'elle va appeler, Noël, Joël et Citroën. Ces naissances vont chambouler la vie de tous puisque de la souffrance de son accouchement, Clémentine va développer un rejet d'Angel et s'approprier totalement ses enfants en les couvant à l'extrême.
Jacquemort, lui, va vivre au sein de cette famille bientôt monoparentale en s'imprégnant totalement des sentiments des autres. L'empathie va devenir son état permanent vis-à-vis de Clémentine mais aussi de ce bon curé du village, le tout dans une sorte de huis-clos dont l'épilogue semble nous concerner aussi.

Mon avis: la lecture de ce roman très court est un régal qui mêle un humour succulent à une langue qui swingue, qui court et qui colle à la vie. Les néologismes sont ici encore très présents et on comprend facilement les liens qui unissaient Vian à un Queneau par exemple. Toutes les règles de l'écriture sont chamboulées au point de renverser par moment la chronologie ou le nom des mois de l'année. Bref un vrai régal pendant lequel j'éclatais de rire dans mon coin.

Oxymore - Nantes - 52 ans - 26 août 2006


Mouais... 2 étoiles

Les livres qui restent en tête sont-ils toujours de bons livres?
Pas celui-là en tout cas!
Pas du tout aimé!

Franckyz - - 46 ans - 10 janvier 2006


sa meilleure oeuvre 10 étoiles

Dans ce livre, le plus intéressant est que cet univers, certes absurde, ne l'est pas juste pour dérouter le lecteur et le critique(allusion à certaines pièces théâtrales de l'après-guerre...), mais il est en quelque sorte un miroir déformant de la réalité.

Giny - Casablanca - 36 ans - 26 avril 2005


Emouvant 10 étoiles

Ce livre, émouvant, qui fait réfléchir, mais qui est aussi immoral, etc.. est féérique, les habitants sont tellement monstrueux, La Gloïre tellement pitoyable, Jacquemort tellement naïf, Angel qui se laisse trop faire, Clémentine protectrice à l'extrême de ses enfants, ui, en pensant leur faire du bien, leur fait du mal... C'est un livre qui crée des clichés, des exagérations, tous les personnages plus étranges les uns que les autres, et puis les repère chronologiques partent en live tout au long du livre; C'est un livre pas très joyeux, immoral, que je conseille à toute personne apte à subir des chocs, foncez dedans les yeux fermés, au début, c'est dur d'y entrer, mais quand on y est, on ne peut plus le refermer, la cruauté banale des villageois nous fascine, on est asphyxié par la prose étouffante et déprimante de Vian, mais à la fois onirique et délirante. Un roman qui se distingue par rapport aux autres Vian, par sa morbidité, me fait penser à Kafka, même si on retrouve quand même la magnifique plume de bouquin.

Attention : chef-d'oeuvre

KIM

Le petit K.V.Q. - Paris - 32 ans - 8 juillet 2004


Noir 6 étoiles

Vraiment étrange, c'est toujours plaisant de retrouver l'univers de Vian mais ici comme dans l'herbe rouge je trouve que le fatalisme est vraiment trop présent. Tout est affaire de résignation, c'est donc sans doute un livre très intéressant à lire pour être dégoûté de toute envie d'abandonner.
Des constructions (ou déconstructions?) intéressantes, des descriptions magiques mais au bout du compte je ne suis pas comblé...

Virgile - Spy - 45 ans - 19 novembre 2002


La psychanalyse selon Bison Ravi 9 étoiles

Belle critique d'Echémane à propos de ce roman où Boris Vian dessine, un peu comme dans "L'herbe rouge", une métaphore de la psychanalyse et de sa propre enfance paralysée par les soins trop présents d'une mère inquiète. Cruauté du village : la foire aux vieux, l'étalon crucifié, l'apprenti ferré comme un cheval. Impossibilité de l'amour. Echec de la religion présentée comme une farce ridicule (le combat de boxe du curé et du sacristain, image de la lutte entre le Bien et le Mal). Sacrifice final de Jacquemort qui prend la place de la Gloïre, rédempteur souillé, éboueur des âmes.
Le tout dans un univers indéfini, un monde si proche et si lointain - le village, n'importe quel village, aucune précision géographique, pourtant - et puis ces repères chronologiques qui disparaissent aussi quand le récit sécrète son propre calendrier : "avroût", "juinembre"... Tous les points de repère s'écroulent. Pourquoi "L'arrache-coeur" évoque-t-il pour moi ces mots d'Eluard : "C'est par une nuit comme celle-ci que je me suis privé du langage pour prouver mon amour et que j'ai eu affaire à une sourde" ?

Lucien - - 69 ans - 10 septembre 2002