Les neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Ode à l'égalité des races
« L’horizontale plénitude du vivant ( la mise en relation infinie, imprévisible et harmonieuse de ses états, de ses étant ) est le plus haut évènement de science, d’idéal, de politique, d’arts ou de beauté que devraient, que pourraient, concevoir les présences qui le peuvent. L’impensable de l’horizontale plénitude du vivant appelle à l’ovation des imaginaires, à l’océan des gloses, et à tous les points de suspension… ».
Je n’ai jamais commencé une critique en citant les dernières lignes du livre décrit, mais je n’ai jamais non plus lu un roman aussi original et réussi que celui-ci.
Le narrateur est un oiseau intrigant, un grand rapace dénommé Malfini. Le monde qu’il décrit est assez semblable au nôtre mais les dénominations des espèces, de dieu aux oiseaux, ne sont pas les même, elles sont plus poétiques, tout en nuance. Nous devinons vite que nous, les hommes, nous sommes les Nocifs.
Dire que ce roman est une hymne à la vie et à la nature, est un pléonasme. Nous le devinons déjà en voyant que ce livre est dédié à Pierre Rhabi, lui aussi éminent écrivain et penseur, qui a créé le « Mouvement pour la Terre et l’Humanisme » ou « Mouvement colibris ».
Le colibri justement est cette espèce que découvre avec stupeur Malfini, et qui lui permettra d’élargir son champ de connaissance et de réflexion sur le vivant ; et par conséquent d’élargir aussi celui du lecteur. Le colibri appartient à une engeance ; un terme au sens double, parfaitement employé, qui désigne à la fois une race de volatile, mais aussi la race des hommes méprisables… une petite dédicace pour notre espèce, qui, comme le malfini, se sent tellement supérieure.
Le découpage du texte en 4 chapitres et plusieurs petites séquences, aux titres tantôt provocateurs, tantôt intrigants, toujours recherchés et poétiques, enrichissent le propos relaté par Patrick Chamoiseau.
C’est une merveilleuse et singulière œuvre romanesque dont je viens de me délecter, et qui figurera je l’espère parmi les livres les plus appréciés du prix CL 2012.
Message de la modération : Prix CL 2012 catégorie Roman de la Francophonie
Les éditions
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Les neuf consciences du Malfini [Texte imprimé] Patrick Chamoiseau
de Chamoiseau, Patrick
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070438020 ; 7,50 € ; 02/12/2010 ; 275 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (10)
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Rien n'est vrai, tout est vivant
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 20 août 2012
Très joli conte poétique rempli de couleurs, de saveurs et dont l’écriture est émaillée de termes martiniquais savoureux. Il y grouille une faune et une flore luxuriante et d’une incroyable richesse. Un petit paradis à protéger et à sauver du désastre écologique qui le menace.
C’est original, frais et surtout porteur de messages admirables visant la préservation de la beauté de la nature et l’absence de toute hiérarchie dans le monde des vivants.
Beau et enchanteur, un régal de lecture. Je poursuivrai certainement la découverte de cet auteur avec « Texaco ».
OVNI écologico-philosophico-conte
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 5 juillet 2012
Soit les Caraïbes, îles à la nature tropicale généreuse. Une faune, notamment avicole, tout aussi généreuse. Et parmi elle un Malfini ; (j’ai d’ailleurs appris en lisant ce roman que le Malfini n’était pas une créature fictive de Patrick Chamoiseau mais bien un rapace de Martinique et des îles avoisinantes) un grand rapace antillais, et un colibri, petit être fragile s’il en est, à la vivacité et à la grâce déjà largement démontrées.
Le Malfini fait régner sa loi dans le petit monde animal local et notre Malfini a l’habitude de voir trembler tous les petits devant lesquels il se présente. Tous ? Pas Foufou, le colibri. Un colibri sacrément atypique le Foufou puisqu’il s’ingénie en permanence à faire fi des lois, des règles, du « qu’en dira-t-on », des us, des coutumes … Bref Foufou est tout fou. Et il intrigue le Malfini. Diablement.
Un Malfini qui va passer par tous les stades de conscience vis-à-vis du Foufou ; l’incompréhension, la colère, la haine puis progressivement incrédulité, admiration, vénération.
Le Foufou et le Malfini, c’est ; comment une frêle créature gracieuse peut plier à ses idées une grosse brute baraquée. Et tout ceci sur fond de drame écologique, puisque nous, les Nocifs, nous y entendons comme personne pour massacrer Dame Nature et plus si affinités.
Patrick Chamoiseau, sur fond de nature antillaise, nous file ainsi plusieurs métaphores, genre un peu « La Belle et la Bête », ou « Le lion et le rat » de La Fontaine, genre aussi ce qui attend l’espèce humaine à détruire le monde vivant autour d’elle, comme par exemple les abeilles …
C’est foisonnant, c’est réjouissant mais ça se termine un peu abruptement en laissant de larges zones d’ombre qui laissent des doutes sur la finalité exacte de l’exercice. Et puis, malheureusement pour moi, ça m’a un peu trop rappelé la littérature d’Amérique Centrale, ce style « réalisme magique » …
"Hink !"
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 27 juin 2012
Deux colibris frères mais très différents rivalisent dans le vallon : l’un, Colibri, parfait, ordonné, organisé, respectueux des règles, l’autre Foufou imprévisible, fantasque, fantaisiste, irrespectueux de l’ordre établi, improvisateur, explorateur, expérimentateur découvreur…, Finalement Colibri expulse Foufou que le Malfini observe avec intérêt dans ses frasques qui s’avèrent être des expériences fondamentales sur le fonctionnement de l’écosystème et de la chaîne alimentaire. Des observations qui permettront à Foufou de sauver le vallon du désastre écologique. « La proximité rend plus menaçante la différence … »
Ce roman animalier pourrait, au premier abord, évoquer « Nuée d’oiseaux bruns » de Ge Fei mais la lecture révèle vite une fable plus proche de « Les lapins et les boas » de Fazil Iskander. On y trouve de la même façon les thèmes de la différence, de la force brutale, de la ségrégation. Chamoiseau introduit cependant une dimension sociale plus politique, plus philosophique : tout ce qu’on apprend au contact des autres sans vanité, seulement pour le plaisir, seulement pour le plaisir d’élargir l’horizon de ses expériences, seulement pour explorer l’espace que les marginaux investissent pour découvrir de nouveaux horizons. L’apologie d’une société pacifique, désintéressée, respectueuse des plus faibles et de son environnement.
Mais cette lecture prend, in fine, la forme d’un manifeste écologique : l’observation de la faune et de la flore, la destruction de la nature par les « Nocifs » (les hommes), une alerte écologique, une catastrophe évitée par la seule ingéniosité de Foufou.
Ce livre c’est aussi une écriture très personnelle, un style qui frôle la grandiloquence sans jamais y sombrer mais un texte qui s’achève pourtant dans un certain obscurantisme qui ne facilite pas la lecture du manifeste écologique que l’auteur souhaite adresser à ses lecteurs. Nous retiendrons cependant cette citation parfaitement claire en forme de conclusion : « Rien n’est vrai, juste ou bon, tout est vivant » car le vivant n’est jamais parfait, il est destructeur par essence. Alors : « Que vivent les croyances ! Que fleurissent les histoires ! Que reviennent les légendes ! Qu’elles aillent au gré de leur propre légèreté et nous laissent la beauté. »
Une belle leçon d'écologie... et de vie!
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 30 mai 2012
Presque tous les sentiments et les rapports humains sont évoqués dans cette étrange relation entre un imposant rapace (le Malfini, une espèce de buse) et l'un des plus petits oiseaux, le colibri, et qui plus est, un colibri pas comme les autres.
Grâce à ce colibri, le Malfini va découvrir l'épicurisme, le respect, l'admiration, l'amitié, l'amour, la différence, la curiosité...
« Je dois admettre cette idée effrayante: le Foufou chantait pour son plaisir. »
Pour ce rapace, vaincre son Alaya, son instinct, celui de sa race, va lui demander des efforts, mais malgré quelques « rechutes », l'étrange destin du Foufou changera profondément le comportement des animaux puis des Nocifs (les humains) de ce coin des Antilles.
Un superbe conte, une magnifique et émouvante leçon de vie, qui nous touche profondément et même si parmi les 9 « consciences » , certaines relèvent de l'utopie, on a forcément envie d'y adhérer.
Et on peut rêver que c'est grâce à l'obstination du Foufou, que la forêt de Rabuchon est toujours aussi belle.
MALFINI
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 1 mai 2012
On referme ce livre avec l'impression de ne plus pouvoir participer à un voyage en cours et la tête pleine d'idées et de réflexions.
Une aventure à méditer...
Excès de lyrisme
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 22 avril 2012
allégorie, naturalisme, empathie et respect mutuel
Critique de Librophage (idf, Inscrit le 11 avril 2012, 70 ans) - 20 avril 2012
Que de merveilles dans la contemplation !
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 15 mars 2012
Encore une fois , Patrick CHAMOISEAU propose un merveilleux roman. Une fable , un roman initiatique au service de la Nature.
Le narrateur est un rapace des Caraïbes , une buse de la Martinique … le Malfini.
Ce dernier règne en maître sur le site de Rabuchon ( en proximité de Saint-Joseph Martinique ) . Ses rondes déclenchent des paniques hystériques parmi la faune locale.
Seul le Foufou ( hybride du Colibri ) semble l’ignorer et continue à vaquer à ses occupations.
Comment un être si insignifiant , un acabit d’insecte , une ridicule virgule d’existence au comportement débraillé , peut-il lui être indifférent ?
Avec une tête qui tournoie sur elle-même , une aiguille qui lui sert de bec, des déplacements supersoniques, un aspect indéfinissable qui le rapproche de tous et le distingue de tous en même temps.
Un magicien , un être Libre !
Une telle majesté , une fulgurance minuscule , la grâce personnifiée !
Le Malfini va entreprendre un long travail de réflexion basé sur l’observation du Foufou.
Du rejet dans un 1er temps , au doute, puis à l’acceptation progressive ; le Foufou lui ouvre les yeux vers un autre possible hors d’atteinte jusqu’alors.
Une fable sublime aux multiples résonances.
Patrick Chamoiseau livre une ode à la Nature dans ce qu’elle a de plus essentielle pour le vivant . Un constat amer des actions de l’espèce humaine ( « la pire des monstruosités inutiles du vivant » )
Mais également sur les notions de Propriété ( Le monde appartient à tous ) .
Une fable philosophique merveilleusement bien écrite ( chaque phrase sonne comme une poésie, un vocabulaire riche et chantant )
Une œuvre superbe !
Un moment magique tout en douceur !
Critique de Mandarine (, Inscrite le 2 juillet 2010, 52 ans) - 14 janvier 2012
Et me voilà prise au piège dans une farandole de mots, un vocabulaire des plus riches et variés, on lit les couleurs, on lit les expressions. Le choix des mots est important : chaque mot est à sa place, les mots se répondent. Cette maîtrise est un pur régal et rend hommage à notre langue française. Les noms donnés aux différents acteurs sont soigneusement choisis et lourds de sens : Colibri (avec un grand C, sérieux, qui rentre dans le moule, conforme), Foufou (je pense que vous devinez !!) mais aussi le féroce, les nocifs ... Toutes ces rencontres rythment le livre et construisent cette relation folle entre ce Malfini et ce colibri (Foufou). Étonnamment, cette relation est très particulière car jamais on ne saura ce que Foufou en pensera ! ...
Le sujet (philosophique, naturaliste, scientifique et poétique) a déjà été évoqué par les autres critiqueurs qui l'ont très bien fait. Il me semble que ce livre est une première étape vers d'autres réflexions intéressantes et applicables à notre quotidien : où se trouve réellement la Force de quelqu'un ? Quid des différences entre nous (nécessaires? contraignantes? vitales?), l'acceptation de l'autre, la reconnaissance de l'autre, peut-on faire confiance à son instinct (ou Alaya) , doit-on lui faire confiance quoiqu'il arrive ? ....
Laissez moi vous reprendre quelques phrases que je trouve de toute beauté et qui pour moi mettent bien en évidence la richesse et la beauté du texte :
"Comme nous ne cherchions rien, nous découvrions tout. Comme nous n'allions nulle part, nous arrivions partout..."
"Je compris encore mieux à quel point les vies se tiennent, combien nulle n'est centrale, plus digne, plis importante. Elles portent les même couleurs. Elles se lient, se relient, se rallient, se relaient et se relatent avec les même couleurs."
"Rien n'est vrai, juste ou bon. Tout est vivant."
Laissez vous prendre par ce livre hors du commun, un peu déstabilisant mais tellement magique !
Plongée dans l'esprit d'un rapace
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans) - 3 janvier 2012
Le Malfini, grand rapace, est le narrateur de ce roman. Lui, si grand, si fier et si brutal, se montre intrigué par de petits oiseaux qu'il avait longtemps ignorés et qui deviennent de plus en plus fascinants à ses yeux. Colibri se comporte comme le chef de cette bande de joyeux drilles et Foufou, le vilain petit canard de la communauté, se démarque de ses congénères par sa fougue, sa joie de vivre, ses jeux et ses incessants voyages d'une fleur à l'autre.
Les paysages décrits sont antillais et permettent au lecteur de voyager dans cette nature luxuriante, violente et livrée à elle-même. Le grand rapace a beaucoup à apprendre du petit volatile, qui d'insignifiant pourrait s'avérer un véritable maître par la suite, ou peut-être tout simplement un modèle.
Malgré mes réticences initiales, je me suis laissé porter par cette histoire et ai suivi ces oiseaux avec un certain plaisir. Il est vrai que ce roman joue avec plusieurs genres que sont le conte, le texte ethnologique et le roman philosophique. La poésie est aussi très présente dans le roman avec des clins d'oeil à Baudelaire, par l'allusion aux "vastes oiseaux des mers" et par des renvois au poème "Correspondances" qui invite à tisser des liens entre les cinq sens humains ( p.194-195 par exemple). Dans cette oeuvre, les odeurs ont des couleurs, les paysages invitent à la rêverie et au respect de l'univers pour ce qui est des considérations plus écologiques. L'Homme, les Nocifs, est l'un des maillons du Vivant ( pour garder les termes de Chamoiseau ) et doit apprendre à s'intégrer dans cette Nature féconde où la vie pullule.
En bouclant ce roman, j'ai eu l'impression de quitter un monde qui m'était familier, des animaux que j'ai appris à connaître et une véritable envie de découvrir l'univers romanesque de ce grand écrivain, même si je reconnais que c'est un roman qui risque de ne pas plaire au plus grand nombre ...
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