Voyage avec un âne à travers les Cévennes
de Robert Louis Stevenson

critiqué par Nevermore, le 15 août 2002
(Rennes - 42 ans)


La note:  étoiles
Qui a détaché les liens de l'âne sauvage? (Job)
Voici une courte critique d'un récit pas si connu que ça. Robert Louis Stevenson, auteur de Dr Jekyll&MrHyde mais aussi de l'île au trésor, est parti un beau matin de son écosse natale pour traverser les Cévennes avec un baudet.
Quel récit charmant! On peut facilement qualifier Stevenson de "voyageur sentimental" en employant le terme utilisé par Sterne. Il existe manifestement différentes catégories de voyageurs. Certains peuvent faire 5 tours de mars et n'avoir rien vu alors que celui qui aime véritablement découvrir prendra un plaisir enfantin, un plaisir intense à s'étonner du monde et des gens. Stevenson était de ceux là et ça se ressent sur les pages magnifiques qu'il nous a laissées. Il part donc avec son vieil âne, Modestine, avec lequel il aura une relation drôle et attendrissante. Le ton de ce récit est toujours rigolo. Stevenson apparaît comme un être très vif et très marrant et sans aucun doute il l'était. Le chapitre intitulé "une nuit parmi les sapins" m'a particulièrement plu. J'apprécie aussi la façon dont il décrit les femmes qu'il croise, avec une sorte d'admiration et de respect. C'est un type excellent.
Le Voyage de Stevenson en images 8 étoiles

« Avec l’avènement de la randonnée pédestre et le retour à la nature, l’épopée de Robert Louis Stevenson a fait l’objet, ces dernières années, de très nombreuses publications ». Les Editions de Borée en proposent une nouvelle mais pas une de plus, une autre, une différente, un magnifique ouvrage grand format illustré de plus de deux cents documents d’époque : photographies, cartes postales, notamment, choisis et commentés par Jean-Marie Gazagne et Marius Gibelin. Un magnifique ouvrage, un vrai beau livre !

Cet itinéraire est devenu l’un des chemins de randonnée fétiche de la Fédération française de randonnée pédestre, il est parcouru par de très nombreux marcheurs, à tel point que cette fédération a édité un guide spécifique à l’intention de ceux qui souhaitent l’emprunter. Récemment, j’ai aussi lu un recueil de récits de voyages de Francis Navarre (De l’Hexagone considéré comme un exotisme) parmi lesquels figure son périple sur les pas de l’écrivain marcheur.

Stevenson n’est pas un aventurier chevronné, l’auteur du propos introductif le présente comme « un jeune homme très « spleen », souffreteux, beau parleur, un peu hâbleur mais surtout quelqu’un qui semble assez mal dans sa peau ». Il m’est surtout apparu comme un grand novice en matière de randonnée pédestre, il connaît mal l’itinéraire qu’il souhaite emprunter, il ne connaît rien aux ânes et encore moins à leur conduite, il ne sait pas charger sa monture, il ne sait pas préparer un paquetage nécessaire mais pas trop encombrant. Alors, évidemment le démarrage est laborieux. Le chargement de l’ânesse s’écroule ou blesse la bête qui traîne les pattes. Il s’égare, fait des détours inutiles mais il est courageux et obstiné, il ne recule pas devant la difficulté et finit, grâce aux conseils de braves gens rencontrés au cours de son périple, par trouver un rythme de croisière compatible avec ses prévisions. Malgré ses faiblesses pulmonaires, il n’hésite pas à dormir au clair de lune, même sous la pluie battante, affrontant le risque de rencontres avec des animaux ou des vagabonds pas tous toujours bien intentionnés. Il lui fallait une certaine détermination pour affronter ces sentiers pas toujours très carrossables, les rencontres hasardeuses, les intempéries,

Il démarre son périple dans le Velay à Le Monastier sur Gazeille pour cheminer en direction du sud entre le Gévaudan et le Vivarais et rejoindre les Cévennes et Alès. Douze jours de marche au rythme de Modestine, l’ânesse qu’il a achetée juste avant de partir. Il arrêtera son parcours un peu avant son terme à Saint-Jean-du-Gard, l’ânesse étant trop fatiguée pour terminer le parcours dans les délais impartis par son compagnon de route.

Chaque jour, Stevenson écrit son parcours : les paysages qui l’enchantent particulièrement, les rencontres plus moins conviviales qu’il fait, les aléas du voyage, les nuits en plein air ou à l’auberge, les petites villes et villages qu’il traverse, la faune et la flore, les légendes, les faits historiques, les personnages plus ou moins célèbres qui ont laissé une trace dans la mémoire collective. Il laisse une place importante à la religion, notamment au contraste qu’il discerne entre le pays catholique du nord et le protestantisme en pays camisard. « D’un seul coup son récit devient plus descriptif, il y met tout son cœur et narre les épopées des Camisards avec une certaine emphase ». Le protestant écossais ne comprend pas très bien les catholiques, il se sent plus proche de ses coreligionnaires protestants. Le vocabulaire de l’époque s’harmonise bien avec les descriptions de l’auteur et leur confère une certaine saveur.

« Les filles deviennent belles, le paysage lumineux, bref, il revit et il lui tarde de rejoindre ses amis ». Ce périple semble avoir eu de réelles vertus thérapeutiques sur Stevenson, il semble repartir plein d’enthousiasme vers d’autres cieux après avoir oublié un amour inaccessible sur les chemins cévenols. Cette nouvelle édition toute en images est un belle réussite, plus qu’une lecture, une plongée au cœur de ce voyage, des paysages, des villes et villages que l’auteur a traversés, une rencontre avec des personnes qu’il a peut-être croisées.

Débézed - Besançon - 77 ans - 20 mai 2021


Si vous allez parcourir le GR 70 8 étoiles

En tant que lecteur du XXIème siècle, nous rattachons la signature de Stevenson plutôt à l'Ile au trésor qu'à ce récit de voyage. L'écrivain a pourtant exploré les Cévennes au XIXème siècle ; un circuit de Grande Randonnée, le GR 70, porte d'ailleurs son nom.
Ce roman se présente sous la forme d'un journal de bord composé durant une dizaine de jours, le temps de relier à pied et escorté d'une ânesse, Modestine, l'Auvergne au Gard. Stevenson y relate surtout son rapport avec la nature et les hommes qu'il croise durant ce périple. Il n'hésite pas à citer les appellations des hameaux qu'ils traverse : Notre-dame-des-Neiges, Saint-Germain de Calberte... ce qui est fort dépaysant. Il illustre également les rivalités très fortes qu'il existait entre catholiques et protestants dans cette région, et dont Stevenson témoigne.
Contrairement à certains lecteurs dont les critiques sont présentées ci-dessous, je n'ai pas trouvé que Stevenson exerce une violence particulièrement choquante envers son âne ; les dernières pages démontrent plutôt le contraire lorsqu'il décrit son émotion à l'abandon de l'animal.

L'état sauvage s'exprime dans ces terres encore préservées aujourd'hui et Stevenson magnifie les choses simples de la vie :
"La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit ; en plein air, par contre, elle s'écoule, légère parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. Ce qui ressemble à une mort momentanée aux gens qu'étouffent murs et rideaux n'est qu'un sommeil sans pesanteur et vivant pour qui dort en plein champ"

Elya - Savoie - 34 ans - 6 avril 2013


Ennuyeux 3 étoiles

Ce livre, à part un très bon passage sur une nuit à la belle étoile, ne me semble vraiment ni « un charmant petit ouvrage » ni « le livre à lire par tous les randonneurs ». Et pourtant j’aime la randonnée…
Comme Folfaerie, j’ai été choquée par l’attitude de Stevenson envers son ânesse:
« Modestine devint mon esclave. […] Et qu’importait, si de temps à autre, une goutte de sang apparaissait […] sur la croupe couleur souris de Modestine »
« Les deux jambes d’avant de Modestine n’avaient plus que chair à vif à l’intérieur et du sang lui coulait sous la queue ». Soigner Modestine ne lui étant visiblement pas venu à l’idée, il se remet en route…
Certes Stevenson est écossais et non anglais, mais c’est pourtant bien en Grande-Bretagne, et bien avant le voyage de Stevenson* que les mauvais traitements aux animaux ont été interdits par la loi.

Comment ce livre peut-il ne pas avoir sombré dans l’oubli ?

* 1835 Cruelty to Animals Act, 1878 « voyage » de Stevenson

Ludmilla - Chaville - 69 ans - 24 décembre 2012


Modestine mon héroïne. 5 étoiles

Un peu déçu par ce premier livre de l'auteur que je lis.
Les incessantes comparaison entre catholiques et protestants sont lassantes, et ne sont pas très intéressantes.
Le récit du voyage offre quelques belles lignes, mais dans l'ensemble cela manque un peu de relief. Je n'ai pas trouvé mon compte, je m'attendais à une étude plus poussée sur le mode de vie des habitants des cévennes, de plus jolies descriptions des paysages et surtout les sentiments et les sensations de Stevenson pendant son voyage intérieur qui n'est pas mis en valeur dans ce livre. Les mauvais traitements infligés à Modestine sont de cette époque, bref je reste sur ma faim.

Hexagone - - 53 ans - 23 janvier 2012


Le premier randonneur itinérant 10 étoiles

A l’occasion du 130ème anniversaire de ce « voyage », j’ai tenu à relire ce charmant petit ouvrage de l’immortel auteur de « L’île au Trésor » et de « Docteur Jeckill et Mr Hyde ». Suite à un chagrin d’amour, Stevenson s’était retiré dans le petit village de Monastier sur Gaseille d’où il voulut partir vers le sud, à l’aventure et à pied. Comme il devait se trouver dans l’obligation de bivouaquer et de peut-être ne pas trouver de ravitaillement sur certaines parties de son chemin, il avait pas mal de matériel à emmener qu’il aurait été bien incapable de porter sur son dos. Il fit fabriquer une sorte d’ancêtre des sacs de couchage composé de peaux de moutons retournées et cousues ensemble. A cette époque, le camping était encore inconnu et il devait trimballer réchaud, paniers, lanternes et casseroles, tout un matériel brinquebalant qu’il arrima sur le dos d’une petite ânesse nommée Modestine.
N’ayant aucune notion du maniement de cet animal fantasque, Stevenson eut toutes les peines du monde à s’en faire obéir. Ses déboires avec son âne sont d’un grand comique… Après avoir traversé le Velay et le Gévaudan, escaladé le Mont Lozère et traversé le pays camisard, il parviendra à Saint Jean du Gard d’où il prendra la malle-poste pour Alès…
Ce récit est passionnant à plusieurs titres. C’est un témoignage sur la vie des campagnes profondes de cette époque. Plus pauvres mais plus peuplées que de nos jours. Plus croyantes mais à l’horizon plus restreint. Plus solidaires, mais parfois très méfiantes vis-à-vis de l’étranger. En bon écossais protestant, il se sentira mieux en pays camisard que chez les catholiques de la région du Puy. D’ailleurs, il retrace brièvement l’histoire de cette révolte occasionnée par la monstrueuse erreur commise par Louis XIV en révoquant l’Edit de Nantes et en envoyant les Dragons « pacifier » (c'est-à-dire génocider) une région « rebelle ». La République pratiquera de même en Vendée quelques années plus tard, mais au détriment des catholiques royalistes cette fois. Comme quoi ce n’est pas d’aujourd’hui que l’intolérance la plus bête et la plus sordide sévit sous nos latitudes. Stevenson note avec honnêteté qu’au moment où il passe, si les souffrances subies ne sont pas oubliées, catholiques et protestants vivent néanmoins en parfaite harmonie.
Tous les randonneurs devraient lire ce livre parce qu’il fut le premier traitant du sujet et que l’on peut considérer Stevenson comme le père fondateur de la randonnée itinérante moderne. On mesure l’ampleur de sa descendance et les progrès réalisés depuis cette « première ». Et pourquoi ne pas profiter de cet anniversaire pour mettre nos pas dans ceux de l’écrivain, son bouquin à la main ?… Gageons qu’il va y avoir du monde sur le sentier de Stevenson cette année…

CC.RIDER - - 66 ans - 31 juillet 2008


mooodé mooodé modestine 6 étoiles

Récit autobiographique d'un monsieur plein de préjugés qui dort sous les arbres ou chez les gens. Les échanges y sont intenses, légers, plein de curiosité. il y est tout le temps également question de religion et de la relation entre protestants et catholiques, s'entendent-i bien OU s'entendent-i pas bien dans ce village?? Le tout saupoudré de petites tapettes dans le derrière de Modestine. On voyage dans le temps et dans sur les plateaux des cévennes.

Bubulle - - 44 ans - 3 janvier 2008


M'enfin! 8 étoiles

Hey vous jugez l'attitude de Robert envers son âne, mais point le livre. Certes c'est autobiographique, mais frapper un âne de temps en temps n'a rien de grave. Faut-il bien rappeler que c'est têtu ces bestioles? Il faut bien les mener a la baguette et puis un coup de bâton sur les fesses ça a du bon, cf Rousseau, les Confessions. Nan, je blague un peu mais vraiment je ne me souviens pas d'un Stevenson cruel.

Nevermore - Rennes - 42 ans - 25 mars 2003


Manque de générosité... 5 étoiles

...envers son ânesse ! je ne suis pas d'accord avec la "relation drôle et attendrissante" que Stevenson a entretenu avec la pauvre Modestine. Ou alors nous n'avons pas lu le même livre ! Son indifférence et sa cruauté envers l'animal m'ont considérablement gênée dans ce récit. Sans pour autant se montrer d'une excessive sensiblerie, le récit de voyage de Stevenson aurait gagné en intensité et en qualité s'il avait su faire preuve de la même tolérance et générosité envers Modestine qu'envers les autochtones des Cévennes. Le comportement envers une bête est par ailleurs assez révélateur d'une personnalité... et justifie le choix de mes deux étoiles et demi.

Folfaerie - - 56 ans - 26 janvier 2003