La vierge des tueurs
de Fernando Vallejo

critiqué par Pucksimberg, le 4 décembre 2011
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un véritable coup de poing !
J'ai découvert ce roman accidentellement suite à une conférence de Fernando Vallejo à Marseille qui présentait ce roman comme une oeuvre difficile, violente, religieuse, sensuelle. Cette association de termes assez contradictoires m'avait donné fortement envie de découvrir ce court roman. Quel choc !

Fernando Vallejo dépeint le quotidien de la Colombie : un enfer sans fond. Les adolescents tuent comme d'autres fumeraient des cigarettes ! A cause d'un mot, d'un regard, d'un refus d'éteindre la musique, on dézingue !

Le narrateur est un écrivain ( curieux... ), prénommé Fernando ( encore plus curieux ... ) qui tombe amoureux de l'un de ces sicaires ( ados meurtriers ). Cet adolescent le séduit par sa beauté angélique et par sa violence diabolique. Il compte déjà 250 morts à son actif. Alexis sera un ange exterminateur qui détruira tout ce qui entrave son bonheur et celui de son écrivain. Il est vrai que les quelques passages amoureux pourront agacer, voire gêner certains lecteurs, mais l'histoire d'amour n'est qu'anecdotique, c'est la réalité photographiée par la précision stylistique de Vallejo qui fascine et effraie. Ces meurtres quotidiens n'appartiennent pas au mythe de la Colombie fanstasmée par l'Européen, c'est un fait. Ces sicaires sont de pauvres ados traînant dans les rues qui doivent survivre et qui se sentent porteurs d'une mission quasi divine. Tuer devient un moyen d'être respecté, mais ces adolescents sont surtout perdus, sans répères ( affectif, familial, amoureux ... ). Les colombiens aussi ont un regard sévère sur le monde comme s'ils étaient maudits. Le narrateur est content quand une femme enceinte meurt car elle est criminelle en donnant naissance à un enfant dans un tel univers.

Le monde décrit est presque apocalyptique. Paradoxalement, il y a du sacré dans ces actes : les sicaires vont régulièrement à l'église pour demander pardon et demander de l'aide à la vierge des tueurs. Les adolescents tuent, meurent facilement, d'autres les remplacent, c'est un gouffre sans fond et glaçant.

Ce roman est dur et choquant, à l'image de cette triste réalité. Vallejo fait preuve d'un grand talent et malmène son lecteur à travers ces hommes meurtris avant même d'être nés.

Le film tiré de ce roman par Barbet Schroeder est fidèle au roman !
Pour l'amour d'un Ange 8 étoiles

Relatant sa liaison avec Alexis, un jeune adolescent de Medellin, quartier parmi les plus pauvres et violents de Colombie et de la planète, le narrateur fait plus que de nous livrer un roman sensuel, tissé de passion homo-érotique. Il donne surtout à voir ce qu'est la vie à Medellin, là où les cartels de la drogue règnent en maitres, les politiciens sont impuissants, la police absente ou inutile et la société entière à l'agonie, enlacée en une puissante étreinte par la pauvreté, la violence, la mort.

Alexis est en effet un "Ange Exterminateur", un "sicario", l'un de ces nombreux enfants sans enfance et qui ne grandiront jamais qui parcourent les rues armés de flingues, sèment la terreur et tuent non seulement pour vivre mais, aussi, pour satisfaire leur ego, ou pour des raisons aussi futiles qu'une radio trop forte ou une paire de chaussures.

D'un style laconique où perce à peine une révolte vite contenue, le narrateur nous plonge dans une réalité folle et horrible, dont on a pourtant bien du mal à croire qu'elle l'affecte -lui qui suit amoureusement Alexis dans sa course meurtrière.

Un roman terrible et glaçant.

Oburoni - Waltham Cross - 41 ans - 21 août 2012