Fièvre
de Andrea Barrett

critiqué par Darius, le 22 août 2002
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Les ravages du mildiou
Ce roman basé sur des faits historiques nous conte la grande famine qui a ravagé l'Irlande en 1847 suite à la maladie de la pomme de terre et l’émigration massive qui en a suivi.
Les Etats-Unis ayant durci leur politique d’asile, c'est vers le Canada, plus précisément vers le Québec que 100.000 Irlandais s'en sont allés sur des bateaux de fortune.
La moitié mourait en chemin et les autres arrivaient malades, atteints du typhus, dysenterie et autres fièvres sur les rives du Saint-Laurent. Les autorités canadiennes débordées n'étaient pas en mesure d'accueillir tous ces malades qu’elles laissaient "agoniser" sur l’Ile Saint-Louis où ils étaient mis en quarantaine, soignés sommairement par des bénévoles, bonnes sœurs, infirmières, et quelques médecins courageux qui manquaient de tout… Les soignants, contaminés par les malades, décédaient comme les autres, atteints de cette fièvre dont on guérissait rarement.
La contagion se mit à décimer les Canadiens eux-mêmes.
De cette trame historique, l'auteur brode un roman, une histoire d'amour non déclaré entre un jeune médecin canadien, Laughlin, qui s'en va soigner les mourants pour se valoriser aux yeux de son amour de jeunesse, Susannah, qui a épousé un journaliste engagé qui parcourt le monde pour l'alerter sur cette situation désespérée.
Cette fièvre que le jeune médecin dégage pour soigner les fiévreux le conduira à sa perte et le détruira : « Quelle était cette ombre qui s’étendait maintenant sur lui et sur tous les autres ? Il huma son propre corps, il avait une légère érection. Au-delà du petit espace qui le confinait, il eut conscience d'un vaste espace résonnant. D’autres êtres s'y retournaient, murmuraient, tiraient comme lui sur les couvertures ; il avait beau savoir que ce faisaient ses mains, il ne les contrôlait plus du tout. Ces êtres rêvaient comme lui. Comptez-moi ! pensa-t-il, se rappelant une phrase qu’il avait autrefois dite sous le coup de la colère à quelqu'un dont il ne se souvenait plus. Comptez-moi, comptez-les, comptez-nous ».
Il n’était plus qu’un mort anonyme repris dans les statistiques.
L'auteure s'est fortement documentée sur le sujet, les remerciements en fin de livre en témoignent.
Grâce à son roman dans lequel elle a glissé quelques histoires individuelles issues de son imagination, comme les rencontres du jeune docteur avec son amour de jeunesse, Susannah, comme le sauvetage in extremis de la jeune Irlandaise, Nora, qui servira de fil conducteur pour poursuivre le récit à la mort du médecin, l’auteur nous permet de prendre connaissance sous forme romancée d'une partie de la terrible vérité sur cette famine éminemment "politique" qui a frappé l'Irlande aux alentours de 1850.