Respire de Tim Winton
(Breath)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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A couper le souffle…
Loonie et Bruce sont deux gamins au début de l’histoire que rien ne lie à part leur passion pour l’océan qui se transforme très vite en addiction.
« Pendant toutes ces années où Loonie et moi on a surfé ensemble, après avoir chopé le virus ce premier matin-là à la Pointe, jamais on a évoqué cette histoire de beauté. On était potes mais y avait des territoires où nos conversations pouvaient tout simplement pas aller. Y a jamais eu le moindre doute entre nous quant au frisson primordial procuré par le surf, la formidable accélération du corps qu’on sentait au moment de l’envol sur les déferlements de lame, le vent dans les oreilles. On savait pas ce qu’étaient les endorphines alors, mais on a vite compris ce que cette sensation avait de narcotique, et le degré d’accoutumance qu’elle entraina ; dès le premier jour, j’ai été défoncé rien que de regarder. On parlait adresse, courage, chance – on partageait tout ça, et bientôt, on a surfé pour tromper la mort – mais pour moi, y avait toujours la sensation hors la loi d’accomplir quelque chose de gracieux, comme si danser sur l’eau était ce qu’un homme pouvait faire de mieux et de plus courageux ».
Ils vont très vite rencontrer un homme plus âgé qui sera leur guide dans ce milieu. Ce personnage lunatique mais tellement intriguant deviendra la pierre angulaire de ce trio insolite.
Mais l’histoire va beaucoup plus loin qu’une simple histoire de passion sportive. L’image que reflète ce trio téméraire n’a rien à voir avec l’image que l’on a habituellement des surfeurs australiens, attirés par le style, les fringues tendances, l’admiration des filles sur la plage. Ici, le courant de l’océan c’est aussi le courant de la vie, celui qui nous emporte parfois trop loin, trop fort, mais qui nous permet aussi de rejoindre la rive, sain et sauf, endurcit. Les vagues de l’océan sont aussi imprévisibles que les vagues de l’âme, surtout durant cette période cruciale de l’adolescence.
Le style de Tim Winton est un exemple de pureté et de sobriété, à la limite parfois de nous troubler profondément. En mettant le narrateur dans la peau de Bruce, tout semble vécu, sincère, et donc émouvant. La syntaxe est parfois maladroite, volontairement bien sur, les négations sont souvent oubliées, les dialogues ne sont pas rédigés de manière rigoureuse, mais on sent bien qu’on est bien loin de l’effet de style de l’écrivain pour sortir du lot. C’est juste l’expression qui convenait parfaitement à l’histoire. Cette simplicité apparente de l’écriture de Tim Winton ne l’empêche pas de nous livrer des passages d’une très grande sensibilité.
Le fil de conducteur de ce livre est peut-être la respiration, ce mécanisme naturel et universel qui nous maintient tous en vie et nous permet aussi de friser avec la mort. Du premier chapitre, où un jeune meurt d’asphyxie, au dernier, où tout le monde a grandit, ce mécanisme physiologique est exploité de manière agréable.
« Là maintenant le vent tourbillonne en moi comme un souvenir, une seule respiration, sans interruption, ardente et longue. C’est drôle, mais t’y pense jamais tellement, à ta respiration. Jusqu’à ce qu’elle occupe la moindre de tes pensées. Je revois encore l’expression de surprise sur le visage de mes filles dans les secondes qui ont suivi leur naissance, après qu’on les a aspirées pour les débarrasser de leurs mucosités et forcées à inspirer leur première bouffée d’air. »
Il s’agissait de ma première rencontre avec Tim Winton mais aussi avec le monde du surf. Je ne sais pas laquelle de ces rencontres m’a le plus plu. Ce qui est sûr, c’est que l’addition de ces deux découvertes a rendu cette lecture d’une densité rare.
Les éditions
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Respire [Texte imprimé] Tim Winton traduit de l'anglais (Australie) par Nadine Gassié
de Winton, Tim Gassie, Nadine (Traducteur)
Payot & Rivages
ISBN : 9782743619145 ; 18,69 € ; 15/04/2009 ; 221 p. ; Broché
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