La guerre sans l'aimer: Journal d'un écrivain au coeur du printemps libyen de Bernard-Henri Lévy

La guerre sans l'aimer: Journal d'un écrivain au coeur du printemps libyen de Bernard-Henri Lévy

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Nothingman, le 2 janvier 2012 (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 255ème position).
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Les coulisses d'un conflit

Pendant deux cents jours, de Benghazi à Tripoli, en passant par les ors de l’Elysée, New-York ou Israël, des fronts de la Libye libre aux quartiers généraux de la diplomatie occidentale, Bernard-Henri Lévy aura été le témoin privilégié et en plusieurs occasions, l’acteur d’un épisode marquant du Printemps arabe. De cette période cruciale, il a tout consigné dans des carnets au jour le jour. Ce journal donne à voir les coulisses de cette révolution, au travers de portraits, d’anecdotes, considérations philosophiques, moments vécus sur le front et non parfois sans une touche d’humour.
Alors, le rôle joué par Bernard-Henri Levy sur le front libyen était-il de l’opportunisme ou de l’héroïsme ? : chacun se fera sa réponse mais il conviendrait peut-être avant de se faire une opinion de lire ces six cents pages très intéressantes sur un conflit finalement un peu sombre. Ce journal livre les clés d’un conflit et d’un homme.
Ce journal foisonnant pose premièrement la question de l’engagement. Dès les premières pages, on ne peut que s’interroger sur ce qui motive l’engagement de ce philosophe. Etait-ce pour lui l’occasion de redorer son blason après quelques approximations ? Et pour le président Sarkozy, qu’il a réussi à convaincre, n’y avait-il pas là aussi un enjeu électoraliste ? On peut évidemment se poser la question à la lecture de la première moitié du livre qui raconte la création de cette alliance improbable et temporaire entre le philosophe et le président. Ce livre ne cache rien et notamment des doutes de l’auteur sur ce qu’il est en train d’entreprendre.
"Et puis une information, enfin, sur ces amis que je me suis donnés - une information sur ces Libyens dont j'ai embrassé la cause avec tant d'enthousiasme ; éclairés, bien sûr ; merveilleux ; mais autant que je le voudrais ? N'ai-je pas, une fois n'est pas coutume, pris mes désirs pour des réalités ? N'ai-je pas sous-estimé le reste, dans les têtes, des décennies de bourrage de crâne Kadhafiste ? Ou aurais-je (mais cela revient au même) surestimé ma propre capacité de forçage, de défi à l'ordre des choses - cette ubris que me reprochait Lanzmann et qui, après m'avoir conduit à forcer les chancelleries, précéder les états-majors, défier les lois de la gravité politique et géopolitique aurait nourri l'illusion de forcer les inconscients ?"
Bernard-Henri Levy joue carte sur table, dévoile ses craintes, ses doutes. Et si ? Et si ? Pour lui, il s’agit d’agir avant tout, d’utiliser ce droit d’ingérence qu’il regrette ne pas avoir vu utiliser en Bosnie, un autre conflit dans lequel il s’est engagé. Il s’agit de rendre la liberté à un pays. Et de s’interroger à la fin, quand il voit que le Conseil national de transition, choisit la charia comme source de loi de la nouvelle Libye.
« Pour eux, pour nous, cette guerre de Libye sera nécessairement un tournant – un coin fiché dans l’idéologie de granit du djihadisme ; une défaite pour la doctrine dite du clash des civilisations,…, et l’amorce d’un dialogue possible avec, pour peu qu’elle renoncent à la politique du crime, les franges les plus radicales du monde arabo-musulman. C’est une intuition. »
Ce livre vaut aussi et surtout par ce qu’il dévoile des mécanismes des guerres d’aujourd’hui. C’est souvent surprenant. Notamment ce passage où BHL promet au CNT qui vient de se créer d’en référer à Nicolas Sarkozy pour qu’il officialise le nouveau gouvernement de transition. Et BHL de joindre l’Elysée en plein milieu du désert, avant de composer la fameuse alliance temporaire. Incroyable aussi le compte rendu de ces réunions à l’Elysée ou dans les grands hôtels avec les différents acteurs du conflit. Incroyable de voir les enjeux vu des coulisses. Ce qui s’y joue, ce qui s’y trame. Là aussi Bernard-Henri Levy fait œuvre de sincérité.
Alors à la sortie de ce document, on peut rester sur sa position et trouver l’homme décidément trop narcissique, mais force est de reconnaître qu’à travers ces pages, il ne cache rien, quitte parfois à avoir l’air du naïf de service. C’est une lecture à recommander pour tout qui s’intéresse à cette actualité.

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Les éditions

  • La guerre sans l'aimer [Texte imprimé], journal d'un écrivain au coeur du printemps libyen Bernard-Henri Lévy
    de Lévy, Bernard-Henri
    B. Grasset
    ISBN : 9782246790846 ; 7,00 € ; 09/11/2011 ; 648 p. ; Broché
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9 étoiles

Critique de Shelton (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans) - 8 août 2015

A la suite des différents attentats et en particulier celui de Tunisie, un journaliste s’est permis de façon éditoriale d’affirmer que BHL était responsable de cette situation ! Oui, il est l’homme par qui le scandale est arrivé, qui a causé la chute de Kadhafi et qui a encouragé le terrorisme en Libye et au Maghreb…

Du coup, je me suis précipité dans ma bibliothèque, j’ai attrapé l’ouvrage La guerre sans l’aimer, celui que BHL a sous-titré Journal d’un écrivain au cœur du printemps libyen. C’est un texte que BHL a tenu au quotidien ou presque durant cette période de crise, une version qu’il n’a pas retouchée pour lui laisser sa force et sa vérité. Il a voulu nous offrir un document historique, un témoignage entier, et c’est la première force de ce livre assez volumineux…

Tout est né le jour où BHL, en reportage au Caire, voit des images à la télévision, des images terribles : des avions de chasses libyens piquent sur une manifestation populaire et ouvrent le feu sur la foule ! Insupportable pour lui ! Comment accepter une telle agression contre le peuple. BHL estime instantanément qu’il faut quitter l’Egypte et se précipiter dans le pays voisin, la Libye. Il pense qu’il faut témoigner de ce qui se passe là-bas même s’il n’est pas habité, à ce moment-là, d’une véritable envie de faire chuter Kadhafi, le dictateur dont la raison chancelle déjà depuis quelques années…

BHL va alors non seulement se déplacer en Libye mais aussi contacter un grand nombre d’experts, de politiques, de journalistes, de diplomates pour obtenir, en fin de compte, une véritable intervention militaire. Depuis des années, il développait l’idée du droit, que dis-je, du devoir d’intervention. Le monde savait et n’avait rien su faire à partir de 1942, aujourd’hui, plus jamais ça !

Mais, attention, c’est très clair dans son livre, il sait que l’intervention militaire ne réglera pas tout, ne va pas donner des solutions pacifiques et démocratiques pour le peuple libyen. Il veut que la première étape soit mise en place, à savoir, le départ immédiat du pouvoir de ce dictateur sanguinaire, Kadhafi. Pour le reste il a compris qu’il n’y avait pas une véritable opposition structurée, il se doute que les fondamentalistes ont d’autres plans en tête, il mesure qu’un certain nombre de pays lorgnent sur les richesses naturelles de la Libye, bref, il n’est pas naïf du tout. De tous les maux, il a choisi d’en éradiquer un, le dictateur !

Alors, bien sûr, on peut lui reprocher, maintenant, après coup, une fois que l’histoire s’est déroulée, de ne pas avoir choisi la meilleure solution, d’avoir favorisé l’essor des islamistes, d’avoir fait preuve de légèreté dans des dossiers qui le dépassaient, d’être responsable, pour une part, comme le disait ce journalisme, du terrorisme en Tunisie… On peut le faire car avec des si et des mais on est bien capable de tout dire et son contraire… Seulement, voilà, est-ce raisonnable et crédible de fonctionner ainsi ? Et, pour prolonger le raisonnement de BHL, fallait-il laisser les avions de chasse de Kadhafi effectuer un deuxième, un troisième, un quatrième passage…

Je ne sais pas quelle est la bonne réponse mais ce que je sais tient en quelques mots : BHL a été courageux, il a osé, il a décrit avec talent littéraire toute cette période critique et complexe, et, un dictateur a disparu ! A ce titre, on mesure la difficulté à agir fortement dans l’histoire immédiate comme aurait dit l’historien Pierre Nora, et je ne sais pas qui aurait eu les tripes de faire mieux que BHL…

Pour vous faire votre propre idée, n’hésitez pas, dès cet été, à lire La guerre sans l’aimer...

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