La P... Respectueuse, suivi de Morts sans sépulture
de Jean-Paul Sartre

critiqué par Pucksimberg, le 4 janvier 2012
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
"Morts sans sépulture", une pièce géniale !
"La P. respectueuse" met en scène une prostituée qui se trouve au centre d'une affaire judiciaire malhonnête dans une ville américaine du Sud. Elle doit faire une déclaration dans laquelle un personnage noir aurait tenté de la violer, ce qui n'est évidemment que pure invention ! Pire encore, ce faux témoignage ne serait là que pour masquer les troubles agissements de la famille du Sénateur, plus précisément d'un neveu douteux ... Ce pauvre homme noir se sent poursuivi par la police et ce qui est tragique est qu'il sait qu'il ne peut rien faire pour échapper à sa condition. Cette pièce se lit rapidement comme l'on verrait un vieux film en noir et blanc à suspense. La prostituée Lizzie, Fred le fidèle client, le pauvre noir, tous ces personnages reflètent parfaitement ce cinéma américain et ses préoccupations ( racisme, corruption ... ). Une pièce à découvrir. ( 4/5 )

"Morts sans sépulture" est un chef-d'oeuvre ! C'est sans doute la pièce de théâtre de Sartre que j'ai le plus lu ! Elle est intelligemment construite, pose les bonnes questions et s'avère violente. Je pense que les metteurs en scène doivent rencontrer de grandes difficultés pour la faire jouer ...
Dans cette pièce, des résistants sont prisonniers de collaborateurs et vont subir des interrogatoires musclés. Tout ceci se déroule dans une école, lieu symbolique où l'on éduque et forme de parfaits citoyens. Canoris, le grec, Sorbier, François, Henri et Lucie sont donc les prisonniers de Pèlerin, Clochet et Landrieu. Certaines scènes et certaines idées peuvent heurter le lecteur ( évocation d'un viol, tortures physiques et morales explicites ... ), mais la dénonciation que fait Sartre n'est que plus percutante.
Cette pièce interroge sur l'engagement et sur la noblesse d'un combat. Doit-on sacrifier tout pour une cause ? Jusqu'où peut-on aller pour que notre combat soit utile ? Peut-on aller jusqu'à tuer un membre de sa famille, de surcroît un adolescent, si l'on veut remporter la victoire ?
A la lecture de cette pièce, on en vient même à se demander ce qui définit l'être humain. On en vient à penser que nous sommes une énième espèce animale où toute humanité disparaît au profit d'Idées, certes nobles, mais qui restent des idées. La torture est quasiment vue comme un jeu, une banalité. Les collaborateurs en viennent à se lasser de la torture, à plaisanter, à faire la comédie ...

Le New York Times a défini cette pièce comme étant "un examen glacial des limites auxquelles la liberté de choix peut être confrontée". Une pièce bouleversante et qui tient le lecteur en haleine pour mieux le choquer. Quelle fin ! ( 5/5 )
Une relecture circonstanciée 8 étoiles

Non, ces Noirs n’ont pas violé Lizzie. Voilà la vérité :

« Les deux nègres se tenaient tranquilles et parlaient entre eux ; ils ne m’ont même pas regardée. Après, quatre blancs sont montés et il y a deux qui m’ont serrée de près. Ils étaient soûls. Ils ont dit que cela sentait le nègre et ils ont voulu jeter les noirs par la portière. Les autres se sont défendus comme ils ont pu ; à la fin, un blanc a reçu un coup de poing sur l’œil ; c’est là qu’il a sorti son révolver et qu’il a tiré. C’est tout. L’autre nègre a sauté du train comme on arrivait en gare. »
Pour moi, une relecture circonstanciée à quelques heures de la fin du procès où ce policier blanc a été reconnu coupable du meurtre de George Floyd.

Catinus - Liège - 73 ans - 22 avril 2021


L'enfer, c'est les autres 8 étoiles

Comme j'ai pu le dire pour Huis Clos/Les Mouches, je ne sais pas ce que vaut le Sartre romancier ou philosophe mais comme auteur de théâtre, j'adore.

La P...respectueuse et Morts sans sépulture sont deux pièces écrites par Sartre au sortir de la seconde guerre mondiale. Deux pièces qui en portent les stigmates. Surtout la deuxième en fait.

La P...respectueuse nous place dans l’Amérique des années 50. En pleine ségrégation raciale, un sénateur demande à une prostituée de faire un faux témoignage pour innocenter le cousin d'un client. Une prostituée, qualifiée de "putain à dix dollars", ne valant visiblement pas mieux qu'un noir.

La pièce est assez courte, quatre-vingt pages, et elle se lit rapidement.

Morts sans sépulture nous ramène en France. Pendant la seconde guerre mondiale où un groupe de résistants sont interrogés par des collabos qui leur demandent de leur dire où se trouve leur chef. Lutter contre la torture et l'humiliation de la torture, la peur. Tout raconter ou se taire en espérant que l'Histoire se rappellera des coupables. Le récit est très sombre et se finit mal. Peut-être pour ça que la pièce est mal connue.

Incertitudes - - 40 ans - 2 mai 2015