Une belle "amitié" dans une Italie décadente.

Ulysse est un écrivain peu inspiré qui se contente de lire des manuscrits pour une maison d'édition. Il est chargé de trouver la pépite d'or qui saura redorer le blason de la maison Forge dirigée par Vulcain, à défaut de ne pouvoir lui-même rédiger un chef-d'oeuvre. Heureusement que Pilar est là, belle latino aimée d'Ulysse. Cette femme plantureuse a de nombreux prétendants, mais Ulysse veille sur sa Pénélope. De plus, Pilar doit affronter les dures lois italiennes qui voient d'un mauvais oeil cette immigrée sans papier.
Un mail va bouleverser à jamais l'existence d'Ulysse. Achille en est l'expéditeur. Oui, toute la mythologie romaine est revisitée dans ce roman de Benni ! Dans son message, il exprime son souhait de rencontrer Ulysse. Ce dernier, piqué par la curiosité, accepte. Achille n'est pas le valeureux héros que nous connaissons, mais un homme au physique monstrueux prisonnier d'un fauteuil roulant. A partir de cet instant, la vie d'Ulysse, celle d'Achille et celle de Pilar ne seront plus les mêmes. Achille est cynique, sauvage parfois, choquant et dérangeant souvent, mais profondément humain et intelligent. La vie, il ne la connaît pas puisqu'il est plongé dans sa chambre obscure. L'amour, il l'imagine. Son rapport à l'autre est fait de maladresse et de violence. Il sera pourtant le rédacteur de l'existence d'Achille qui verra son histoire transposée dans la prose de cet auteur en herbe.

Le roman est vraiment saisissant, l'imagination de Benni est débordante et la structure de cette oeuvre dynamise le tout. C'est sans doute son humour qui frappe dès les premières pages, même si par la suite l'humour sera plus discret que dans ses autres romans ( comme "Margherita Dolcevita" par exemple ). Cette amitié sera dérangeante par les conversations qu'auront les deux individus, par la dureté des propos d'Achille, par le dévouement extrême d'Ulysse et sans doute aussi par leurs discussions sur la sexualité. J'ai ressenti un certain malaise parfois, pourtant c'est bien une analyse de l'humain que nous lisons. Voir la vérité en face peut déranger.
Benni alterne les passages où Ulysse fréquente le monde de l'édition, flirte avec la sensuelle secrétaire Circé, fait de nombreux rêves fantasques, combat pour garde sa Pilar et dialogue avec Achille. On ne s'ennuie pas une seule seconde.

J'aime la langue de Benni, le texte est très travaillé, chaque mot a sa place et son humour repose principalement sur le choix du vocabulaire. De plus, ce roman pose de vrais problèmes et une véritable analyse de l'Italie contemporaine : mafia, Berlusconi et ses scandales, vagues de licenciements, méfiance vis-à-vis des immigrés, crise des maisons d'édition ...
A cette satire de la société, s'ajoute une réflexion sur la littérature. ( création, inspiration, découragement des écrivains ... ). Achille et Ulysse ne seraient-ils pas le même être ? L'un ne serait-il pas le monstre enfoui dans l'autre ? N'est-ce pas une métaphore de la maturation des idées ?
Le dernier élément qui rend ce roman louable est la réécriture des mythes. Les plus grands sont là : Achille, Ulysse, Pénélope, Thétis, Circé, Briséis, Phébus, Vulcain ... Cette nouvelle version des mythes rappelle peut-être la noblesse culturelle de l'Italie antique en totale opposition avec l'Italie dirigée par Berlusconi.

Un roman baroque, imparfait comme une perle, mais d'une sacrée richesse !

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  Achille au pied léger [Texte imprimé], roman Stefano Benni traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli

  de Benni, Stefano Pozzoli, Marguerite (Traducteur)
  Actes Sud / Babel (Arles).
  ISBN : 9782742780501 ; 7,70 € ; 18/02/2009 ; 276 p. ; Broché

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