Un pour marquer la cadence
de James Crumley

critiqué par Poignant, le 4 février 2012
(Poitiers - 58 ans)


La note:  étoiles
Deux hommes et la guerre
Philippines, 1963, un hôpital militaire américain.
Le sergent Slag Krummel vient d’être évacué du Vietnam, gravement blessé.
Atteint d’un syndrome de stress post-traumatique, il agresse le personnel soignant, puis va progressivement se remémorer tout ce qui a abouti à sa blessure.

Eté 62, Krummel s’est réengagé dans l’armée pour trois ans. Dur à cuire, mais universitaire, il arrive dans sa nouvelle affectation aux Philippines, au 721ème détachement de transmission. Son escouade est composée de dix fortes têtes, unies par le goût de la fête et des femmes.
Une personnalité se détache du lot : Joe Morning. Allergique à l’autorité, gauchiste et provocateur, instable et fantasque, Morning devient progressivement l’ami de son sergent et la bête noire du lieutenant Dottlinger, buté et psychorigide.
L’ambiance est virile et fraternelle, genre « Les têtes brulées ». Dans un décor paradisiaque et misérable, loin de leur pays, frustrés par l’autorité militaire et une vie routinière, les hommes de Krummel finissent par se vautrer à chaque permission dans l’alcool, les prostituées, la crasse et le vomi. Jusqu’à leur départ pour le Vietnam afin d’installer une base de télécommunications…

Ce roman, écrit en 1967, publié en 1969, est le premier de James Crumley, grand écrivain de l’école du Montana et ancien militaire. Mais c’est aussi à ma connaissance le premier récit qui dépeint de l’intérieur l’armée US du Vietnam, sans sombrer dans la propagande officielle de l’époque genre « Les bérets verts ».
Précurseur de toute une culture américaine surtout cinématographique (Apocalypse now, Voyage au bout de l’enfer, Full metal jacket, Platoon…) cette histoire de guerre, d’amitié et de folie n’a été traduite en français qu’en 1992, ce qui explique sa faible notoriété.
L’écriture est puissante avec pour summum l’impressionnante intensité de l’épisode de l’attaque Viêt-Cong. L’ambiance sombre, lourde et moite, mêle l’ironie, l’émotion et l’absurde.
Cette œuvre forte et trop méconnue est à découvrir absolument. A lire et à faire lire.