Issu d’un métissage blanc et mohawk, Marc S. Morris cherche sa voie dans une Amérique qui le déçoit tant. Sans cesse éperonné par ses pensées identitaires, il mène, pendant dix ans, une quête épuisante, qui le décide à rendre l’âme. Son acte manqué l’oblige à s’accrocher à l’amour.
Quête amoureuse, précédée d’une quête spirituelle menée au séminaire de Montréal afin de se consacrer à la prêtrise sous le patronage d’un évêque avec lequel il entretient des liens amoureux. Avoir la foi du charbonnier, en l’occurrence du braconnier, mettrait fin à ses tourments. C’est ce qu’il croit. Le chasseur en lui l’amène ailleurs « pour ne pas tuer des hommes ». La chair des caribous (rennes) et des canards mijotera dans les chaudrons du restaurant qu’il ouvre pour subvenir aux besoins de sa femme et de sa fille. La cynégétique sert d’ailleurs de toile de fond à ce roman instructif sur l’art de dépecer le gibier et de l’apprêter. Quel délice que « les tripes de chevreuil mijotées avec des bébés choux de Bruxelles à la menthe » !
Homme entier, il répond à ses impulsions primaires, qui le conduisent aux quatre coins de l’Amérique. Road novel qui s’effectue au rythme de la musique de Cohen et de réminiscences littéraires. Cette course calme sa conscience devant le combat de la vie qu’on ne peut livrer sans aimer. Aimer une femme « comme une prière qui se serait réalisée. ». Aimer pour éviter d’être le fruit replet d’un continent corrompu. En somme, le héros veut se construire un pont entre son monde intérieur et son américanité. Comme Joe Dassin il veut l’Amérique, mais une Amérique débarrassée de sa crasse.
Ce discours, lyrique, est frappé à l’effigie de la testostérone. Sans la puissance évocatrice d’une langue crue et d’une écriture vive, le roman serait un buffet gargantuesque. Mais il gagne en crédibilité à cause de la révolte authentique d’un homme conscientisé, qui développe sa résilience parce qu’il a entrevu la beauté du monde à travers une toile de Titien.
Libris québécis - Montréal - 83 ans - 10 février 2012 |