Les révoltés de Cordoue
de Ildefonso Falcones

critiqué par Pascale Ew., le 15 février 2012
( - 57 ans)


La note:  étoiles
La foi, sinon rien
Ildefonso Falcones entreprend de raconter les dernières années des Maures dans le sud de l’Espagne à la fin du XVIème - début du XVIIème siècle. Pour ce faire, il nous fait suivre la vie de Hernando Ruiz ou Hamid Ibn Hamid, fils d’une Maure, Aïsha, et du prêtre qui l’a violée. Toute sa vie, Hernando va tour à tour pâtir et parfois profiter de cette double origine. Mais une fois adulte, il choisit clairement son camp : celui des défenseurs de la ‘vraie foi’ musulmane, même s’il est contraint de simuler la conversion et l’adhésion à la foi catholique. Son père muletier le hait et sa famille doit fuir son village après la révolte des Maures, qui finit par leur débandade et leur défaite. S’ensuit une répression féroce : les Maures sont forcés de se convertir, perdent leurs biens, se retrouvent pour bon nombre d’entre eux esclaves, séparés de leurs enfants toujours dans l’optique que ces derniers soient mieux convertis alors qu’en réalité, ils sont vendus également comme esclaves. Hernando perd donc ses demi-frères et demi-sœurs dans la tourmente. Mais il rencontre Fatima, une toute jeune veuve, avec son nouveau-né dans les bras, et il en tombe amoureux. Hélas, son beau-père fera tout pour empêcher leur amour.
En 1610, après quatre siècles, les Maures sont tous définitivement chassés de l’Espagne. Des dizaines de milliers mourront lors de cette tragédie, dont beaucoup tués par leurs ‘frères’ arabes qui les considèrent comme des apostats.
Ce livre est vraiment très long ! Il est intéressant et le lecteur comprend bien la tragédie qu’ont vécu ces Maures, point de vue inhabituel pour nous Occidentaux. Mais la vie de Hernando manque de liaisons, de suspense. J’ai été surprise de voir certains personnages ‘abandonnés’ sur le carreau : c’est très inhabituel pour un roman. Par exemple, les demi-sœurs de Hernando qui se perdent dans la nature sans qu’on connaisse leur sort avec certitude. De même, pour ses demi-frères, pour une maîtresse catholique, etc. Le lecteur croit qu’il va les retrouver à un moment ou un autre, mais il n’en est rien. D’autre part, j’ai dû relire pas mal de phrases pour les comprendre et je trouve que la traduction n’est pas toujours très claire.
Frères humains... 10 étoiles

Le souffle historique ne manque pas dans cette imposante fresque de L’Espagne du 16e siècle qui nous fait parcourir des sentiers inconnus, vibrer d’indignation tant vis-à-vis des maures que des chrétiens dont le seul horizon était le butin, les femmes et les esclaves. Un seul s’écarte du contexte de carnages à répétions, de luttes fratricides qui étouffent l’Espagne,(« frères humains… »):c’est un humaniste de foi musulmane qui dénonce la violence. Ce personnage fascinant cherche à réconcilier les extrêmes, poursuit un rêve pacifique, fait vibrer la prière, explore la méditation et découvre la bonne distance. Habité par une vision, il utilise le verbe, l’écriture, la bibliothèque pour bannir le sabre. En même temps il est guidé par l’amour d’une femme fine et intelligente.

La construction du récit est lumineuse et s’articule comme une cathédrale. La façon de conter ravit autant que lorsque, enfant, on lisait les Alexandre Dumas. C’est tout dire. On voyage dans le temps, on visite une Espagne bruyante, religieuse, envoûtante. La langue est belle, sans souffrir de la traduction.Les descriptions suaves ou fracassantes. L’histoire retient autant l'attention pour les informations qu'elle renferme que par le style qui la porte. Une fine analyse des mentalités de l’époque, images piquantes, rythme haletant, prouesses en tout genre, personnages passionnants, aventures débridées, tout y est. L’imaginaire au pouvoir. Le pouvoir aux mots. Un souffle d’espoir ?

Il y avait longtemps qu’un ouvrage aussi imposant avait réussi à me passionner d’un bout à l’autre… sans presque respirer ! A lire jusqu’à ce que le souffle vous manque !

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 24 août 2012