Pol Pot. Le bourreau du Cambodge
de Paul Dreyfus

critiqué par Dirlandaise, le 16 février 2012
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Un régime démentiel
Difficile de rédiger la biographie de cet homme mystérieux qu’était Saloth Sar alias Pol Pot. Va pour son enfance et ses études mais au cours de sa vie d’adulte, il s’est caché la plupart du temps au fin fond de la jungle cambodgienne sans aucun contact avec le monde extérieur ou presque. Personne ne peut savoir de quoi étaient faites ses journées au cours de cette période avant la prise de pouvoir du pays par les Khmers rouges.

Paul Dreyfus est né en 1923. Licencié ès lettres et diplômé d’études supérieures, il a été grand reporter et a voyagé à travers le monde. Il s’est rendu à quelques reprises au Cambodge et a pu constater de visu les dégâts causés au pays et à sa population par le régime démentiel de Pol Pot.

La biographie est construite comme toutes les biographies et retrace l’enfance et les études de Saloth Sar. C’est lors de son séjour à Paris que le jeune homme développera un engouement pour le communisme. Il sera fortement influencé par Mao et s’inspirera de ses méthodes qu’il appliquera au Cambodge entre autres l’évacuation de la population des villes vers les campagnes et la création de camps de travail pour tous. Pol Pot devra attendre près de vingt ans caché au fond de la jungle avant d’accéder au pouvoir. Durant son cours règne, il fera périr près du tiers de la population cambodgienne et sera l’instigateur du pire génocide de l’histoire avant que les Vietnamiens de finissent par le déloger, lui et sa bande de fanatiques Khmers rouges. Jamais Pol Pot n’a payé pour ses crimes. Il a coulé le reste de sa vie en exil ou bien encore caché au fond de la jungle à ruminer la façon de reprendre le contrôle du pays.

Je cherchais un livre qui me renseigne sur l’histoire du Cambodge et Paul Dreyfus a comblé toutes mes attentes. Sur un ton intimiste et parfois légèrement moqueur, il déroule l’histoire effroyable du dictateur d’une façon claire et accessible à tout lecteur qui désire en savoir plus sur le sujet. Mais il délaisse souvent la vie privée du monstre pour privilégier les événements dramatiques survenus à cette époque troublée et confuse. Fort bien documenté, son récit est absolument captivant. Il débute à l’époque du protectorat français instauré en 1863 à la demande du roi Norodom premier pour poursuivre avec l’accession au trône de Norodom Sihanouk et de la naissance du nationalisme khmer en 1942 suivi de l’indépendance du Cambodge en 1945. Enfin, tout y passe mais l’histoire s’arrête en 2000, date de parution du volume.

J’ai noté beaucoup de livres cités par Paul Dreyfus notamment « Jaraï » de Loup Durand, « Cambodge année zéro » de François Ponchaud, « Au-delà du ciel : cinq ans chez les Khmers rouges » de Laurence Pick, « Prisonnier des Khmers rouges » de Norodom Sihanouk et aussi le film à voir « La déchirure » de Roland Joffre.

Ce livre a comblé toutes mes attentes et je remercie l’auteur pour son érudition, son humanité et pour son incroyable travail de recherches. Tout cela m’a permis de mieux comprendre l’histoire de ce beau pays ravagé par la guerre mais comme l’auteur l’écrit en fin de volume dans son dernier chapitre intitulé « Pourquoi, mais enfin, pourquoi ? » arrivera-t-on jamais un jour à comprendre les motivations profondes qui ont amené un homme à détruire son pays tout en proclamant ne vouloir que le bien-être et le bonheur de sa population ?

« Dans chaque village, il y avait des soldats en armes. Nous qui avions connu, avant la guerre, les villages cambodgiens si accueillants, si ouverts, si hospitaliers, nous nous disions : « C’est bien fini. » Que leur était-il donc arrivé à tous ces enfants, si rieurs, si joueurs ? Ils ne nous regardaient même plus. Sans doute, pensaient-ils, au fond d’eux-mêmes : « Qu’est-ce qu’on va me faire, si je dis bonjour à un Français ? » Aussi ne nous saluaient-ils que s’ils étaient sûrs qu’on ne pouvait pas les voir. Le Cambodge était désormais tout entier devenu, en l’espace de quelques jours, un pays en garde à vue… » Jacques Engelmann, prêtre.