Le choix d'Ivana
de Tito

critiqué par Shelton, le 20 février 2012
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Du Tito, mais pas du Tendre Banlieue !
Et nous voici en présence d’un album signé Tito qui en surprendra plus d’un. Pas par la qualité, présente ou absence, mais tout simplement parce que cet auteur nous a habitué à travailler surtout en série, Tendre Banlieue en particulier, alors que cette fois-ci, le voilà sur un one shot.

Le second point à préciser tout de suite est dans le thème et le public visé. Oui, avec Tendre Banlieue, Tito s’adresse à un public visé et ciblé, qu’il connaît bien et qui l’a suivi dans ses prépublications dans Okapi. Cette fois les sujets abordés vont chasser – si on peut s’exprimer ainsi – les plus jeunes lecteurs pour un public plus lycée et adulte. On va parler guerre, atrocité, sentiment maternel, famille, fidélité à sa parole, à ce que l’on est… Oui, Tito s’attaque à des aspects de la vie humaine probablement plus délicats à traiter que les soucis de collège… Quoi que…

Nous voici donc en Bosnie Herzégovine, en été 2008, quand on annonce l’arrestation d’un certain Radovan Karadzic. C’est certain, le tribunal international de La Haye le confirme, il sera jugé pour les crimes commis durant ces conflits de l’ex-Yougoslavie, en particulier ceux qui ravageront Sarajevo, ville où habite Ivana. Quand une telle nouvelle tombe, elle fait beaucoup parler et cela fait remonter des souvenirs en tête, cela replonge les habitants dans certaines horreurs vécues et on a l’impression qu’il a de grandes souffrances qui reviennent habiter les femmes et les hommes de la ville qui ont déjà tant souffert…

Ivana vit avec sa grand-mère suite à un drame dont on ne sait pas tout et qui se précisera au fur et à mesure. A l’occasion de cette arrestation, de ce procès qui se prépare, elle décide de se lancer dans une quête périlleuse dont je ne vais pas vous parler en détail car l’auteur ne va en révéler les différents éléments que progressivement…

Cet album va porter une qualité et sera affaibli, du moins à mon avis, par un défaut. La qualité est de donner finalement à un très large public une réflexion sur ce qu’une guerre civile peut provoquer dans une population, dans une ville, dans un quartier, dans une famille, dans une vie humaine. C’est une très bonne chose car trop souvent ces guerres ne font que l’objet que de quelques minutes dans les journaux télévisés sans que le public puisse en mesurer toute la gravité. Là, ce sera chose faite avec le destin de cette Ivana et de ses proches, entre autre une certaine Youlia…

Mais j’ai dit aussi une faiblesse… oui, je trouve que cet album ne va pas assez loin, qu’il est trop gentil ou modéré sur certains aspects. Un peu comme si Tito n’avait cherché à parler aux adolescents seulement, qu’il n’avait pas voulu s’en éloigner… mais est-ce une lacune ou, au contraire, une force que je n’ai pas su ou voulu lire en croyant qu’il s’agissait seulement d’une bande dessinée adulte sur la guerre ? Là est bien la question concernant cet album…

Après l’avoir relu, je pense donc qu’il s’agit d’une histoire pour lycéens qui trouveront à travers une tranche de vie d’Ivana un tableau assez réaliste de la guerre civile sans pour autant offrir aux lecteurs adultes la bande dessinée sur le sujet qu’ils attendent depuis longtemps mais qui est probablement trop délicate à écrire…

La narration graphique de Tito est toujours aussi centrée sur l’être humain, avec beaucoup de place pour les sentiments, les expressions des visages, les gestes des mains… Précisons bien que ce one shot est en plus très bien construit et utilise avec talent les ellipses. Il donne même une issue d’histoire que chacun interprétera à sa façon, en fonction de sa perception du récit, de la vie…

Une bonne bande dessinée dans la lignée de Tendre Banlieue qui devrait satisfaire tous les inconditionnels de cette série et qui permettra à tous les autres de plonger dans le Sarajevo de la guerre des années quatre-vingt-dix…