Terre et cendres
de Atiq Rahimi

critiqué par Darius, le 18 septembre 2002
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
La guerre a volé leurs larmes...
Grâce à ce petit roman qui conquiert un champ de liberté extraordinaire, l’Afghanistan peut exister avec ses traditions, ses émotions, son histoire violente et ses drames personnels. "Tu sais, père, la douleur, soit elle arrive à fondre et à s'écouler par les yeux, soit elle devient tranchante comme une lame qui jaillit de ta bouche, soit elle se transforme en bombe à l’intérieur, une bombe qui explose un beau jour et te fait exploser".
Voilà ce qu'apprend un vieil homme sur la route qui le conduit à la mine pour annoncer à son fils que les Soviétiques ont bombardé le village, que tous sont morts, à l'exception de lui-même et de son petit fils...
"Et ton chagrin à toi ? S’est-il transformé en larmes ? Non, sinon, tu pleurerais. En poignard ? Tu n’as encore blessé personne. En bombe ? Tu es toujours en vie.
Tu es incapable de décrire ton chagrin : il n’a pas encore pris forme. C'est encore trop tôt. Si seulement, il pouvait se dissiper avant même de prendre forme, disparaître… "
Le petit-fils, avec qui il voyage est devenu sourd depuis le bombardement.
L’auteur nous donne une vision de la surdité racontée par l’enfant qui en est victime. Il s'imagine vivre dans un monde où la guerre a volé les voix de tout le monde. Je ne peux que m’émerveiller devant cette écriture faite de mots aussi simples mais tellement subtils, tellement imaginatifs.
"La bombe était très forte. Elle a tout fait taire. Les tanks ont pris la voix des gens et sont repartis. Ils ont même emporté la voix de grand-père. Grand-père ne peut plus parler, il ne peut plus me gronder." "Les tanks sont venus ici, aussi. Le monsieur de la boutique n’a plus de voix, le gardien n'a plus de voix, Les Russes sont-ils venus prendre les voix de tout le monde ? Que font-ils de toutes ces voix ? "
Grâce à ces quelques extraits choisis, vous aurez compris que ce petit livre est aussi un roman humain et universel.
Admirablement traduit du persan par Sabrina Nouri
J'ai honte devant tant de chagrin offert en partage ... 10 étoiles

Ce roman, ne serait-il pas plutôt un récit, celui du très vieux grand-père afghan, isolé dans son chagrin fou, en charge de son petit-fils devenu sourd à la suite des bombardements russes de son village ?

Accompagné du petit, assiégé d'hallucinations et du remord d'être en vie, le vieillard s'en va sur les routes rendre visite à son fils, mineur de fond, troisième survivant de sa famille.

L'écriture hachée de ce très court roman de 90 p. vous prend à la gorge et le pathétique y est tellement communicatif que l'on a honte d'avoir à donner une cote à cette lecture hors normes ...

Ori - Kraainem - 89 ans - 8 avril 2011


Peu touchée 2 étoiles

J’ai eu beaucoup de difficulté à comprendre les personnages, leurs réactions. Comme l’enfant qui parle de sa famille morte (dont sa mère) en riant. Je ne connais pas son âge, c’est peut-être la raison, mais ça m’a fait décrocher. Je n’ai pas aimé le livre, mais je ne peux pas contester que l’écriture est fluide, même si trop minimaliste à mon goût. Les sentiments sont présents, mais ils sont trop changeants et vont d’un extrême à l’autre. J’ai senti de l’atmosphère, mais j’ai été généralement peu touché.

Nance - - - ans - 22 août 2008


larmes afghanes 8 étoiles

Après le massacre d’une partie de la population d’un village afghan par l’armée russe, un grand-père se met en route avec son petit-fils qui a aussi survécu mais est devenu sourd (alors que l’enfant pense que ce sont les autres qui sont devenus muets, les russes ayant « volé leurs voix »), ceci afin d’annoncer à son propre fils la mort de sa famille. Dans ce voyage très lent, sur une route qui se perd à l’horizon sur des paysages désolés, le vieil homme, qui attend le passage du camion qui le conduira près de son fils, ressasse des questions sans réponses. Il implore surtout le ciel de l’aider, sachant qu’il va « poignarder avec la lame du chagrin son fils Mourad en lui apprenant la mort de sa mère, de sa femme, de son frère et l'infirmité de son fils ». Or, ce fils travaille dans une mine de charbon, apprenant à devenir un prolétaire modèle sur lequel pourra s'appuyer le régime communiste pour fonder l'Afghanistan nouveau…

Dans ce livre rédigé par Atiq Rahimi, jeune afghan exilé en France, tout est dit. Dans un langage épuré et minimaliste. Qui parle de l’Afghanistan et de la guerre, et aussi de la solitude où se murent ses habitants. Qui sait évoquer les regards qui passent sur les ondulations des vallées arides et des routes – et l’attente, implacable, où l’on voit les silhouettes se confondre avec les montagnes, et les rivières prendre feu ; attente où l’on prend conscience qu’on n’a plus le courage de s’excuser, ou même de laisser les larmes couler. Parce que « le chagrin endurcit les hommes », que les questions sans réponses prennent possession des esprits, que « les yeux brûlent d’insomnie », et que le sommeil lui-même n’apporte plus la paix. Alors qu’on aimerait pouvoir « dormir comme un enfant, un nouveau-né » – et surtout, « reprendre la vie au commencement… ».

Durant ce long voyage pendant lequel le temps s’étire, le vieil homme, qui a « vu de visu sa propre mort », mastique longuement son tabac en laissant voguer son esprit, obsédé qu’il est à l’idée de pouvoir trouver les mots justes pour annoncer l’impensable… Pensif, il se dit que « les morts sont peut-être plus heureux que les vivants »… Mais les choses ne sont pas (plus) aussi simples que le naswar qu’on mastique… Et dans ce pays ravagé où les ombres s’étendent et où les soi-disant vérités se contredisent… (manipulations des uns, peur des autres…), l’écriture intime et pudique de ce petit livre dit l’essentiel. Et rappelle, avec pertinence, que la violence peut appeler la violence : «Tu sais, la douleur, soit elle arrive à fondre et à s'écouler par les yeux, soit elle devient tranchante et jaillit de la bouche, soit elle se transforme en bombe à l'intérieur, une bombe qui explose un beau jour et qui te fait exploser.»

Atiq Rahimi est un jeune écrivain-cinéaste (il a adapté l'an passé son livre, et présenté le film au festival de Cannes), qui sait redonner vie à une pensée afghane, à travers les subtilités du dari, la langue persane (ici traduite), langue épurée qui sait si bien exprimer la violence et les émotions de ce pays et de ses habitants meurtris et pourtant si pudiques. Ceci pour lutter contre l’indifférence, à sa manière, parce que « parler, ça ne suffit pas, mon frère, si on ne t’entend pas, ça ne sert à rien, c’est comme des larmes… » - « et puis les hommes n’ont plus de voix, la pierre ne fait plus de bruit… le monde est silencieux ». Et lire aussi ce petit livre peut être une manière de se rappeler juste, parfois, que l’indifférence est une des pires choses dans ce monde.

Paracelse - Paris - 62 ans - 10 mai 2005


Guerre et conséquences... 8 étoiles

Un grand-père attend avec son petit-fils une voiture qui les conduira à la mine où travaille son fils. Seulement, le petit-fils est devenu sourd suite au bombardement du village.


Le grand-père a perdu toute sa famille dans ce bombardement et il va annoncer la nouvelle à son fils.


Un superbe roman sur une des conséquences de la guerre, en l’occurrence celle ayant opposé l’Afghanistan à l’Union Soviétique.

Biblio - - 57 ans - 24 mars 2005