La Confusion des photogéniques
de Anna Fayonna

critiqué par Libris québécis, le 16 mars 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Femmes de riches New Yorkais
Anna Fayonna est une Montréalaise d’origine haïtienne. Ses cinq romans analysent le sort réservé aux femmes. Comptable de métier, elle sait calculer la part qu’on leur consent au-delà de toutes races ou de toutes religions.

Sous un titre inapproprié, La Confusion des photogéniques, l’auteure se penche sur le destin des femmes new yorkaises qui ont épousé de riches hommes d’affaires. Elle s’attache, en particulier, à une Montréalaise d’un milieu modeste, qui tente sa chance en devenant serveuse dans un chic restaurant de la Big Apple, où un millionnaire est séduit par ses charmes. Le coup de foudre est si fort qu’il abandonne sa femme sur-le-champ afin de s’engager avec cette Québécoise beaucoup plus jeune que lui. Leur union saura-t-elle braver les intempéries ? L’intrigue s’amorce rapidement, mais elle se dénoue tout aussi rapidement pour se renouer avec un second mari.

Ce canevas s’enrichit d’une galerie de riches new yorkaises, qui se réunissent chaque semaine pour le lunch. La conversation tourne autour de leur vie maritale. Toutes craignent d’être trompées par un mari amené à voyager pour ses affaires. Une amante l’attend-il dans chaque ville où il s’arrête ? La plupart sont assurées de la solidité de leur amour. Mais ne sait-on jamais. Et quand la vérité éclate, c’est le drame, mais les lits ne se refroidissent pas très longtemps. Ce sont des femmes superficielles, qui n’accordent d’importance qu’à leur apparence. Entre leurs réunions hebdomadaires, c’est la course dans les grands magasins pour mettre leur beauté en évidence.

Le roman ne dénonce pas cette existence vide de sens. C’est plutôt l’idéal proposé : trouver un homme riche tout en se croisant les doigts pour qu’il soit fidèle. L’écriture surannée ne parvient pas à sauver la mise.
La forme ou la substance? 8 étoiles

Sous-jacent à l’histoire des riches New Yorkais et des chasseuses de fortune, La confusion des photogéniques met en question cette culture du superficiel qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde d’aujourd’hui, ce monde où serait bien naïf celui qui se mettrait à croire à tout ce qui s’affiche devant ses yeux. Ce roman est une invitation à aller en coulisse voir ce qui se cache en arrière du grandiose; car sous l’apparence des choses, il y a souvent tout autre chose. Dès la première page, on est confronté à ce côté factice auquel pourrait être soumis un éventuel observateur: de la chambre parfaitement obscure qui pourrait laisser croire qu’il fait nuit, alors qu’en réalité «il fait grand jour» jusqu’à la femme sobrement vêtue de la dernière page… sans oublier la magie de Times Square qui occulte la misère de ceux qui déambulent sur ses trottoirs. Réussir à donner l’illusion de la perfection; c’est ça être photogénique —dans la vie comme dans les portraits.

Quant à la confusion, elle est partout. Et cela se comprend, puisque trop souvent les faits exposés, les beaux discours, les déclarations d’intention ainsi que les images se déroulant devant nos yeux ne sont que des mensonges. Nos émotions, notre jugement et nos comportements sont donc manipulés. Conséquemment, les décisions que nous prenons ne seront que le corollaire d’une vision faussée de la réalité. C’est avant tout ce qui est dénoncé dans ce roman: la primauté du superficiel au détriment du profond, la suprématie de la forme sur la substance. Ce livre pourra ainsi être lu à ces deux niveaux; le message sous-jacent n’est peut être pas vociféré mais il est bel et bien là.

Et pour les chasseuses de fortune: répréhensibles ou pas? Cela dépend. À mon avis, chacun a le droit de chercher à améliorer son sort, dans la mesure où l’on ne cause de tort à personne. Je dirais cependant que lorsqu’une femme se fait partenaire d’un homme déjà marié, elle participe activement à la tromperie de cet homme ainsi qu’à la souffrance causée à une autre femme. Elle devient alors une cruelle prédatrice qui ne vise qu’à se satisfaire, sans égard pour le tourment qu’elle occasionne. (Cela va aussi dans le sens des hommes qui deviennent les amants de femmes déjà mariées). Et à tout ce beau monde, on ne peut enfin que leur souhaiter d’expérimenter un jour le juste retour du balancier.

GraindeSable - - 60 ans - 17 mars 2012