Montréal démasquée (+DVD)
de Jean-Marc Massie

critiqué par Libris québécis, le 19 mars 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Montréal 2012
Pour connaître Montréal, il faut lire les contes de Jean-Marc Massie. Avec lui, la ville bat aux sons des tam-tams du Mont-Royal, tandis qu’avec Fred Pellerin, le Québec bat au rythme du tissage de la ceinture fléchée (ceinturon tressé). Les deux conteurs se complètent. Si le premier jette un coup d’œil vers l’aval, c’est pour mieux décrire l’amont. Quand il raconte la révolte des marins du São Bento, des noirs qui se sont blanchis en mariant des Peaux-Rouges, c’est pour expliquer comment nous sommes devenus « les Nègres blancs d’Amérique », selon le regretté Pierre Vallières.

Jean-Marc Massie a hérité de l’esprit de cet ancien moine, qui a troqué le bréviaire pour le pamphlet. On est loin du folklore avec lequel Fred Pellerin tente de renouer pour que « l’antan » maintienne ses assises. À Montréal, c’est un défi impossible à relever quand la majorité des élèves sont issus des victimes venues encercler le Mont-Royal pour fuir les dommages collatéraux des pays en guerre. Les tam-tams entendus de l’artificiel Lac-des-Castors de notre montagne battraient-ils le grand ralliement afin de signer une nouvelle entente sur l’art de vivre ensemble, comme l’a fait le gouverneur Frontenac en 1701 avec les Amérindiens?

Massie urbanise le conte pour l’ancrer dans la modernité des accommodements raisonnables. Il parcourt rues et ruelles en quête d’âmes dérivantes pour qu’elles puissent « continuer à vivre après le déluge du Saguenay », lequel a inondé toute la région en 1996. « Nous portons tous le même masque ». Il faut le laisser tomber pour faire la paix avec le passé de crainte d’être incapable de devenir adulte comme Plastique cow-boy, attaché à son cheval jouet électrique. Les histoires de loups-garous empêchent de grandir comme le chapelet entourant le cou de la mère. « I’ve got the blues », chantait Elvis Presley. La délivrance n’est pas dépendante de la ferveur religieuse telle qu’elle s’exprime en montant à genoux les escaliers, qui mènent à l’Oratoire Saint-Joseph, érigée à flanc de montagne.

Si le langage de Fred Pellerin colle aux paroissiens de Saint-Élie-de-Caxton, il en est tout autrement de celui de Jean-Marc Massie. Il a évité les carcans linguistiques locaux pour peindre ses héros. Dans un univers élargi, la compréhension réciproque lui a imposé le respect des normes grammaticales afin de stigmatiser l’universalité de la déprime délinquante des identités refoulées. Bref, une œuvre excellente accompagnée d’un DVD sur un Montréal actuel.