Les Aveugles
de Fei yu Bi

critiqué par Camarata, le 21 mars 2012
( - 73 ans)


La note:  étoiles
La beauté est-elle dangereuse ?
En Chine, l’un des rares métiers accessible aux aveugles est de pratiquer le massage tuina, c’est ce que font les protagonistes de ce livre. Ils exercent leur art dans un centre de massage dirigé par deux anciens masseurs.
L’auteur nous fait entrer dans la vie quotidienne de ces masseurs aveugles, dans leur enfance, leurs espoirs, leurs angoisses, nous fait sentir les préjugés qui les emprisonnent.
Chacun des employé a des raisons différentes pour travailler dans ce centre où hommes et femmes sont logés dans des dortoirs différents.

Ainsi, la jeune Xia Cong ne peut révéler son amour pour DR WANG à ses parents, car ils excluent tout mariage avec un aveugle.
Le jeune couple Xia Cong et Dr Wang espèrent réunir suffisamment d’argent pour ouvrir leur propre salon et se marier, mais le manque cruel d’intimité exacerbe les désirs de la jeune Xia Cong qui exprime sa frustration dans une effusion innocente mais dangereuse auprès d’un camarade garçon.
« Ici il faut expliquer un autre trait propre aux non-voyants : comme ils ne se voient pas, ils ne peuvent échanger par les expressions du visage, et dans les circonstances où ils chahutent et rigolent, garçons et filles ont le contact facile, « ils en viennent aux mains » sans la moindre honte……
Lorsque deux personnes non-voyantes évitent le contact physique, il s’agit d’une attitude aussi distante que celle de deux valides qui éviteraient de se regarder, si ce n’est pas une preuve de mauvaise intention, c’est pour le moins un signe de défiance mutuelle. »


Zhang Yiguang ancien mineur a perdu ses yeux dans l’explosion d’un mine qui a tué tous ses camarades, reconverti en masseur il décide d’exorciser ses peurs dans les bras des prostituées.
Au centre de tuina , Zhang Yiguang redoublait d’effort. Pour une raison bien simple : plus il travaillerait, plus il empocherait, et plus il irait chez les filles. Chez les shampouineuses aussi, Zhang Yiguang redoublait d’effort et là aussi la raison était simple,il s’était fixé un objectif : Zhang Yiguang se devait de connaître quatre-vingt-une shampouineuses. C’est écrit dans les livres : tout empereur avait trois palais, six résidences et 72 concubines, ce qui fait en tout quatre-vingt-un.



Dans ce milieu clos, les passions les jalousies prospèrent, comme chez les valides mais une solidarité évidente, un attachement, une cohésion secrète, permet d’aplanir les conflits.
Cependant l’ordre feutré du centre de Tuina va se fissurer quand l’un des patrons SHA FUMING apprend par les clients voyants, qu’une nouvelle venue la fière Du Hong est belle. Cette beauté qu’il ne peut vérifier puisqu'elle est l’apanage des voyants va le travailler, l’obséder jusqu’à faire naître un amour ravageur pour celle qui possède cet incomparable et inutile attribut. Une employée voyante voulant exploiter cette préférence qu’elle a facilement détectée, va déclencher une avalanche de catastrophes en semant la zizanie entre les patrons.
En gros le personnel du centre de Tuina est réparti en 2 groupes, celui des non-voyants et celui des valides . Les deux cohabitent très bien . Si on veut absolument affirmer que l’un domine l’autre, alors ce sont les non-voyants. Ils sont les patrons du centre, ce sont eux les spécialistes, eux qui détiennent l’expertise professionnelle et les plus hauts revenus ; Par rapport à eux, les valides ne sont que des seconds rôles, ils sont chargés des taches subalternes, un point c’est tout. Ils sont comme l’eau du puits et l’eau de source, les uns bien tranquilles dans leur trou, les autres s’agitant en surface, et tous vivant en bonne intelligence.


Ce roman non dénué d’humour, est incroyablement prenant, je me suis totalement attaché au sort de ces personnes si éloignées de mon existence et j’ai eu le plus grand mal à refermer le livre et à les quitter.