21 rue La Boétie
de Anne Sinclair

critiqué par Veneziano, le 31 mars 2012
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Un marchand d'art juif aux années noires
Anne Sinclair se souvient de son grand-père marchand d'art et de son épouse, aux détours d'une mésaventure d'état civil où elle a éprouvé des difficultés à prouver sa nationalité française. Cet épisode malencontreux a réveillé de mauvais souvenirs familiaux, son grand-père ayant été déchu de sa nationalité par l'Etat français, le régime de Vichy, à l'heure où il s'était réfugié aux Etats-Unis.
Il l'a emmené assez loin, puisqu'elle s'est embarquée dans l'histoire de la collection de son grand-père, en partie récupérée pendant la guerre par l'Etat. Elle retourne sur les lieux qu'il a connus, retrace les relations de son grand-père avec les grands artistes de son époque, qui relève d'un bal choral vertigineux, où se croisent Berthe Morisot, Henri Matisse, Pablo Picasso, notamment. Elle raconte comment il varie avant-garde et classicisme.

Ce livre est émouvant, empreint de souvenirs, à la fois guidé par le hasard de l'émotion et le souci de clarté, de rigueur, d'exhaustivité et de synthèse, au point que j'ai pu regretter que ce livre ne fût pas plus long, non pas que j'attendisse des confidences intimes, mais davantage d'informations sur les peintres croisés et sur le fonctionnement de cette profession.
Ce livre est beau, touchant et instructif.
INTROSPECTION FAMILIALE! 8 étoiles

Ce livre se présente comme l’histoire familiale de l’auteur. Mme. Anne SINCLAIR se remémore avec tendresse et passion de la vie de son grand-père Paul ROSENBERG, marchand de tableaux et collectionneur d’œuvres d’art avant et après la Deuxième Guerre Mondiale.

On suit pas à pas les démarches de l’auteur, sa visite au garde meuble, où elle a entreposé les archives de sa mère, la visite dans les demeures habitées par sa famille, sa visite aux différents musées qui conservent dans leurs archives les lettres originales de son grand-père, et bien sûr sa visite au 21, rue de la Boétie à Paris, exactement là où se situait la galerie d’art de son grand-père avant la Deuxième Guerre Mondiale…

Anne SINCLAIR ne se contente pas de nous faire revivre ses souvenirs, son histoire de famille, elle nous raconte l’histoire de sa famille maternelle, d’origine juive et prise dans la tourmente de la Guerre. Nous découvrons ainsi ce singulier personnage, ses rapports avec les peintres qu’il représente dans sa galerie (Marie LAURENCIN, PICASSO, BRAQUE, MATISSE, Fernand LÉGER), sa rivalité avec l’autre grand marchand d’art de l’époque D.-H. KAHNWEILER…

Mais l’épisode principal est quand même les années de guerre et l’histoire de sa collection de peinture. En effet l’incroyable collection de Paul ROSENBERG (qui regroupe des centaines de toiles modernes, mais aussi des plus grands peintres impressionnistes…) attire la convoitise des nazis et ils ont en fait une «cible prioritaire» avant même leur invasion du territoire Français…
L’auteur nous raconte donc aussi comment les nazis procédèrent à la spoliation (qui en fait n’étaient rien d’autre que du vol pur et simple!) de la collection de son grand-père…

J’ai d’ailleurs été surpris par la richesse et la précision des recherches de Mme. SINCLAIR, on trouvera notamment des références aux livres de M. Pierre ASSOULINE «L’homme de l’art : D.-H. KAHNWEILER 1884-1979 », au livre de M. Hector FELICIANO «Le musée disparu : Enquête sur le pillage d’œuvres d’art en France par les nazis », ou encore à l’histoire de M. Aristides De SOUSA MENDES (rapportée dans le livre de M. Éric LEBRETON, «Des visas pour la vie ») qui donna des visas à toute la famille de Mme. SINCLAIR, afin qu’ils puissent franchir sans encombre l’Espagne et trouver refuge aux Etats-Unis d’Amérique… (A noter que ces trois livres sont critiqués sur CL…).

L’écriture du livre est simple, et le livre se lit en quelques heures. L’histoire n’en est pas moins belle, et malgré parfois quelques longueurs et quelques digressions, se lit franchement avec le plus grand plaisir.

Un très beau livre, une belle tranche d’histoire, de vérité…
A lire…

Septularisen - - - ans - 9 juin 2013