El Sexto de José María Arguedas

El Sexto de José María Arguedas
(El Sexto)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Pucksimberg, le 31 mars 2012 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans)
La note : 9 étoiles
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Une oeuvre dérangeante qu'il ne faudrait plus ignorer

José María Arguedas (1911-1969), célèbre écrivain et anthropologue péruvien, a connu l'enfer carcéral à El Sexto en 1938 alors qu'il participait à une manifestation antifascite. De cette expérience traumatisante a germé ce roman âpre, politique et dérangeant.

"El Sexto", pénitencier de Lima, abrite des horreurs sans nom. Le jeune Gabriel se voit enfermé dans ce lieu infernal où cohabitent des clochards déshumanisés, des criminels et des voleurs, et des activistes politiques qui n'ont pas le droit à la parole, donc exilés à un étage précis de cette prison. Il y a plusieurs sphères dans cet univers de répression : les politiques ( 2ème étage ) et les criminels ( 1er étage ) ne sont pas mélangés. Il s'agit vraiment d'un univers dantasque. Au sein même des prisonniers politiques, les communistes s'opposent aux apristes. Gabriel se voit appartenir à aucun grand groupe, même s'il est placé à l'étage des dissidents politiques.

Gabriel est révolté et décontenancé par les scènes auxquelles il assiste : certains homosexuels sont utilisés comme des prostitués, Estafilade, Mariva et le trouble Rosita semblent s'imposer comme des chefs cruels de ce lieu maudit, des prisonniers sont humiliés, les coups se font parfois en douce. L'être humain perd son essence et devient un animal captif qui se bat pour survivre.

A cette peinture des prisons péruviennes s'ajoutent des réflexions sur l'engagement qui ont de grandes ressemblances avec le questionnement de Sartre dans "Les Mains sales" :Un petit bourgeois peut-il défendre la cause du peuple ? Comment les idées peuvent-elles être prioritaire sur les sentiments ? Comment faire abstraction des émotions ? Les affrontements verbaux des communistes et des apristes sont riches sur ce point.

Ce roman est un classique en Amérique du Sud. On ne lit pas cette oeuvre en se disant que l'on va passer un bon moment, je suis même incapable de la juger en ne portant qu'un jugement esthétique, ce roman est surtout le cri d'un auteur face à la bassesse humaine. Il est à lire parce qu'essentiel et parce qu'il ne faut rien taire.

Derrière cette vaste critique du milieu carcéral et du régime politique péruvien, se cachent quelques évocations des vies des prisonniers avant l'emprisonnement. Le lyrisme de ces retours en arrière ne fait qu'accentuer le tragique de leur claustration.

Un roman nécessaire salué par Mario Vargas Llosa.

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