Un excellent roman... A lire !!!

On présente souvent Pierre Benoît en voyageur, en reporter qui dans ses romans est capable de placer quelques pages exotiques pour donner à ses personnages une force incroyable, pour faire encore plus rêver les lecteurs, pour satisfaire les offices du tourisme qui se réjouissent de le voir passer et qui l’invitent sans hésitation pour mettre l’accent sur la beauté des lieux qu’ils défendent… en ouvrant « Fort-de-France » on pourrait donc s’attendre à de longues et belles descriptions de la Martinique… En fait, ce n’est pas le cas et je pense que nous pouvons énoncer deux bonnes raisons à cela. Il semblerait, tout d’abord, que Pierre Benoît ne soit pas allé dans les Antilles françaises et donc il ne connaît pas cette île paradisiaque. La seconde raison est aussi forte que la première, sinon même encore plus déterminante, est que nous sommes là dans un incroyable roman à suspense où la géographie n’a que peu d’importance… L’histoire aurait pu s’incarner à La Réunion, à Papeete, à la Dominique et, même, en arrangeant un peu certains personnages, sur l’île de Houat en Bretagne !

Fort-de-France est avant tout une histoire d’amour paradoxale. Paradoxale ? Oui, car du début à la fin du roman on vit cette histoire du point de vue d’un certain Gilbert, un métropolitain, héritier d’une petite entreprise du Sud-Ouest, qui a décidé de retrouver sa fiancée à la Martinique. Ils ont vécu une idylle lorsque cette jeune femme était éloignée de son île natale, elle a été rappelée sur place au décès de son frère, et il est temps maintenant de la retrouver définitivement…

Gilbert n’a pas terminé ses études. Il faut dire qu’il prend son temps, il n’est pas pressé de soutenir sa thèse. D’ailleurs, c’est le motif officiel de son voyage, chercher des renseignements complémentaires… J’ai oublié de vous préciser que Gilbert travaille dans la géologie, sur certains types de volcans auxquels appartient celui qui donne ses hauteurs à la Martinique, la Montagne Pelée, le monstre qui quand il se réveille peut être meurtrier…

Et la femme ? Déjà, vous le savez bien maintenant son prénom commence par un A ! Oui, pour les nouveaux venus dans le monde romanesque de Pierre Benoît vous devez savoir que par jeu – il n’y a pas réellement d’autres explications – les héroïnes ont des prénoms en A. Ici, il s’agit d’Aïssé. C’est une fille blanche, héritière d’une famille noble qui s’est installée dans les Antilles et qui y a fait fortune. On découvrira progressivement les trésors ancestraux de la propriété, le Morne-Vert…

C’est vrai que je n’ai pas envie de vous donner tous les dessous de ce roman qui est construit presqu’en thriller. Enfin, n’allez quand même pas croire que Pierre Benoît se soit transformé en Stephen King. Quand même pas ! Mais vous allez sentir, inexorablement, la pression monter, vous aller voir les personnages ressentir cette situation, souffrir, être victimes du temps qui passe, craindre pour leur avenir, certains souffriront dans leurs corps, la mort sera même au rendez-vous…

J’avoue, pour ma part, avoir plongé avec l’auteur et m’être transformé en Gilbert durant la lecture de ce roman que je trouve d’une incroyable force. J’ai ce roman depuis très longtemps chez moi. C’est un roman d’adolescence comme on dit, un de ceux qui servent à vous construire. Il est dans ma bibliothèque idéale aux côtés du Marchand d’oiseaux, de L’éducation sentimentale, des Aventures d’Arthur Gordon Pym, d’Un meurtre sera commis le… et de quelques autres… Certains d’entre vous pourront être déçus et ne pas comprendre comment un tel ouvrage peut avoir tant d’importance pour un jeune lecteur et la garder ainsi toute une vie, pour d’autres il y aura certainement le partage d’une émotion forte et vous vivrez quelques heures durant le destin de Gilbert et Aïssé.

Certains affirment que Pierre Benoît écrivait toujours ses romans avec une bonne dose d’autobiographie qu’il savait semer de-ci de-là… Où est cette part de vérité dans le roman ? Est-il Gilbert ? Est-il Aïssé ? Est-il un peu des deux ? Tout le mystère est là pour le lecteur et j’espère qu’il prendra un grand plaisir à comprendre ces deux jeunes gens durant ces quelques semaines à la Martinique…

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  Fort-de-France

  de Benoit, Pierre
  Albin Michel
  ISBN : SANS000030929 ; 01/01/1933 ; 312 p.