Joséphine Baker
de Jacques Pessis

critiqué par Numanuma, le 9 avril 2012
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Vénus d'ébèbne
Attention livre d’exception ! Non qu’il s’agisse d’un chef –d’œuvre, c’est une excellente biographie, mais des livres que je n’ai pas été capable de lâcher et que j’ai lu en une journée, je n’en connais pas beaucoup.
Ce jour-là, ma gastro se terminait. Arrêté, les neurones en berne, l’œil vitreux, le teint pâle, j’ai réussi à trouver assez de courage pour me lancer dans un livre plutôt que de baver devant la télé. Déjà, en soi, ce n’était pas une mince affaire.
Heureusement, la collection Folio Biographie est très attractive et je n’ai pas hésité beaucoup sur le choix de ma lecture et j’ai ai encore un bon paquet dans ma bibliothèque qui attendent leur tour. Joséphine Baker, donc.
Comme beaucoup de gens, je suppose, Joséphine Baker se résume à peu de choses : une ceinture de bananes, une réputation de femme libre, quelques chansons et… voila. Je n’aurais pas été capable d’en dire plus. Pourtant, quel personnage ! Un roman à elle toute seule. De ce court volume, 250 pages, l’auteur, Jacques Pessis, un gars qui s’y connait en biographies, fait une œuvre fleuve tant Joséphine Baker a eu de vies et la ceinture de seize fausses bananes n’est qu’un élément parmi d’autres d’une existence hors norme dans la France des années folles et au-delà.
Car oui, je l’ignorais, mais sa vie commence dans la France de cette période de fête, à Paris surtout, voire exclusivement, coincée entre deux guerres mondiales et dont elle deviendra le symbole. Pour moi, elle n’était que ça. Je n’avais aucune idée de sa vie avant Paris ni après 1930.
Quand elle arrive au Havre, elle connait personne, ne parle pas français et doit se débrouiller avec un dictionnaire de poche. Pas mal pour celle qui va personnifier le Tout Paris. La Revue Nègre, présentée au théâtre des Champs Élysées, alors en perte de vitesse, sera un succès quasi immédiat grâce à la personnalité hors norme de Joséphine Baker. Elle roule des yeux, des hanches, des fesses, danse pieds nus sur un rythme de charleston pratiquement inconnu dans la capitale. Elle incarne, c’est la clef de son succès, l’imaginaire de l’Afrique et des Antilles pour les parisiens aisés. Un imaginaire colonial plein de bon sentiments mais aussi de préjugés, de y’a bon Banania et de grandes idées. Pourtant, ce qui fait son succès, ce qui la rend absolument unique, c’est qu’elle réussit grâce à sa couleur. Aux États-Unis, lorsqu’elle y retournera quelques années plus tard pour une tournée, c’est à cause de sa couleur qu’elle sera rejetée. Voila ce qu’il faut avoir à l’esprit en écoutant la chanson J’ai deux amours.
Fantasque, elle l’était sur scène. Impossible, c’est ce qu’elle était le reste du temps. On ne pouvait rien lui refuser, surtout le plus inexcusable. Star sans se forcer, elle n’entendait rien à la vie de tous les jours et à ses tracas. Le quotidien lui était un monde inconnu au point que malgré la célébrité et la richesse, elle était toujours sur la paille. Elle dépensait sans compter et ne se souciait pas du lendemain. A d’autres les mesquineries banquières, les factures et les notaires.
Entière, elle se donnait sans conditions, sur scène comme à la ville. Elle connut plusieurs fois l’amour d’un homme mais Paris et la France resteront toujours sa priorité. Elle eut une part très active dans la Résistance grâce à ses connaissance mondaines, ses galas et sa frivolité dont elle usait pour obtenir des informations sans en avoir l’air.
Étonnant personnage qui entra également en lutte contre la racisme, une lutte autrement plus dure et délicate que la guerre mais son plus grand ennemi, ce fut elle-même. Elle ne s’économisait jamais, fut opérée plusieurs fois et fut de retour sur scène beaucoup trop tôt pour les médecins, beaucoup plus vite qu’un individu normal. C’est sûr, une gastro ne l’aurait pas empêchée de monter sur les planches, de séduire son public et de finir la nuit dans son cabaret à son nom. Il faudra une hémorragie cérébrale, en 1975, pour arrêter définitivement une carrière dont ne pourront jamais rêver les candidats de la Star Ac…