Archanges : Douze histoires de révolutionnaires sans révolution possible
de Paco Ignacio Taibo

critiqué par Bolcho, le 29 septembre 2002
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Aux défaites passées et à venir
Un ami lui a dit un jour : « Paco, il faut faire l’éloge de la défaite ». C'est vrai. Voyez les vainqueurs comme ils sont bêtes et inintéressants. En sport, ils brandissent des morceaux d'étoffes colorées en trottinant sur le stade. Après les guerres, ils traînent les vaincus devant des tribunaux qui ne font que tautologiser la puissance. Non, les vainqueurs, décidément, perdent à vaincre. Ce sont les vaincus qui font perdurer le rêve. Et des vaincus, la Révolution en a des monceaux. Le livre en présente douze, pas toujours très connus et de tendances diverses. Il n’est pas nécessaire d'approuver leurs méthodes pour s'intéresser à leur sort. Mais il est hautement recommandé de partager leurs espoirs. Je vous renvoie à la quatrième de couverture pour en savoir un peu plus sur les personnages et sur la démarche de P.I.T II. Il ne suggère jamais que les individus font l'Histoire, ni l’inverse d’ailleurs, et il nous cite Trotski à l’appui de sa prudence. Et puis, comme il dit, « (.) une personne n’est pas une personne, mais les échos de cette personne. (…) la seule manière de la capturer, c'est de fixer les dizaines d'échos qu’elle laisse derrière elle ». On se prend parfois à douter de la véracité des récits, mais c’est l’auteur qui nous y convie. Il nous dit, à propos de l'homme, réel ou imaginaire, qui insultait par haut-parleurs les officiers fascistes à la bataille de Guadalajara, en décrivant leurs turpitudes privées dont le récit avait été recueilli auprès des prisonniers : « Ce qui est raconté ici est bien trop beau pour n’être que mensonges ».
Oui, l’Histoire est une reconstruction sensible à l'esthétique. Mais le Réel aussi, n'est-ce pas ? Lisez les récits de ces douze personnes qui ont cru améliorer le monde et ont dit un jour sans doute, comme Ioffe que « (…) la vie n'a de sens que dans la mesure où on la vit au service d’un absolu ». Merveilleux n'est-ce pas, et un peu inquiétant aussi. Et tournons-nous vers notre époque pour la mesurer à l’aune de la précédente. Max Hšlze, sorte de Robin des Bois des années 20 en Allemagne est sur le point d’être pris par la police. Il monte sur un banc et crie « Travailleurs, vous allez les laisser m'arrêter ? ». Et c'est l'émeute qui le tire d’affaire. Essayez aujourd'hui. On croira à un happening. Les temps sont durs pour les défaites à venir.