Alger la noire (BD)
de Maurice Attia, Jacques Ferrandez (Scénario et dessin)

critiqué par Shelton, le 21 avril 2012
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
La perfection... ou si proche !
On connaissait bien Jacques Ferrandez dans l’univers de la bande dessinée. Certains, comme moi, avaient en mémoire son travail avec Rodolphe, les fameuses enquêtes du commissaire Raffini. D’autres, gardaient en tête les Carnets d’Orient, véritable chef d’œuvre de la bande dessinée et surtout œuvre racontant une saga familiale au cœur de l’histoire tumultueuse de l’Algérie et la France. Il devait bien exister un ou deux lecteurs utopistes pour espérer, enfin, une belle et grande enquête policière au cœur de cette Algérie qui représente tant aux yeux de Jacques Ferrandez…

Pour que cela puisse se faire il a certainement fallu beaucoup de coups de pouce du destin. Pour commencer, un bon roman – signé Maurice Attia – sut séduire le dessinateur Jacques Ferrandez. Un bon roman n’est pas indispensable pour faire une bonne bande dessinée mais cela peut aider comme dans le cinéma. Après, il fallait un éditeur, une collection. Or, il existe un label génial pour faire de la bédé policière : Rivages/Casterman/Noir. Mais là il y avait un problème : cette collection n’accueille que des ouvrages réalisés d’après un roman du catalogue Rivages Noir. Pas de chance Alger la noire a été publié par Actes Sud ! Heureusement, Casterman a proposé un format identique à la collection Rivages/Casterman/Noir, avec seulement la mention Casterman. Pour nous, lecteurs, c’est l’idéal, on saura ranger cet album avec les autres !

Restait à savoir quelle serait la période du polar, son genre, le style de l’adaptation. L’époque a été choisie par le romancier qui décrète de façon unilatérale que le double meurtre serait découvert sur une plage d’Alger, en janvier 1962. Nous allons donc avoir une enquête en pleine crise politique, au moment où l’OAS sévit, quand certains Pieds Noirs ne cherchent qu’à rejoindre l’hexagone où personne ne les attend… L’enquête sera menée par des policiers, eux-aussi en plein doute et désarroi. Jacques Ferrandez va utiliser son style – il n’y a pas d’autres mots pour qualifier sa narration graphique – et le tout sera illuminé par un grand humanisme provenant du romancier et de l’adaptateur. Le tout offrira aux lecteurs une magnifique enquête, scabreuse à souhait, un tableau de la ville d’Alger au moment de la rupture finale entre l’ère française et la future période algérienne, enfin, une galerie de portraits de personnages atypiques avec le bon policier, la prostituée sans scrupules sans oublier celle qui en est pourvue, la victime innocente des attentats aveugle, la jeune fille de bonne famille, le jeune arabo-français qui va s’en sortir par les études, le vieux sadique, la femme profiteuse… et je vous laisse découvrir tous les autres. C’est un plaisir que de se promener là, de les croiser et de voir les auteurs joueur avec tous les stéréotypes des séries B…

Deux personnages vont tenir le devant de la scène et on va les accompagner jusqu’au moment de tourner la page de cette tranche de leur vie. Il y a Paco, un émigré espagnol dont la famille a vécu a souffert sous la guerre civile. Il est devenu policier et on sent que c’est une de ses premières enquêtes. Heureusement, il est guidé par le vieux policier plein d’expérience, Maurice. Paco n’est pas seul non plus dans la vie puisqu’Irène est là…

Reste donc à savoir qui a bien pu assassiner aussi cruellement Estelle et Mouloud ? Mais c’est bien là l’objet du roman adapté en bande dessinée que je vous invite à découvrir et que j’ai adoré…
un bon polar 6 étoiles

Cet album est un polar sur fond de fin de guerre d'Algérie (l'action se déroule entre janvier et mai 1962), et de règlement de comptes entre partisans de l'OAS et du FLN.
Nous suivons une enquête policière particulièrement glauque, le tout dans une atmosphère très sombre. Une famille bourgeoise "pied noir" où les secrets de famille ne sont pas si bien gardés que cela, des non-dits du côté de la famille d'origine "algérienne", bref un cocktail explosif dans lequel doit s'engouffrer le jeune inspecteur Paco.
L'intrigue , si elle semble simple au début, finit par s'embrouiller au fil des pages, c'est un peu dommage, on finit par s'y perdre dans le nombre de protagonistes.
Les scènes de sexe, quant à elles, n'apportent rien à l'histoire et Ferrandez semble mal à l'aise pour les dessiner.

Même si je ne suis pas trop fan du dessin de Ferrandez (parfois assez figé, par rapport à d'autres de ses albums que j'ai seulement feuilletés), j'ai toutefois passé un agréable moment avec cette bande dessinée.

Hervé28 - Chartres - 55 ans - 29 août 2017


Une bande dessinée captivante 10 étoiles

Deux corps nus enlacés sont retrouvés sur la plage. Sur le dos du jeune homme est inscrit OAS. Comme pour souligner la force du châtiment le jeune homme est retrouvé "les couilles dans la bouche" comme l'observera l'enquêteur. La jeune fille semble avoir perdu la vie dans les bras de l'homme qu'elle aimait.

Cette enquête policière est complexe car elle brasse de nombreuses informations à la fois liées à la vie personnelle d'une famille et au contexte historique de l'Algérie de 1962. Il est question de l'OAS, des pieds noirs, de De Gaulle, de multiples attentats ... Le lecteur est emporté dans le rythme effréné de cette bande dessinée qui permet de découvrir tout un pan de l'histoire algérienne par le biais de dessins saisissants.

Les personnages sont décrits précisément, avec nuance et réalisme.Avec talent, Jacques Ferrandez permet au lecteur de visualiser cette époque tumultueuse. L'histoire amoureuse et surtout charnelle entre le personnage principal et une belle rousse incendiaire ne manque pas de sel.

Une bande dessinée qui séduit par le peinture fidèle d'une époque clairement définie, une enquête policière bien ficelée et une sensualité qui humanise les êtres.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 13 décembre 2012