Les oreilles de Buster de Maria Ernestam
(Busters öron)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Déboucher la bouteille de la mémoire
« J’avais 7 ans quand j’ai décidé de tuer ma mère. Et 17 ans quand j’ai finalement mis mon projet à exécution. » C’est ainsi que commence brusquement le journal intime d’Eva, tenu pendant 3 mois, sur un carnet offert comme cadeau d’anniversaire par sa petite-fille pour ses 56 ans, une confession qui mêle humour et émotion, recherche de tendresse et cruauté.
« J’ai débouché la bouteille de ma mémoire ». Ici, écrire, c’est plonger dans l’abîme du passé, sombrer dans les souvenirs douloureux pour renaître; et ceux d’une vie difficile reviennent progressivement à la surface. Soutenue par un verre de bon vin, seule dans le silence et l’obscurité de la nuit, Eva fait chaque soir le bilan de sa journée, racontant ses visites à ses amies, les problèmes rencontrées par celles-ci, le quotidien de son couple, les relations avec sa fille, bref , elle présente la vie ordinaire d’une femme, qui, à 56 ans, se sent déjà vieille et observe ses semblables avec un certain recul. Mais elle lève aussi chaque nuit le voile sur son passé, partant d’une enfance malheureuse près d’une mère, froide, fantasque et égocentrique, poursuivant sur une période d’ adolescence et d’apprentissage amoureux et aboutissant à sa vie familiale et professionnelle d’adulte.Tout ce qui avait été tu, enfoui, affleure à la mémoire; les hontes, les secrets se dévoilent lentement.
Un roman qui sous certains côtés rappelle Poil de Carotte ou Vipère au poing, mais qui les dépasse car il ne s’arrête pas à l’évocation de l’enfance et donne à voir comment après avoir été détruit, on peut se reconstruire, comme les baleines qui renaissent en sombrant dans l’abîme. Les baleines: une des figures récurrentes du roman, personnages issus de l’onirisme de l’enfance tout comme Buster et ses oreilles , le Roi de Pique ou les rosiers .
Même si j’ai trouvé quelques longueurs à certains épisodes d’adolescence où Eva élabore des stratégies de défense pour éliminer ses ennemis, et à certains passages de romance amoureuse avec John, j’ai lu avec avidité ce roman qui distille habilement, jusqu’aux dernières pages, dévoilement de secrets, rebondissements et réserve bien des surprises à son lecteur.
Les éditions
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Les oreilles de Buster [Texte imprimé], roman Maria Ernestam traduit du suédois par Esther Sermage
de Ernestam, Maria Sermage, Esther (Traducteur)
Gaïa
ISBN : 9782847202021 ; 24,40 € ; 07/09/2011 ; 409 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (5)
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Folcoche suédoise
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 17 avril 2023
Il est vrai que ce roman connaît quelques longueurs et n'est pas des plus joyeux, néanmoins là n'est pas le plus important. Il faut se laisser happer par Eva et l'histoire de sa vie, une vie qui défile sous nos yeux, de manière simple, une histoire narrée dans une ambiance feutrée et bercée par les paysages suédois.
Une bonne surprise.
Avec préméditation
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 15 mai 2020
Suzanne, sa fille unique est accompagnée de ses enfants Per, Mari et la petite dernière, solitaire passionnée de lecture, Anna-Clara qui sans le savoir va déclencher les confidences de sa grand-mère en lui offrant un journal intime.
Et des choses à raconter, Eva en a.
Dès son plus jeune age, sa mère lui a fait vivre l’enfer.
" ...je me rappelle avoir progressivement compris que ma mère ne se soucierait assez jamais de moi pour m’aimer, et que seule l’une d’entre nous verrait le bout du tunnel saine et sauve. À sept ans, je décidai que ce serait moi."
Eva décrit ce tiraillement constant entre la haine pour cette femme d’une incroyable cruauté, d’un égoïsme effrayant , et l’envie d’être aimée malgré tout. Son "côté blanc et le côté noir".
"Cette absence totale d’empathie et de morale, cet égoïsme sans bornes, tenaient forcément de la pathologie."
Quelques éclaircies de bonheur aideront la petite fille, puis l’adolescente à vivre, mais seront systématiquement anéanties.
Son père, homme faible mais aimant qui essaiera de compenser le manque d’amour maternel.
Britta une jeune fille de 15 ans employée pendant quelques mois "Tu es la plus belle chose qui soit au monde. Ne l’oublie jamais", et dont le départ sera un déchirement.
Et puis John, un marin croisé par hasard sur le port ; la carapace se fendille, elle tombe profondément amoureuse ; il a 24 ans, elle n’en a que 17.
"Les sentiments ne disparaissent pas. Ils peuvent finir dans des bouteilles bouchées avec des intentions claires, mais ils demeurent."
Alors Eva s’entraîne, puisqu’elle doit tuer sa mère, à s’endurcir, à ne plus se laisser humilier.
Ce sera d’abord Buster le chien agressif de voisins qui terrorisait le quartier et dont les oreilles deviendront une "version personnelle des poupées consolatrices des Indiens".
Karin Thulin, professeure de musique dépassée, responsable d’une autre humiliation.
Et puis un collègue de sa mère, Bjorn Sundelin, qui regrettera toute sa vie d’avoir croisé Eva.
Avec à chaque fois, un plan minutieusement prémédité et incroyablement efficace.
Un roman surprenant entremêlant des passages sombres, et quelques moments tendres ; le récit incroyable et passionnant d’une femme à la fois victime et froide meurtrière .
Avec un sens de la formule ou de la réplique savoureux. "La confiance en soi, c’est au rayon frais, ça moisit vite."
Un excellent moment de lecture qui réserve jusqu’au bout bon nombre de surprises.
Et l’envie de relire Vipère au poing.
Les ravages du manque d'amour
Critique de Anne-Lise (, Inscrite le 21 février 2006, 76 ans) - 15 mars 2014
Tout au long de ces presque 500 pages, les souffrances de la narratrice vont aller crescendo face à cette mère monstrueuse ( malade?). Eva s'entraînera, petit à petit, à châtier les "méchants" jusqu'à un point de non-retour.
L'auteure réussit parfaitement à tenir le lecteur en haleine. Même si le but de la narratrice est clair, Marie Ernestam sait doser les rebondissements qui nous accrochent et nous surprennent jusqu'à la dernière ligne.
De plus, s'appuyant sur l'imagination débordante de son personnage, l'auteure sait habilement mêler le fantastique à la réalité, ce qui donne au roman ce ton si particulier. C'est aussi pour cette raison que l'on peut plus facilement accepter le recours à certains subterfuges peu crédibles.
Ce roman est, à certains égards, déprimant certes, mais la dernière page laisse le lecteur sur une impression positive. Elle nous montre une Eva , bouleversée par le journal qu'elle vient de terminer, mais qui, libérée par l'écriture , essaie de se reconstruire et s'apprête à donner une preuve d'amour.
Folcoche en suédois
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 25 janvier 2014
Nous sommes dans les années 60 pendant qu’Eva va à l’école primaire, et sa mère ne correspond pas aux clichés de femme au foyer, elle fait carrière dans la mode et gagne son propre argent. Du rapport entre le père, qui ose très rarement prendre parti ou protéger sa fille, et la frustration méchante de la mère découle un alcoolisme notoire maternel. Elle est déstabilisante, changeant d’humeur et amèrement calculatrice.
La folcoche d’ Ernestam n’accepte pas qu’Eva apprécie quelqu’un et coupe les liens avec Britta, une jeune fille de la campagne qui devait lui service de références sentimentales. Elle casse toutes ses espérances et lui coupe l’herbe sous le pied dès que la petite semble se sentir bien. Elle lui rappelle, toujours en public, comme elle est désordonnée, spéciale et différente. Elle essaie de lui faire croire que personne ne l’aimera pour ce qu’elle est, puisqu’elle n’a rien pour plaire.
Et Eva se venge… Après avoir tué le chien du voisin qui l’avait agressé, fait virer la prof de musique qui ne la favorisait pas ou coupé le pénis d’un ami de sa mère, elle s’est débarrassée de cette mère. Le mécanisme de destruction que sa mère a mis en place finit par soutenir la construction d’Eva : elle réussit à devenir adulte, à sa manière, et à avoir assez de confiance en soi pour élever elle-même une fille, Susanne, à sa manière aussi.
Adulte, Eva s’occupe d’un autre diable méchant : Irene Sorenson et essaie, pour calmer sa conscience personnelle, de recoller les liens entre Irene et sa fille. Le lecteur a du mal à comprendre comment on peut tenir devant une vieille peau, cette tatie Danielle suédoise, horripilante. Enfin, celle-ci disparait aussi, peut-être que sa propre fille s’en est occupé ?
Noir, c'est noir, il n'y a plus d'espoir !
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 28 décembre 2012
Eva aussi cherche à se faire aimer de sa mère, mais n’y parvient jamais. Elle décide alors qu’elle a trop enduré, trop souffert et que cela ne cessera qu’avec la mort de sa mère. Elle veut la tuer ! Elle s’entraîne à surmonter sa peur et à glacer son cœur. Mais la vie n’est pas toujours programmable...
L’histoire débute lorsque la petite-fille d’Eva lui offre un carnet et qu’Eva décide d’y consigner ses mémoires pour « déterrer les cadavres de son placard ». Et le roman s’articule autour du passé entrecoupé du présent. Le lecteur a d’ailleurs parfois du mal à suivre dans des transitions qui surviennent sans prévenir, parfois au milieu d’un paragraphe.
Eva résume sa vie en disant qu’elle n’est pas morte, mais qu'elle est passée à côté de la vie. En fait, elle a cadenassé son cœur et a cessé de se laisser toucher par quoi que ce soit. Heureusement que ce livre est bien écrit et qu’il tient en haleine, car il est déprimant et n’offre aucun espoir.
A la fin, l’auteur explique qu’elle a voulu aborder le thème de l’assistance aux personnes âgées, mais je trouve ce thème vraiment mineur dans ce livre. Il concerne uniquement une amie acariâtre d’Eva, qui est maltraitée et dont Eva s’occupe comme pour expier, tandis que sa fille la méprise.
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méchante mère. August Osage County | 1 | Yotoga | 13 mars 2014 @ 08:25 |