Un alligator nommé Rosa
de Marie-Célie Agnant

critiqué par Libris québécis, le 26 mai 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Purges de Papa Doc
Papa Doc, ce père maudit de la nation haïtienne, confiait aux femmes l'extermination de ses prétendus opposants parce qu'il croyait que la gent féminine était plus douée à la tête d'une mission mortifère en raison de leur cruauté comparable à celle de l'alligator. Rosa, la « reine choche », telle que l'on appelle la responsable des purges, fut donc choisie pour éliminer, avec ses « gazelles féroces », ceux qui prétendaient au pouvoir.

À la mort du tyran, elle a fui à Gourdaix en France pour ne pas subir à son tour la médecine purgative de son successeur, le propre fils du dictateur que l'on appelait affectueusement Baby Doc. La marâtre a emmené, avec elle la jeune Laura, une femme qu'elle avait prise, enfant, sous son aile

Sur ce canevas, Marie-Célie Agnant a peint le tableau des âmes humiliées qui ont survécu aux exactions d' « oiseaux fous », comme Dany Laferrière qualifie les dirigeants haïtiens. L’auteure incarne la haine de deux rescapés de l'île de la mort, soit la protégée du monstre, qui lui est soumise, et Antoine Guibert, un écrivain qui a débusqué Rosa afin de lui faire avouer ses crimes avant de l'éliminer. Ce dernier compte sur Laura dans l'atteinte de son objectif. L'essentiel du roman repose sur leurs palabres pour déterminer le moyen le plus propice à l'assouvissement de leur désir de vengeance.

Cette intrigue traîne trop en longueur et en considérations redondantes pour soutenir entièrement l'intérêt du lecteur. Hormis le bémol, Marie-Célie Agnant a quand même mené son projet d'écriture à bon port. Elle parvient à nous sensibiliser au sort des Haïtiens, qui, même dans leur amère patrie, ont été réduits à des citoyens de seconde zone. Plusieurs traînent cette blessure jusque dans l'exil, où ils ne croient pas plus à leur chance de se trouver une place au soleil.