Un amour avorté

Onil Lenoir, un écrivain renommé, se réfugie au 33, chemin de la Baleine à l’Île-aux-Coudres pour écrire un roman. Nouveau marié, il laisse sa femme Éva à Montréal, qui peut compter sur une domestique pour la tenue de maison. Libre des travaux qui confinaient la femme d’hier à sa cuisine, elle emploie son temps à se doter d’une culture qui lui manque grandement pour fréquenter aisément les amis de son mari.

Issue d’un milieu humble, Éva est couturière dans une manufacture lorsqu’elle rencontre Onil, un homme affranchi de l’Église. Ils se sont tout de même mariés devant un prêtre même si le nouvel époux a interdit à sa dulcinée toute pratique religieuse. L’interdiction est d’autant plus ressentie qu’Éva a été élevée dans une famille très religieuse. Dans la pieuse atmosphère de l’époque, le roman s’attache au calvaire d’une femme privée de la présence de son amoureux pour quelques mois. Elle comble cette absence en lui envoyant des lettres enflammées avec assiduité, mais son mari ne s’oblige pas au doux devoir de lui répondre. Pire, il ne se pointe pas au jour prévu de son retour. La situation laisse supposer une lâche séparation pour des raisons que soutient un suspense bien entretenu.

Cette disparition ne peut se conclure par l’abnégation d’un amour aussi absolu. Un tel abandon comporte des germes qui fleurissent dans les institutions psychiatriques, en l'occurrence l'hôpital Douglas, où Jacques Lenoir se rend pour rapporter les lettres d'Éva qu’il a achetées curieusement dans un commerce d’antiquités. La facture du roman s’appuie sur la lecture à l’intéressée de cette correspondance à sens unique. Le procédé ne s’avère aucunement ennuyeux même si chaque missive ressasse inlassablement les mêmes sentiments.

Éva est devenue trop sénile pour se rendre compte que cette histoire est celle de son propre drame et de la cruauté qui l’a tuée. Elle n’en apprécie pas moins ces lettres qu’elle prend pour un roman que lui lit ce Jacques, intéressé à son sort pour des raisons que révélera un dénouement trop expéditif. Myriam Beaudoin a écrit autant l’histoire d’un amour avorté que l’histoire d’une folie. Hormis les redondances et une trame secondaire assez malhabile, le roman traduit, avec brio et simplicité, les ravages d’une séparation douloureuse.

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  33, Chemin de la Baleine

  de Beaudoin, Myriam
  Leméac
  ISBN : 9782760933101 ; EUR 25,15 ; 05/10/2009 ; 192 p. ; Broché

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